Alexandre Neckam (1157-1217) : Le miroir

Jacob de Gheyn (1603)

Vanité (Jacob de Gheyn, 1603)


Le miroir, tant qu’il est intact, renvoie un reflet unique à qui, seul, s’y regarde. Que le verre se brise : autant de brisures, autant de reflets. De même, dans les Saintes Écritures : autant d’expositions, autant de reflets d’intelligences. Mais, chose admirable : retirons le tain sous-tendant le verre : il n’est plus de reflet pour qui s’y regarde. Retirons de même l’arrière-plan de la foi, on ne se voit plus clairement dans les Saintes Écritures. Par tain, on peut entendre péché. Ainsi, dans le miroir des Saintes Écritures, se voit-on moins nettement, si on ne s’avoue pécheur – qui dit ne pas avoir péché s’égare, il n’est plus en lui-même de vérité.

*

Si on se regarde dans un miroir concave, on se voit à l’envers ; dans un miroir plat, convexe, on se voit à l’endroit. Quelle explication à ce phénomène ?

*

La pupille, de fort peu de matière, est elle aussi miroir, on s’y voit quand on y regarde. Chez l’homme, trois jours avant la mort, la pupille, de claire, devient opaque, et ces trois jours durant, qu’on y regarde on ne s’y voit plus.

*

D’évidence, le reflet renvoyé par le miroir est à l’accord de celui qu’il reflète. Au rieur, il rit ; si on pleure quand on s’y regarde, le reflet pleure aussi. L’âme est ainsi le miroir de son Créateur, elle doit compatir à la passion du Christ, et se réjouir avec Lui de Sa résurrection et de Sa joie. Il nous faut, suivant les divers moments, assumer divers visages, sans jamais nous départir du visage de qui fait route vers Jérusalem.

*

Homme ! que, prospère et flatteuse, la fortune te sourie, que t’applaudisse la faveur populaire : souviens-toi de ta fragilité. Si tu es beau, bien fait, garde-toi d’être, comme Narcisse, le jouet de ta propre beauté. Crois-m’en, ton corps ne va pas, comme celui de Narcisse, devenir fleur ‒ mais cendre. Si tu veux observer le miroir exact de ta condition : observe le crâne d’un mort décomposé, retourné en poussière. À l’infirmerie, scrute le visage de ton frère qui s’apprête à mourir, et imagine tes derniers instants. Que ton frère qui se meurt soit ton miroir – où tu te reconnaisses.


Dum integrum est speculum, unica uno solo inspiciente resultat imago ; frangatur in plures vitrum, quot sunt ibi fractiones, tot resultabunt imagines. Sic et in Sacra Scriptura, quot sunt expositiones, totidem relucent intelligentiae. Sed, mira res ! substrahe plumbum suppositum vitro, jam nulla resultabit imago inspicientis. Subtrahe et fundamentum fidei, jam teipsum in Sacra Scriptura non videbis dilucide. Potest et per plumbum intelligi peccatum. In speculo igitur Sacrae Scripturae minus limpide teipsum cernes, nisi te esse peccatorem fatearis. Si enim dixerimus quia pecatum non habemus, nos ipsos seducimus, et veritas in nobis non est.

In speculo concavo videtur inspicientis imago eversa, in plano et convexo recta. Quis rationem super hoc sufficientem assignabit ?
Pupilla etiam quae pusilla est substantia speculum est, in quo imago hominis inspicientis relucet. Triduo autem ante obitum hominis adeo jam obtenebratur claritas pupillae, ut in ea per tres dies imago inspicientis non resultet.

Conformare se videtur imago resultans in speculo ei cujus est imago. Ridenti arridet, et dum flet inspiciens flere videtur imago. Anima igitur speculum est sui conditoris, et Christo patienti compati debet, resurgenti et gaudenti congaudere. Secundum diversitatem igitur temporum diversae facies sunt assumendae, dummodo semper habeamus faciem euntium in Hierusalem.

Arridet tibi, o homo, blandientis fortunae prosperitas, applaudet tibi favor popularis, fragilitatis tuae memor sis. Venustate elegantis formae praeditus es, vide ne cum Narcisso propria forma deludaris. Crede mihi, non mutabitur corpus tuum cum Narcisso in florem, sed in cinerem. Vis igitur expressum conditionis tuae speculum intueri, intuere testam capitis hominis jam putrefacti et in pulverem redacti. Vultum fratris tui in infirmaria in fata cedentis diligenter inspice, et memorare novissima tua. Frater moriens sit speculum tuum, in hoc teipsum agnoscas.

