Catulle (84 – vers 54 av. J.-C.) : Poème 112 / Multus homo es, Naso

Qui est Catulle ?


Tu es, Nason, un « homme actif »,
Mais rare est l’homme qui s’active
En ta faveur et qui te suive :
C’est que tu es, « Nason l’actif »,
Pédé passif.

Note sur cette traduction :

Ce distique a fait couler beaucoup d’encre : il est entendu que Catulle y joue sur les sens possibles de l’adjectif « multus ». Certains exemples tirés d’autres auteurs (dont Plaute) accréditent celui, négatif, de « touche à tout », peut-être de « bavard impénitent ». Je retiens pour cette traduction celui, positif, d’ « actif » (c’est l’opinion de M. Gwyn Morgan, exprimée dans son article « Catullus 112: A Pathicus in Politics » [The American Journal of Philology, Vol. 100, No. 3]), qui permet d’opposer, chez le même Nason, l’activité de l’homme politique à la passivité du « pathicus ». Notre homme déploie sans doute toute son énergie pour se faire élire à quelque fonction publique, mais il n’y a pas foule pour le suivre (« descendere ») au forum. À cela, une raison : ses mœurs.


Autres traductions par d’autres traducteurs :

Georges Lafaye (éd. Les Belles Lettres, 1923)

Tu te multiplies, Nason ; mais les gens ne se multiplies pas pour descendre (au forum) avec toi ; Nason, tu es un homme moulu2, un giton.

2. Calembour probable sur le mot multus, qui pourrait bien être confondu, dans une intention obscène, avec un ancien participe du verbe molere. (La note est de Georges Lafaye)

Maurice Rat (Catulle Œuvres, éd. Garnier, 1931)

Tu es innombrable, Nason, mais ceux-là ne sont pas innombrables qui vont avec toi. Oui, Nason, tu es un homme innombrable, un giton.

Oliviers Sers (Le Roman de Catulle, éd. Les Belles Lettres, 2004)

Quand tu es tout à tous, personne ne veut plus
De toi, Nason : à tous, tout foutu, trop foutu.


Multus homo es, Naso, neque tecum multus homo qui  
descendit; Naso, multus es et pathicus.

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Catulle : portrait de son rival (poème 71)


Qui est Catulle ?


Un puant de l’aisselle, et qu’on fuit à raison,
Goutteux ‒ l’ayant cherché ! ‒, qui traîne son pilon :
Le voilà, ce rival qui bourre ta louloute.
C’est merveille de voir chaque mal propagé :
Chaque fois qu’il la fout, des deux tu es vengé –
Elle souffrant du nez, lui crevant de sa goutte.


Si cui jure bono sacer alarum obstitit hircus,
aut si quem merito tarda podagra secat.
aemulus iste tuus, qui vestrem exercet amorem,
mirifice est a te nactus utrumque malum.
nam quotiens futuit, totiens ulciscitur ambos:
illam affligit odore, ipse perit podagra.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Victius pue du bec (poème 98)

odeurs


Puant de Victius, c’est bien de toi qu’on peut
Dire ce que l’on dit des fats et des verbeux :
« On peut, si nécessaire, avec sa langue sale,
Torcher des troufignons ou du cuir de sandale. »
Si tu veux, Victius, nous faire tous mourir,
Bée du bec : tu verras ton souhait s’accomplir.


In te, si in quemquam, dici pote, putide Victi,
id quod verbosis dicitur et fatuis.
ista cum lingua, si usus veniat tibi, possis
culos et crepidas lingere carpatinas.
si nos omnino vis omnes perdere, Victi,
hiscas: omnino quod cupis efficies.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Lesbie est revenue (poème 107)

L'homme qu'on aimait trop (André Téchiné)


Pas sans rapport, peut-être, avec la Mathilde de Jacques Brel,
qui elle aussi est revenue.

Est-il plus grand bonheur que s’il vient une chose
Que l’on désire, espère, et que l’on n’attend plus ?
Mon bonheur vaut mieux qu’or : c’était là mon désir,
Tu me reviens, Lesbie ! C’était là mon désir,
T’offrant, tu me reviens ‒ je ne t’attendais plus !
Ah, ce jour à marquer de la plus blanche pierre !
Qui, plus que je ne suis, est heureux, qui dirait
Que l’on pût espérer rien de mieux que ma vie ?


