La métrique de cette ode, composée à l’occasion de la mort de Laurent de Médicis (1449-1492), semble ne correspondre à aucune de celles répertoriées chez les poètes antiques : elle me paraît fondée moins, comme de coutume, sur l’alternance des syllabes longues et brèves que sur leur nombre (strophe de 3 octosyllabes suivis de 2 pentasyllabes) et des effets de sonorités. J’en ai tenu compte dans ma traduction, j’essaie de le rendre sensible dans mon enregistrement :
Le lamento a été mis en voix et orchestré par Heinrich Isaac (1450-1517) sous forme de motet.
Qui changera ma tête en eau,
Qui me transformera les yeux
En une source de sanglots
__Que de nuit je pleure
__Que de jour je pleure ?*
Ainsi la tourterelle veuve,
Ainsi le cygne qui se meurt,
Ainsi se plaint le rossignol,
__Las, malheur, malheur,
__Ô douleur, douleur !
Le laurier** frappé par la foudre,
Ce laurier, oui, sitôt se couche,
Ce laurier fréquenté de toutes
__Les Muses qui dansent,
__Les Nymphes qui dansent.
Sous l’étendue de sa ramure
La lyre tendre de Phébus
Et la voix douce retentissent ;
__Et là : tout se tait,
__Et là : tout est sourd.
Qui changera ma tête en eau…
* Paraphrase de Jérémie, 9, dans le texte de la Vulgate
** Jeu de mots sur Laurus (laurier) et Laurentius (Laurent) ; selon certaines croyances, la foudre ne frappait jamais le laurier : la mort de Médicis relève en quelque sorte de l’exception.
Quis dabit capiti meo
aquam, quis oculis meis
fontem lacrimarum dabit,
__ut nocte fleam ?
__Ut luce fleam ?Sic turtur viduus solet,
sic cycnus moriens solet,
sic luscinia conqueri.
__Heu miser, miser !
__O dolor, dolor !Laurus impetu fulminis
illa illa jacet subito,
Laurus omnium celebris
__Musarum choris,
__Nympharum choris.Sub cujus patula coma
et Phoebi lyra blandius
et vox dulcius insonat ;
__nunc muta omnia,
__nunc surda omnia.
Quis dabit capiti meo…
(in Epigrammata)