(in De naturis rerum libri II ,Livre II, chapitre 154 )


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : Small is beautiful

 

Naissance d'Eve (peinture murale de l’église Saint Pierre de Moutiers-en-Puisaye)

Naissance d’Eve (peinture murale de l’église Saint-Pierre de Moutiers-en-Puisaye)


Neckam fait le point sur son travail de poète encyclopédiste :
il vient d’exposer les grands phénomènes qui régissent l’univers ;
il va expliquer maintenant ce qu’il en est des petits.

[…] J’ai tâché d’aplanir les choses compliquées,
Vainquant le difficile et l’enclosant en vers.
Il me faut maintenant magnifier l’infime :
Le saule s’associe au cèdre indestructible,
Le cyprès, sans dédain, protège l’arbre à fruits,
Et la montagne altière est proche des vallées.

Tel l’oiseau qui, lassé de voler haut dans l’air,
Retourne au sol : vaillant, vers le bas je me tourne.
La sagesse, en l’infime, œuvre et montre ses forces :
Le plus de vie se trouve en de petites choses,
Témoins : moût de moutarde, et myrrhe, fusain, poivre,
Le ciron minuscule et fauteur de disputes,
‒ Guère plus gros qu’un point, provoquant l’ennemi,
Il enlève, vainqueur, lui-même sa victime.
Le gland cache racine et tronc, liège, écorce,
Branches, feuillées, ramure à la cime de l’arbre,
Inclut, par l’étonnant pouvoir de la nature,
Tant de glands, de hêtraies, de rouvres et de bois !
Le vaste toit du hêtre ombreux, qui se fait chambre,
Tityre, où t’allonger*… est inclus dans un gland.
Si le hêtre en entier est inclus dans le gland,
Dans le gland tout entier, c’est là un vieux débat,
Vieux débat, toujours neuf, toujours à titiller
L’intellect, et toujours puissamment titillant.

Observons que d’un grain, ce sont plusieurs qui naissent
‒ Cette force, on l’appelle Hécate ou bien Rhéa.
Comme on sait, quelquefois, sept corps sont enfermés,
Et qui ont forme humaine, en la même semence.
Ajoutons une femme, entière, dans la côte
Du premier homme : un corps, avec tant de morceaux !
Donc dans un morceau d’homme une hommasse était close,
‒ Moins, mettons, le morceau qu’enforcit la raison…

* Neckam reprend ici un des vers les plus célèbres des Bucoliques de Virgile.

Aspera sermoni plano servire coegi,
Et clausi victor ardua lege metri.
Jam fas esse puto magnis subvectere parva,
Stantibus est cedris associata salix.
Protegit et frutices non indignata cupressus,
Mons celsus valli proximus esse solet.
Instar avis quae post sublimem fessa volatum
Tellurem repetit, haud piger ima peto.
In minimis probat exercens sapientia vires,
Nam parvis virtus maxima rebus inest.
Myrrha, siler, piper hoc docet, et contrita sinapis,
Siroque tam modico corpore bella movens.
Vix puncto major congressu provocat hostem,
Et praedam victor subvehit ipse suam.
Glande latent radix, stipes, cum subere cortex,
Rami cum foliis, et coma summa tenens.
Glande etiam claudit naturae mira potestas
Tot glandes, fagos, robora tanta, nemus.
Umbrosum patulae fagi tegmen, recubanti
Quod tibi dat thalamos, Tityre, glande latet.
Sed numquid fagum totam sub glande latere
Tota censebis, ecce querela vetus.
Ecce querela vetus, semper nova, semper acutos
Sollicitans, semper sollicitare potens.

Cerne quod ex uno nascuntur plurima grana ;
Hinc Ops, aut Hecate, dicitur esse Rhea.
Septem, nota loquor, humanae corpora formae
Uno nonnunquam semine clausa latent.
Adde quod in costa protoplasti, respice tantum
Partes corporeas, femina tota fuit.
Sic in parte viri, quamvis tamen excipe partem
Quae ratione viget, clausa virago fuit.

(in De laudibus divinae sapientiae, IV, vers 394-425)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : Émulation du ciel et de la terre

 

Église de Saint-Pierre (Brocas, 40420) : voûte étoilée

Église de Saint-Pierre (Brocas, 40420) : voûte étoilée


Tout l’art de Neckam, poète de son temps : pensée sinuant parmi les mots
savamment répétés (une orchestration de miroirs), système d’émulations (aemulationes),
au sens donné au terme par Michel Foucault, confèrent au poème sa cohérence interne
de même que pareille cohérence est donnée par le Créateur à l’univers. 