Si quicquam cupido optantique optigit umquam
insperanti, hoc est gratum animo proprie.
quare hoc est gratum nobis quoque carius auro
quod te restituis, Lesbia, mi cupido.
restituis cupido, atque insperanti ipsa refers te
nobis. o lucem candidiore nota!
quis me uno vivit felicior aut magis hac est
optandum vita dicere quis poterit?


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Un qui mettait des H partout (poème 84)

H


Arius prononçait c’hommode pour commode,
Et au lieu d’incendie, il disait hincendie*.
Il espérait alors parler pour notre épate,
Et disait chaque fois qu’il pouvait hincendie
‒ Sans doute ainsi disaient sa mère et son tonton,
Ses grands-parents aussi du côté de sa mère.

Envoyé en Syrie : repos de nos oreilles !
On percevait ces mots sans aspiration,
On ne redoutait plus d’avoir à les entendre
‒ Quand nous vint tout-à-coup cette horrible nouvelle
Que la mer ionienne, où Arius passa,
D’ionienne à présent se nommait hionienne.

* : Dans le texte latin, c’est insidias ( = embûches) qu’Arius prononce mal. Le sens du terme important peu, j’ai préféré traduire par incendie, et assurer une proximité phonétique entre les deux mots.

Chommoda dicebat, si quando commoda vellet
dicere, et insidias Arrius hinsidias,
et tum mirifice sperabat se esse locutum,
cum quantum poterat dixerat hinsidias.
credo, sic mater, sic liber avunculus eius.
sic maternus auus dixerat atque avia.
hoc misso in Syriam requierant omnibus aures
audibant eadem haec leniter et leviter,
nec sibi postilla metuebant talia verba,
cum subito affertur nuntius horribilis,
Ionios fluctus, postquam illuc Arrius isset,
iam non Ionios esse sed Hionios.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Supplique aux dieux pour qu’ils l’aident à rompre (poème 76)

oeuf brisé


S’il est quelque plaisir à se remémorer
Ses bienfaits d’autrefois, quand on croit être bon,
S’être montré fidèle à ses serments sacrés,
N’avoir trompé personne en mal usant des dieux,
Tu auras bien des joies, Catulle, en ton grand âge,
Du fait de cet amour si mal récompensé !

Car tout ce que de bien l’on peut, quand on est homme,
Dire ou faire à autrui, tu l’as dit, tu l’as fait
‒ Ce tout qui, confié à une ingrate, est mort.
Pourquoi vouloir porter plus loin ta croix, pourquoi
Ne pas durcir ton cœur, n’en pas finir et mettre
‒ Comme veulent les dieux ‒, un terme à ton malheur ?

Difficile de rompre un long amour, d’un coup ?
‒ Difficile, il est vrai, mais il te faut le faire,
C’est là ton seul salut, c’est là qu’est ta victoire.
Fais-le, sans le pouvoir autant qu’en le pouvant.

Ô dieux, si le malheur vous touche, si jamais
Vous nous portez secours au moment de la mort,
Observez mon malheur, et, si ma vie fut pure,
Arrachez de mon corps ce fléau, cette peste,
Qui s’est insinuée, torpeur ! en mes entrailles,
Délogeant toute joie de ma fibre sensible.

Je ne demande plus qu’elle m’aime en retour,
Ni ‒ elle ne peut pas ‒ qu’elle soit vertueuse :
Mais la santé, guérir de ce mal qui me ronge.
‒ Ô dieux, guérissez-moi, du fait de ma bonté !


