Élégie à Lilla (extrait)
[…] Que ne me plaisent ville et altière demeure
Si tu aimes les champs et la chaumine en bois !
Que je mène une vie oisive, à la campagne,
Sous ton commandement, longtemps je marcherai
Avec toi dans les bois, les écarts, avec toi,
Chasseur aidé de chiens je forcerai les fauves.
Bonheur de me montrer sans peur, quand sous tes yeux
J’irai jusqu’à toucher les sangliers féroces,
Capturer les chevreaux sauvages, et défaire
En ma course emportée cerfs et lièvres timides.
Veux-tu, Chérie, pêcher des poissons écailleux ?
C’est moi qui porterait les nasses, les filets.
S’il te plaît de jouer avec gibier à plumes :
J’imiterai, nouveau Faune, les chants d’oiseaux.
Et quand, les jours de fête, à l’ombre feuillue d’arbres,
Les pieds des villageois pilonneront la terre,
S’il te plaît de danser avec les autres filles,
Et de mouvoir, légère, en rythme bras et jambes :
T’escortant, diligent, parmi la foule dense,
Je te prendrai la main, je t’ouvrirai la voie,
Sans trêve emboucherai de légers chalumeaux
Ou jouerai du crotale, au gré de tes désirs.
Tout ce que tu voudras, je le ferai, j’irai
Où tu iras, content, loin, près que l’on voyage.
J’irai content, Phébus montrant son char au monde
Ou le plongeant, rompu, dans le gouffre des mers.
Quand partout brilleront les bois de neige blanche,
Quand l’Auster hivernal versera mainte pluie,
Je conterai pour toi, qui feras, attentive,
Tourner au coin du feu ton fuseau arrondi. […]
Ah mihi ne placeant urbes, neve alta domorum:
Dum te rura juvant, vimineaeque casae.
Sed tecum in campis vitae traducar inerti,
Subque tuo imperio tempora longa traham
Tecum per saltus, tecum per devia montis
Venator canibus persequar usque feras.
O me felicem, cum te spectante feroces
Arguar intrepidus comminus ire sues,
Et capreas captare feras, et praepete cursu
Vincere seu cervos , seu timidos lepores !
Si, mea vita, voles squamosos prendere pisces;
Ipse feram nassas, retia et ipse feram.
Seu mage plumoso aucupio lusisse juvabit:
Alter Faunus ero cantu imitatus aves.
Sed cum luce sacra frondente sub arboris umbra
Tellurem quatiet rustica turba pede;
Ducere si choreas aliis immixta puellis,
Leviaque ad numeros membra movere voles ;
Ipse per angustam turbam comes impiger ibo,
Subjiciamque manus, efficiamque viam.
Ipse leves calamos non segni inflabo labello,
Pulsabo seu tu malueris crotalum.
Jusseris, efficiam quicquid : quodcumque mearis
Ibo lubens, via sit longa , sit illa brevis.
Ibo lubens, seu Phoebus equos ostenderit orbi,
Gurgite seu fessos merserit Oceani .
Ac nive cum albenti candescent undique silvae,
Et multam hybernus fuderit Auster aquam;
Tunc tibi fabellas referam, dum turbine fusum
Versabis tereti sedula inante focum.
(in Carmina illustirum poetarum italiorum tomus septimus [1720] p. 249)