La main du Tout-Puissant orna d’astres le ciel
‒ Je le vois qui s’amuse à disposer les astres.
Ciel et monstres ? ‒ Voici des constellations :
Serpent et Scorpion, Ourse, Lion, sont astres.
Jaloux, tu es Serpent ; Perfide : scorpion,
Féroce, tu es Ours ; Colérique : lion.
Renonce au vieux péché, deviens astre brillant
– La main de Dieu se plaît à ces métamorphoses.
Les prairies, étoilées, se confrontent au ciel,
La terre entre en concours, s’orne d’étoiles propres.
La nature, enhardie, se confronte à soi-même,
Enseigne aux fleurs comment égaler les étoiles,
Heureuse de pouvoir, vaincue ou vainquant, vaincre,
Et de plier genou devant son créateur.


Caelum sideribus ornavit dextra potentis,
___Sidera disponens ludere visa mihi.
Quid caelo et monstris ? varias ibi cerne figuras,
___Sidera sunt anguis, scorpius, ursa, leo.
Anguis es invidia, vel scorpio proditione,
___Ursus saevitia, sive tumore leo.
Sidus eris fulgens, veteres si deseris actus ;
___Dextrae divinae morphosis ista placet.
En stellata volunt caelo contendere prata,
___Ornatur stellis aemula terra suis.
Audet naturae virtus contendere secum,
___Dum flores stellis aequiparare studet.
Victa sed et victrix gaudet se vincere posse,
___Auctori flexo poplite grata suo.

(in De laudibus divinae sapientiae, IV, vers 368-381)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : Poire et vin

chardin poire noix verre de vin

Poires, noix et verre de vin (Chardin, 1768)


Deux façons – Queneau peut-être n’est pas si loin, ou Ponge – d’approcher stylistiquement la poire, l’approche du contenu demeurant celle de la médecine médiévale.

Poire poétique :

Le vin fait de la poire un fruit de grand plaisir
Qui consommée sans vin d’ordinaire est malsaine.
Car la chaleur du vin tempère sa froideur,
Cette même froideur qui épaissit l’humeur.
— Oui, mais sa dureté qui la rend indigeste ?
— La subtile action de Bacchus l’amollit.
Fruits mous : à jeun ; fruits durs : à la fin du repas,
Pour qu’ils puissent peser sur les mets ingérés.


Poire encyclopédique :

On déplore souvent que la poire soit malsaine si elle n’est cuite au vin. C’est que la poire est dure de chair, difficile à digérer, et froide de nature. Aussi, si, après avoir mangé des poires, on boit de l’eau froide, leur froideur s’en voit-elle accrue, laquelle embarrasse la digestion : de là viennent les humeurs crues, épaisses, sources de maintes maladies. Il faut les consommer avec du vin, pour que la chaleur du vin tempère leur froideur. À noter : tout fruit mou, tel que cerise, mûre, raisin, même la pomme et les fruits de son espèce, doivent être consommés à jeun, non en fin de repas. Du fait de leur nature aisément putrescibles, ils se gâtent rapidement et se transforment en fèces. La poire et le coing, quant à eux, qui, pris en fin de repas, amollissent sous leur presse, étant lourds, la nourriture ingérée, pris en début de repas constipent.


At pira laetitiae potus gratissima reddit,
Quae, si non dentur vina, nocere solent.
Nempe calor vini moderatur frigiditate
Illorum, per quam grossior humor adest.
Rursum durities digestivae nocet, at quid ?
Bacchi subtilis actio solvit eam.
Jejuno fructus molles, post prandia duri
Dentur, tunc etenim pondere sumpta premunt.

(in De laudibus divinae sapientiae)


Solet quaeri quare nociva sint pira, nisi vino conficiantur. Pira quidem sunt durae substantiae, et digestioni repugnantia, et frigidae complexionis. Si itaque post esum pirorum aqua frigida sumatur, augmentabitur eorum frigiditas, quae repugnat virtuti digestivae, unde crudi et grossi generantur humores, ex quibus multae nascuntur aegritudines. Ideo accipi debent cum vino, ut caliditate vini temperetur eorum frigiditas. Et notandum quia omne fructus molles, ut cerasa, mora, uvae, et etiam poma, et hujusmodi, jejuno stomacho debent exhiberi, et non post cibum. Facile enim propter habilitatem suam putrefiunt, et cito corumpuntur, et in fumum resolvuntur. Pira vero et coctana, quae post cibum sumpta laxant ponderositate sua, ante cibum constipant.

(in De naturis rerum)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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 Sur le thème de la médecine médiévale : 

Alexandre Neckam (1157-1217) : Éloge de Bacchus

triomphe de Bacchus

Le Triomphe de Bacchus (Ciro Ferri, XVIIe s.)