Siqua recordanti benefacta priora voluptas
est homini, cum se cogitat esse pium,
nec sanctam violasse fidem, nec foedere nullo
divum ad fallendos numine abusum homines,
multa parata manent in longa aetate, Catulle,
ex hoc ingrato gaudia amore tibi.
nam quaecumque homines bene cuiquam aut dicere possunt
aut facere, haec a te dictaque factaque sunt.
omnia quae ingratae perierunt credita menti.
quare iam te cur amplius excrucies?
quin tu animo offirmas atque istinc teque reducis,
et dis invitis desinis esse miser?
difficile est longum subito deponere amorem,
difficile est, verum hoc qua lubet efficias:
una salus haec est. hoc est tibi pervincendum,
hoc facias, sive id non pote sive pote.
o di, si vestrum est misereri, aut si quibus umquam
extrema iam ipsa in morte tulistis opem,
me miserum aspicite et, si vitam puriter egi,
eripite hanc pestem perniciemque mihi,
quae mihi subrepens imos ut torpor in artus
expulit ex omni pectore laetitias.
non iam illud quaero, contra ut me diligat illa,
aut, quod non potis est, esse pudica velit:
ipse valere opto et taetrum hunc deponere morbum.
o di, reddite mi hoc pro pietate mea.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Promesse d’amour (poème 109)

Psyché ranimée par le baiser de l'Amour (Antonio Canova, 1777)


« Voici ce ce que sera cet amour qui nous lie :
Un délice sans fin ! », me promets-tu, ma vie.
Ô faites, dieux du ciel, que ce soit vérité,
Qu’ainsi parlent son cœur et sa sincérité,
Pour que nous puissions vivre avec persévérance
Dans le pacte éternel d’une sainte alliance !


Iucundum, mea vita, mihi proponis amorem
hunc nostrum inter nos perpetuumque fore.
di magni, facite ut vere promittere possit,
atque id sincere dicat et ex animo,
ut liceat nobis tota perducere vita
aeternum hoc sanctae foedus amicitiae.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Entre mecs (poème 50)

entre hommes


Licinius, hier, comme on avait le temps,
On s’est bien amusé, noircissant mes tablettes
‒ C’est ce qui convenait aux tendres que nous sommes.
Écrivant tour à tour des vers de mirliton,
On jouait sur tel mètre et tantôt sur tel autre,
En se faisant écho, plaisantant, chopinant.
Et puis je t’ai quitté, ravi de ta finesse
D’esprit, Lucinius, et de tes clowneries :
Je n’ai, pauvre de moi, pas eu goût de souper,
Ni n’ai pu fermer l’œil et dormir coitement,
Me brassant dans mon lit, çà, là, ensauvagé
De fureur, désireux de voir poindre le jour
Afin de te parler, d’être en ta compagnie.
Mais après ‒ quasi mort et recru de fatigue ‒
Avoir pu m’assoupir sur ma petite couche,
J’ai rédigé, mon beau, ce poème pour toi,
Qui te remontrera la peine que j’endure.
Maintenant, garde-toi d’être dur, garde-toi,
S’il te plaît, mon craquant, de snober mes requêtes,
Ou crains que Némésis n’en vienne à te punir :
Ne lui fais pas d’outrage, elle est vite en colère.


Hesterno, Licini, die otiosi
multum lusimus in meis tabellis,
ut convenerat esse delicatos:
scribens versiculos uterque nostrum
ludebat numero modo hoc modo illoc,
reddens mutua per iocum atque vinum.
atque illinc abii tuo lepore
incensus, Licini, facetiisque,
ut nec me miserum cibus iuvaret
nec somnus tegeret quiete ocellos,
sed toto indomitus furore lecto
versarer, cupiens videre lucem,
ut tecum loquerer, simulque ut essem.
at defessa labore membra postquam
semimortua lectulo iacebant,
hoc, iucunde, tibi poema feci,
ex quo perspiceres meum dolorem.
nunc audax cave sis, precesque nostras,
oramus, cave despuas, ocelle,
ne poenas Nemesis reposcat a te.
est vehemens dea: laedere hanc caveto.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Les mauvais livres font les bons rhumes (poème 44)