Je te reviens Bacchus, et te loue volontiers,
Sans appréhension prodiguant ta louange.
Heureuse Thèbes, crois-je – elle t’a mis au monde !
Tu primeras toujours sur Hercule ton frère.
Je place Sémélé avant Alcmène, qui
Voulut être ta mère – et Jupiter ton père.
Tu sus instruire l’Inde à cultiver la vigne ;
Thèbes sous ta conduite a été protégée.
Les rois t’ont fui, vainqueur de l’Inde, en temps de guerre,
Te venant librement lorsque règne la paix.

Bacchus, repos heureux des hommes, joie, plaisir,
Secours incontestable et salut savoureux,
Doux réconfort des dieux, délectable puissance,
Bacchus, père de joie et fleuron de la table,
Tu égaies plaisamment de plaisante chaleur
Les corps froids, plaisamment réchauffant tous leurs membres.
Bonne est Cérès, flanquée du joyeux Lyaeus !
Mais c’est lui le plus grand : dieu il est, déesse elle.

Veille à l’intégrité, pampre, des généreux
Fruits ; le Génie te loue pour ta besogne utile.
Car l’ample écu réchauffe et protège les grappes,
En contenant, Eurus, tes contournants assauts.
L’effeuillage ouvre au chaud, à la rosée, les grappes
Qu’il mûrit – Bacchus œuvre ainsi à nos délices.
L’eau dilate, le chaud monte et gagne le haut :
Tout ainsi croît, qu’enjoint la puissante Nature.
Ainsi le cep étend ses rameaux – et l’amour
Inné les entrelace en accord de tendresse.
Le sarment fait son fier sous son faix de bourgeons
Précieux, pour la joie du digne corps des dieux.
Les dieux exultent quand Bacchus vient enrichir
Leur table ; de ses dons, les déités s’enchantent.
La céleste assemblée bruit de joyeux échos
Quand, abondant, le vin de joie récrée les dieux. […]


Rursus, Bacche, tuas laudes describo libenter
Nec uereor laudis prodigus esse tuae.
Censeo felices Thebas, quae te genuere;
Fratre tuo semper Hercule maior eris.
Alchmene Semelen prepono. Quid? Tua mater
Atque tuus uoluit Iupiter esse pater.
Vt colerent uites, Indos prudens docuisti;
Vrbs quoque Thebarum te duce tuta fuit.
Indorum domitor, reges in Marte fugasti;
Allicis ingenue tempore pacis eos.

Bacche, quies hominum gratissima, laeta uoluptas,
Certum solamen, deliciosa salus,
Blandum lenimen superum, iucunda potestas,
Bacche, decus mensae, laetitiaeque pater,
Artus infrigidas placide, placidoque calore
Laetificas ; placide singula membra foues.
Grata Ceres laeto si sit sociata Lyaeo;
Maior hic est cum sit hic deus, illa dea.

Pampine, uulneribus confers custos generosi
Fructus; te genius utile laudat opus.
Ampla quidem facies uuas fouet atque tuetur.
Expicit insidias ambitus, Eure, tuas.
Parte fenestrata calor intrans decoquit uuas
Aut ros, quo Bacchi deliciantur opes.
Humor dilatat, surgit calor alta petendo;
Sic Natura potens crescere cuncta iubet.
Sic propago suos ramos extendit amorque
Innatus blando federe nectit eos.
Palmes honoratur oneratus tam precioso
Germine, quo superum gaudet honesta cohors.
Exultant superi, cum Bacchus ditat eorum
Mensas; numina sunt munere laeta suo.
Curia celestis laeto clamore resultat,
Cum superos recreat copia laeta meri. […]

(in Alexandri Neckam, Svppletio Defectvvm. Carmina Minora, cura et studio Peter Hochgürtel, Turnhout, Brepols, 2008, pp. 197 et sq.)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : Éloge de la vigne et du vin

vendanges médiévales 4

Automne (Tacuinum Sanitatis, fin du XIVe siècle.)


Voici Bacchus le montagnard mène-Dryades,
Aux tempes couronnées de sarments et de pampres.
Mère de toute joie, la fière et noble vigne
Prime sur toute plante, ainsi que sur tout arbre.
Elle donne le vin : délicieux présent
De la nature, il plaît au ciel comme sur terre.
Pampre, sarment, tendron, les grappes, le verjus,
Présentent quantité de bienfaits naturels.
La vigne donne vie, car le vin, c’est la vie ;
Donnant, gardant santé : liqueur délicieuse !
Le vin, s’il est présent, rehausse un gai festin,
On apprécie d’abord sa couleur, puis son goût.


En Bacchus, coetus Dryadum dux, collis amator,
Palmite pampineo tempora cinctus adest.
Matris laetitiae, generosae gloria vitis,
Herbis praecellit arboribusque simul.
Haec generat vinum, naturae deliciosum
Munus, quod superis terrigenisque placet.
Pampinus et palmes, et turio, botrus, agresta,
Innatae multum commoditatis habent.
Vitis dat vitam, quia vinum vita ; salutem
Et das et servas, deliciose liquor.
Laetam nobilitat mensam praesentia vini,
Quod placidum reddunt, hinc color, inde sapor.