Tibur Villa Hadriana


Ô ma terre sabine, à moins que de Tibur
(Car tu es de Tibur pour ceux qui ont à cœur
De ne pas me blesser ; mais ceux qui à cœur l’ont
Parient n’importe quoi que tu es bien sabine),
Sabine ou de Tibur (c’est le plus vraisemblable),
J’ai fait, dans ta maison voisine de la ville,
Bon séjour, expulsant une mauvaise toux
Certes bien méritée, cadeau de mon bedon
Que j’avais engagé dans de riches ripailles.
En effet, j’ai voulu que Sestius* m’invite,
Et j’ai lu son discours Contre le candidat
Antius ‒ regorgeant de peste et de venin.
De là qu’ayant pris froid, et qu’une toux fréquente
Me secouant, j’ai pris la tangente vers toi
Pour guérir, me soignant au repos, à l’ortie.
Me revoici sur pied ‒ merci du fond du cœur
De n’avoir pas tiré vengeance de ma faute.
Si j’accueille à nouveau les écrits maléfiques
De Sestius : je veux que prenne froid, que tousse
Enrhumé, Sestius, Sestius, et pas moi !
Qui me fait, m’invitant, lire un livre assassin.

* On ignore tout de ce riche Romain qui se piquait de littérature.

O Funde noster seu Sabine seu Tiburs
(nam te esse Tiburtem autumant, quibus non est
cordi Catullum laedere; at quibus cordi est,
quovis Sabinum pignore esse contendunt),
sed seu Sabine sive verius Tiburs,
fui libenter in tua suburbana
villa, malamque pectore expuli tussim,
non inmerenti quam mihi meus venter,
dum sumptuosas appeto, dedit, cenas.
nam, Sestianus dum volo esse conviva,
orationem in Antium petitorem
plenam veneni et pestilentiae legi.
hic me gravedo frigida et frequens tussis
quassavit usque, dum in tuum sinum fugi,
et me recuravi otioque et urtica.
quare refectus maximas tibi grates
ago, meum quod non es ulta peccatum.
nec deprecor iam, si nefaria scripta
Sesti recepso, quin gravedinem et tussim
non mihi, sed ipsi Sestio ferat frigus,
qui tunc vocat me, cum malum librum legi.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Haro sur la morue ! (poème 42)

tablettes de cire


Accourez de partout, les hendécasyllabes,
Tant que vous êtes tous, tous tant que vous êtes !
Une horreur de morue pensant m’amuser
Refuse de me rendre, à moi, mes tablettes,
Et vous pourriez de ça vous accommoder ?
Vite, au harcèlement, réclamez mon bien !

« C’est qui ? » demandez-vous. ‒ Voyez-la qui vient,
Moche, et que je te mime ! et que je t’affecte !
Que je te rie d’un air de roquet des Gaules !
À vous de l’assiéger, réclamez mon bien :

Dis, pourrie de morue, tu rends les papiers,
Tu les rends, dis, morue pourrie, les papiers ? 

Ah, tu t’en fiches, bouse, ô claque à putains
Ou s’il est rien de pis dont te désigner !
‒ Mais autant le prévoir : ça n’y peut suffire.
Faute de faire mieux, tâchons d’imprimer
Quelque rouge à son front ferré de roquet.
Criez tous derechef en haussant le ton :

Dis, pourrie de morue, tu rends les papiers,
Tu les rends, dis, morue pourrie, les papiers ? 

Mais ça ne sert à rien, rien ne l’impressionne,
Changeons de stratégie comme de registre
Et peut-être aurons-nous plus de réussite :

Dis, Pudeur, Probité, tu rends les papiers ?


Adeste, hendecasyllabi, quot estis
omnes undique, quotquot estis omnes.
iocum me putat esse moecha turpis,
et negat mihi nostra reddituram
pugillaria, si pati potestis.
persequamur eam et reflagitemus.
quae sit, quaeritis? illa, quam videtis
turpe incedere, mimice ac moleste
ridentem catuli ore Gallicani.
circumsistite eam, et reflagitate,
‘moecha putida, redde codicillos,
redde putida moecha, codicillos!’
non assis facis? o lutum, lupanar,
aut si perditius potes quid esse.
sed non est tamen hoc satis putandum.
quod si non aliud potest ruborem
ferreo canis exprimamus ore.
conclamate iterum altiore voce.
‘moecha putida, redde codicillos,
redde, putida moecha, codicillos!’
sed nil proficimus, nihil movetur.
mutanda est ratio modusque vobis,
siquid proficere amplius potestis:
‘pudica et proba, redde codicillos.’


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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