(in De laudibus divinae sapientiae)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : Petit bestiaire

héron

Héron (Ardea) médiéval


Le héron :

Prédicteur de la pluie, le héron fuit forêts,
Marais, étangs – ses nids –, pour gagner l’empyrée.
Le ciel et l’air pour aire, il erre dans les nues
Errant tant qu’à grande erre il n’est rôti tout crû.
Il est prisé des grands pour son goût délectable,
Plus délectable oiseau peine à parer leur table.

NB : Ce sixain est fondé, en latin, sur un jeu de mots portant sur ardea (le héron), mis en rapport étymologique avec ardeo (je brûle) et arduus (haut). Pour tâcher de le rendre en français, j’ai pris sur moi de rapprocher, en français, héron de errer, air, etc., et de trahir consciemment le sens pour mieux respecter le processus créatif du poète.

Le becfigue :

Bien qu’il tire son nom de la fameuse figue,
Le raisin est un mets friand pour le becfigue :
S’il préfère à la figue, et de loin !, le raisin,
On eût dû, de raisin, le nommer « becraisin ».
– Mais quoi ! L’humus à l’homme a bien donné son nom,
Or, son esprit domine, et nourrit son limon.


La seiche :

La seiche, comme on sait, n’est munie que d’un os
De la forme, dit-on d’un pas très grand bateau.
Quand rage la tempête où l’horreur s’accumule,
Elle s’agrippe aux rocs avec ses tentacules.
Froidissant l’estomac, il faut boire dessus,
Dès que mangée, du vin de puissante vertu.


La raie :

De blêmes maladies la raie fameuse est mine
Si on ne la consomme avecque du vin blanc.
À défaut y supplée Cérès, bonne maman :
Quand le frère est absent, la sœur fait bonne mine.
Mais quoi ? Goûtant chair ferme et plaisante saveur,
Je me fie à moi-même, et plus qu’à mon docteur.


Le congre :

Le congre est congruent à des repas superbes,
L’habile cuisinier l’apprête avec des herbes.


L’oursin :

L’emportant en douceur sur le rayon de miel,
Tu fleuris à l’étroit d’un corps, oursin, bien fait.
Pour résister aux coups de la forte tempête,
Tu portes dans ta bouche un poids précis de lest,
Et ce caillou te guide en mer grosse d’orages
– Tu traînes, ô stupeur, ton guide dans ta bouche !
Le marin prévoyant charge ainsi son bateau
Afin que ni les flots, ni les vents ne le freinent.


Ardea praedicit imbres, quia stagna, paludes,
Silvas cum nidis deserit, alta petens.
Ardet adire Jovem, petit ardua, nubibus ardet,
Ardet ne citius ardeat assa cocus.
Judicio procerum grati solet esse sparis ;
Vix horum mensas gratior ornat avis.


Quamvis ficedulae det nomen gloria ficus,
Uva tamen cibus deliciosus ei.
Sed cum ficu sit multo pretiosior uva,
Debuerat nomen uva dedisse tibi.
Sed qui ? Humus nomen homini dedit, et tamen ipsum
Corpus praedominans spiritus intus alit.


Siccam vix uno munitam novimus osse,
Quod formam modicae fertur habere ratis.
Cum furor exagitat plenas horrore procellas,
Fimbriolis haeret rupibus illa suis.
Infrigidat stomachum, si non virtute potentis
Bacchi confestim subveniatur ei.


Pallentes generat famosa ragadia morbos,
Si non est albo succiduata mero.
Sed tamen alma Ceres defectum supplet Iacchi ;
Frater abest, facies grata sororis erit.
Sed quid ? dum solidam carnem gratumque saporem
Perpendo, medico quam mihi credo minus.


Divitibus mensis congrus bene congruit, ipsum,
Herbis servatum praeparat arte cocus.


Vincis, echine, favum mellis dulcedine magna ;
Corporis exigui calliditate viges.
Insultu validae ne concutiare procellae,
Libramen certi ponderis ore geris.
Te regit in tumido pelagi fervore lapillus,
Miror rectorem tu vehis ore tuum.
Sic bene prospiciens sibi navim nauta saburrat,
Ne fluctus vel vis aeris obstet ei.

(in De Laudibus divinae sapientiae)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Alexandre Neckam (1157-1217) : La vigne mystique

cycle du vin

Psautier (vers 1180)

En l’absence de taille, le cep se transforme en arbuste sauvage. La vigne, en effet, délicieux présent de la nature munificente, s’est accordée avec bonheur aux besoins des hommes. Du fait de leurs soins avisés et de leur industrie, elle donne à voir à l’occasion de bien belles noces, quand, courant çà, là, les sarments, noués par un engagement mutuel, s’entreprennent avec douceur, mollement étayés de tuteurs et de piquets, et deviennent, tout pareil, gros du fruit de joie, la rafle s’enrichissant de grains. Le raisin, quant à lui, recèle les pépins, et dans le grain se trouve le jus, qui par l’ingénieuse opération de la nature agissante et par la bienfaisante, contributive, chaleur de l’air, se transforme avec bonheur en une liqueur des plus délicieuses et des plus agréables, dont se réjouit le cœur de l’homme. Le pampre, par toute son ampleur, contient les assauts de l’air au moment opportun, et quand on l’effeuille laisse pénétrer la douce chaleur du soleil. Les vignerons entonnent de gaies chansons quand ils parviennent aux derniers rangs. 

Sur la terre du libre arbitre, croît pareillement, généreuse, la vigne des vertus, cultivée par le Grand Cultivateur. Elle connaît de joyeuses noces, où l’âme exulte et prend époux. La bonté naturelle de l’âme – dans laquelle les vertus sont au repos – sert de support aux vertus elles-mêmes ; et de même que la vigne est fécondée par la grappe, par les pratiques méritoires de la vie l’est la vigne des vertus. Le vin spirituel est la joie spirituelle de l’âme : grâce à elle, l’âme, sobre et désenivrée, oublie l’amour de ce monde et brûle de l’amour de l’Aimé. Dans le pampre réside la protection divine, laquelle contient les manœuvres de l’Aquilon et ouvre à la douce compassion de l’Esprit Saint. Les cohortes angéliques exultent, quand par bonheur il n’est plus besoin de la garde diligente qu’ils montent afin de préserver la vigne des renardeaux – car, de même que les vignes sont entourées de murs, les âmes où fleurissent les vertus sont confiées à la garde des Esprits Supérieurs.

taille-vigne

Taille de la vigne (XVe siècle)

On désigne ordinairement par « vigne » la Sainte Église, laquelle s’orne des sarments de la noble charité ; des pampres de la parole contrant, de leur rafraîchissant pouvoir, la chaleur des vices ; et des grappes des fructueuses méditations. Est-il bois plus racé que le sarment, plus commun que la javelle ? La javelle sert-elle à autre chose qu’à alimenter le feu ? Ainsi, tant que l’on relève de l’unité de l’Église, de son nom, de sa divinité, a-t-on la vigueur du sarment, verdoie-t-on du vert de la grâce. Mais retranché du corps de l’unité de l’Église, on devient une javelle, vouée au feu de l’enfer. Mais ô douceur de la compassion divine ! ô richesses infinies de la miséricordieuse bonté du Christ ! La javelle ligneuse, retranchée du corps de la vigne, ne retourne point au sarment racé dont est constituée la vigne : mais l’homme retranché, du fait de ses mauvaises actions, de l’unité de l’Église, reprend, grâce à la munificente bonté du Christ, sa place dans l’unité de l’Église unie. 

Des javelles provient la cendre que, le jour des Cendres, le pénitent se répand sur la tête, afin que l’homme se rappelle que ce n’est que par l’humilité et le rejet de soi-même qu’il peut devenir sarment dans la vigne instituée de la Sainte Église. Le temple du Seigneur fut réduit en cendres par un incendie, mais il fut vertueusement reconstruit. À cela s’ajoute que, de même que le sarment se fait javelle et que la javelle est réduite en cendres : ainsi le corps doté d’une âme devient-il cadavre, et le cadavre, cendres. C’est cela que rappelle le pénitent, s’il fait pénitence. Et n’oublions pas que l’eau – ou pleur – de vigne, est – les médecins le savent bien – bonne pour les yeux : ainsi la dévotion à la Sainte Église illumine-t-elle les âmes.

pressoir mystique 2

Pressoir mystique (vers 1400)

Le Christ, pareillement, est une vigne, dont les fidèles sont les sarments. Cette vigne poussant en terre vierge a fleuri au printemps de la Conception, et a donné son fruit au temps convenu. La grappe de cette vigne est la grappe de Chypre, la grappe de la floraison. Cette noble vigne, vigne généreuse, vigne de Soreth, a sur l’autel de la croix répandu le vin le plus pur, le vin qui réjouit – d’une joie spirituelle – le corps de l’homme. De cette vigne a aussi coulé l’eau du salut, l’eau de la vraie vigne, qui illumine spirituellement les yeux du cœur. Ô doux pleur de la très douce vigne, quand notre Seigneur a pleuré sur la cité, disant : « Si tu connaissais, toi aussi ! » – ce pour dire : « Si tu connaissais, toi aussi, la raison de mes pleurs, tu pleurerais toi aussi, comme je fais. »

Ô cité que protège les remparts des vertus, c’est à toi que j’adresse ce discours : « Âme humaine, si tu te connaissais toi-même depuis tout ce temps, tu pleurerais toi aussi comme je fais. Des cieux est descendu le gnoti séauton, le connais-toi toi-même. Homme, c’est à toi que je parle. Si tu me connaissais pour être fontaine de vie, moi qui pour toi verse des larmes, Âme, tu pleurerais toi aussi. Le reflet que retourne le miroir est la copie fidèle de la personne dont il est le reflet. Qui sourit apparaît souriant, qui pleure apparaît pleurant à celui dont c’est le reflet. Dès lors, Âme, puisque tu es le reflet de ton Dieu qui a pleuré pour toi, tu pleurerais toi aussi. Ô noble créature, pourquoi, si oublieux de toi-même, pourquoi te montres-tu de même oublieux de ton Dieu ? Ô doux pleurs, encore et encore, de la vraie vigne, quand notre Seigneur a pleuré sur la résurrection de Lazare ! Notre Seigneur Jésus a pleuré sur la résurrection d’un homme mort depuis quatre jours, et qui déjà sentait ; et toi, malheureux homme, invétéré dans le mal, mort non depuis quatre, mais cent jours, et qui sens, pourrissant en puanteur de vices, tu t’abstiens de pleurer afin que de ressusciter ? »

pressoir mystique 3

Pressoir mystique (Kuttenberger Kantionale, 1490)

Ô encore et encore : doux pleurs de la vigne généreuse, quand priant sur le mont, le Seigneur a pleuré dans l’imminence de la Passion. Viens, toi de même, sur le mont de Haute Vie Contemplative, et avec Jésus ton très doux Seigneur, pleure : heureux qui se lamente aujourd’hui, car il sera joyeux. D’évidence, lors de la rédemption du genre humain, la vraie vigne n’a point donné de pleurs, mais, la versant, fut prodigue d’une eau rougie de sang pourpre – car [Jésus] fut prodigue de rédemption, prodigue de purification, quand il monda le monde de ses immondices. Aussi ladite vigne étendit-elle ses sarments jusqu’aux confins de la terre, mais dans son sein virginal procura quelque ombrage à la Vierge glorieuse. Doux soit-il, à l’âme aimante, d’être assise à l’ombre de cette vigne et recréée par l’agréable odeur et la suavité de sa fleur délicieuse !

Mais il me faut reprendre ma liberté d’écrivain – sans que j’aie, tant s’en faut, épuisé la matière – et, redescendant sans tomber, passer de grandes choses à de petites : la vigne t’apportera, à toi qui redoutes la malignité d’autrui, le réconfort de son verjus, de ses scions, de ses provins. 


Vinea non putata in labruscam silvescit. Est igitur vitis naturae munificae deliciosum munus, quod usibus humanis laeta concessit. Quandoque vero artis humanae diligentia sollerti thalamos aspectu decoros vitis praebet, dum confoederatis nexibus errantes sese dulciter amplexantur palmites, quos virgae aut arundines leniter sustendant. Onerantur vero idem laetitiae fructu, dum botri racemis ditantur. In uva autem latet glarea, cum acino inclusa vinatio, quae quidem ingeniosa naturae operatione agentis, cooperante beneficio caloris aeris, in liquorem deliciosissimum et jocundissimum et cor hominis laetificantem mutatur feliciter. Pampinus latitudine sua excipit aeris insultus, cum res ita desiderat, et fenestra clementiam caloris solaris admittit. Laetum celeuma decantant vinitores cum ad extremos antes perveniunt.

Sic sic in terra liberi arbitrii crescit laeta virtutum vitis, quam summus agricola colit. Haec jocundos thalamos habet, quibus anima sponsum suum exultans suscipit. Sustentant autem quodammodo virtutes ipsas naturalia bona animi, in quibus virtutes quiescunt. Sicut autem vitis foecundatur botris, sic et virtutum vinea usibus meritoriis vitae. Vinum autem spirituale est spiritualis mentis jocunditas, qua mens sobrie debriata amoris rerum mundanarum obliviscitur, fervens in amore dilecti. Pampinus est divina protectio, quae insidias Aquilonis excludit, et clementiam miserationis Spiritus Sancti admittit. Exultant angelici cives, cum feliciter diligentiam custodiae suae consummant, quam vitibus observandis ne eas vulpeculae demolirentur adhibuerunt. Sicut namque maceria vineae cinguntur, sic et mentes virtutibus ornatae muniuntur custodia supernorum spirituum.

Solet item per vitem designari sancta ecclesia, quae palmitibus honestarum operationum, et pampinis verborum contra vitiorum aestum refrigerium praestantium, et botris fructuosarum meditationum decoratur. Quod autem ligni genus palmite generosius, quod sarmento abjectius ? Ad quid utile est sarmentum, nisi ut ignis pabulum fiat ? Sic sic quamdiu es de unitate ecclesiae et nomine et numine, quasi palmes viridis es, virens virore gratiae. Cum vero separaris a corpore unitatis ecclesiasticae, tanquam sarmentum effectus es, ignique gehennali reservaberis. Sed o dulcedo miserationis divinae ! O copiosae divitiae bonitatis misericordiae Christi ! Sarmentum materiale semel praecisum a corpore vineae, non redit in generositatem palmitis entis in constitutione vitis, sed homo, meritis suis malis exigentibus, ab unitate ecclesiastica praecisus, postea de munificentia benignitatis Christi revertitur in unitatis ecclesiasticae unitatem.

De sarmentis fit cinis quo caput paenitentis in capite jejunii aspergitur, ut recolat homo se non nisi per humilitatem et sui abjectionem posse fieri palmitem in constitutione vineae sanctae ecclesiae. Templum Domini in cinerem redactum est per combustionem, sed honeste reaedificatum est. Praeterea, sicut palmes efficitur sarmentum, et sarmentum in cinerem redigitur, sic corpus animatum in cadaver, quid in pulverem convertitur. Haec recolat paenitens, si paenitens est. Et vide quod aqua seu lacrima vitis, ut norunt medici, oculis confert. Sic et devotio sanctae ecclesiae mentes illuminat.

Vitis item Christus, cujus palmites fideles. Haec vitis in terra virginea crescens, verno conceptionis tempore floruit, fructumque tempore suo dedit. Botrus hujus vitis botrus est Cypri, botrus floritionis. Vitis ista nobilis, vitis generosa, vinea Soreth, effudit ex se in ara crucis vinum meracissimum, vinum spirituali laetitia laetificans cor hominis. Effluxit et ex hac vite aqua salutis, aqua verae vitis, quae cordis oculos spiritualiter illuminat. O dulcis lacrima dulcissimae vitis, cum Dominus noster super civitatem flevit, dicens « Si cognovisses et tu » ; ac si diceret « Si cognovisses causam fletus mei, et tu fleres sicut et ego. »

O civitas virtutum propugnaculis munita, ad te sermonem dirigo, o anima humana, si cognovisses jam dudum teipsam, et tu fleres sicut ego. Descendit de caelis nothis elithos, id est cognosce teipsum ; ad te loquor, o homo. Si item cognovisses me fontem vitae, qui pro te lacrimas effundo, o anima, fleres et tu. Imago resultans in speculo conformat se illi cujus est imago. Arridere videtur arridenti, flere videtur ipso cujus est imago flente. Tu igitur, o anima, cum sis imago Dei tui qui pro te lacrimatus est, fleres et tu. O nobilis creatura, cur tui nimis immemor es, cur et Dei tui immemor existis ? O iterum dulcis lacrima vitis verae, cum Dominus noster in suscitatione Lazari lacrimatus est. Lacrimatus est Jesus noster in suscitatione quadriduani jam foetantis ; et tu, miser homo, inveterate dierum malorum, cum sis non quatriduanus sed centenarius foetens et computrescens in vitiorum foetore, lacrimari desistis ut tu susciteris ?

O rursum dulcis lacrima generosae vitis, cum Dominus imminente passionis tempore in monte orans lacrimatus est. Transi et tu ad montem celsitudinis contemplativae vitae, et cum dulcissimo Jesu tuo lacrimare. Beati enim qui nunc lugent, quoniam ipsi ridebunt. Profecto in redemptione generis humani non lacrimam dedit vera vitis, sed copiose aquam effudit sanguine purpureo rubricatam. Apud quem enim copiosa fuit redemptio, copiosa etiam fuit mundatio, dum mundum mundavit munditia. Vitis itaque dicta palmites suos extendit usque in fines terrae. In utero autem virginali umbraculum praestitit gloriosae virgini. Dulce sit animae amanti sedere sub istius umbra vitis, et tam odore jocundo quam suavitate deliciarum floris ipsius recreari. Ut vero pro libertate scribentium, immo et pro lege materiae assumptae, a magnis ad minima sine praecipitio descendamus, dabit tibi qui aliorum malitiam reformidas vitis solacium, tam in agresta quam in turionibus et propaginibus.

(in De naturis rerum Chapitre CLXVII)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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