Geronimo Bornato (XVIe siècle) : L’abeille et Lélie (4 épigrammes)

Lys rouge (auteur inconnu)

Lys rouge (auteur inconnu)


Pourquoi, belle Lélie, l’abeille ménagère
‒ Mais pas de la beauté ‒ harcèle ton minois ?
Sa folie l’égarant comme moi lui fait prendre
Ton rouge de minois pour la pourpre des roses ;
À moins qu’en sa candeur embrouillant ton prénom,
Elle ne t’ait prêté comme prénom Les Lis.


Les lis sont à Vénus, que, redoutable abeille,
Tu pompes, bourdonnant, pour nectar, ambroisie :
Épargne, s’il te plaît, voleuse ! au moins ces fleurs
Semées par la Pudeur virginale et l’Amour.


Ne vole plus autour du minois de ma Belle,
Avare abeille, et cherche ailleurs, zélée, des roses :
Les lis par toi pompés sont les fleurs des Charites,
Que caresse Phébus, et que choie Cythérée.


Si tu pompes les lis du minois de Lélie,
Pour moi ton miel sera nectar, petite abeille.


Pulchra tuum quaeris num cur mea Laelia vultum
Nil parcens formae parca molestet Apis ?
Fallitur hæc mecum ; nam quem geris ore ruborem
Amens purpureas aestimat esse rosas.
Aut ignara tuo dubio nunc nomine peccat :
Nam tibi sit nomen Lilia forte putat.


Lilia sunt Veneris quae libas ore susurrans,
Saeva Apis, ut condas nectar et ambrosiam,
Floribus (ah quaeso) fur saltem parcere disce,
Quos Amor hic sparsit, virgineusque timor.


Desine jam nostrae circum os volitare Puellae
Parca Apis, ac alias sedula quaere rosas,
Sunt Charitum flores, quae nunc tu lilia libas :
Quae mulcet Phoebus, quae Cytheraea fovet.


Parva Apis haec quae fert mea Laelia lilia vultu
Sugere si valeas, mel mihi nectar erit.

(in Carmina Academicorum occultorum Brixiae [1570] pp. 34-35)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Geronimo Bornato (XVIe siècle) : Vénus à la source glacée (3 épigrammes)

 

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Nymphe près d’une fontaine (Cranach l’A., 1518)


Fuyant la mer et ses fracas, par le son rauque
D’une source paisible attirée, moi, Vénus,
J’ai plongé mes bras blancs dans la clarté de l’eau,
Et je me suis de froid transie en l’onde pure.
De marbre, me voici : ma blancheur me demeure,
Je suis figée en l’eau, moi qui bougeais toujours.


J’ai Jupiter pour père, et Vulcain pour mari,
J’ai Cupidon pour fils, Mars m’aima, le farouche.
Calamité ! Le temps n’épargne point les dieux,
Qui m’a, l’impie, changée en une pierre dure !


Gnide la poissonneuse et Chypre
Ici m’encensent ! Désormais
Sur la mer je ne règne plus,
Mais sur une petite source.


Horrisonum pelagus fugiens, hoc murmure rauco
Perplacidi fontis dum Venus allicior :
Candida submersi liquido mea brachia vitro ;
Et puro obrigui frigida sub latice.
Hinc redii marmor, prior et mihi candor adhaesit,
Fixa manens undis ; quae vaga semper eram.


Juppiter est genitor, Vulcanus virque, Cupido
Gnatus, amator erat Mars ferus ipse meus,
Proh dolor, atque scelus, nec parcunt tempora divis,
Nam durum vertunt impia me in lapidem.. 


Huc sua thura ferat Cyprus, piscosa Gnidusque,
Non maris, at parvi nunc Dea fontis ero.

(in Carmina Academicorum occultorum Brixiae [1570] p. 34)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes sur ce blog sur le thème de la fontaine :

Girolamo Balbi (1450-1535) : Passez-moi sur le corps…

Plate-tombe de Nicolas Roeder (Strasbourg)

Plate-tombe de Nicolas Roeder (Strasbourg)


M’asperger les cheveux de myrrhe d’Acaronte,
Que m’importe, ou dormir dans un lit brodé d’or,
Si l’amour, fou, sévit, si la fille, inflexible,
Me refuse le chaud de sa tendre poitrine ?
Je n’aime pas le jour, pas plus l’ombre nocturne ;
Tous moments sont embus de fiel et de tristesse.
Les froids brouillards, la brume armée de gelée blanche
Me voient coucher mon corps à même le sol dur.
Je passe nu, dehors, des nuits d’un froid de Scythe,
Et m’éveille, ah, malheur ! devant des portes closes,
Devant des portes, oui ! ‒ Saint, le seuil que j’adore,
Que de son tendre pied la chère enfant toucha !
Au lieu de son corps blanc, j’étreins de durs jambages,
Et crois, dans ma folie, enlacer ma maîtresse.
Comme douées de sens, ah, j’embrasse des portes,
Pour que les ventaux, sourds, soient plus doux à mes pas.
Puissé-je aussi coucher, sur le seuil cher, ma vie,
Voir enterrer mes os devant la porte aimée !
Quiconque l’enjambant dira, voyant ma tombe :
« Celui qui gît ici fut soldat d’amour tendre. »


Quid mihi Acorontea crines perfundere myrrha,
aut juvat Attalico succubuisse toro,
insanus si saevit amor, si dura puella
me negat in molli velle fovere sinu ?
Non mihi lux grata est, nec noctis amicior umbra ;
omnia nam tristi tempora felle madent.
Me gelidae nubes, canisque armata pruinis
bruma videt, dura ponere corpus humo.
Sub Jove nudus ago Riphaeae frigora noctis,
et miser occlusis excitor in foribus.
Excitor in foribus, sanctum quoque limen adoro,
quod tetigit tenero chara puella pede.
Amplector niveo rigidos pro corpore postes,
et dominam demens fingo tenere meam.
Oscula do foribus, tamquam sit sensus in illis ;
molliat ut gressus janua surda meos.
O utinam in caro vitam quoque limine ponam,
et dominae ante fores busta sepulta cubent.
Nostra etenim quisquis transibit funera, dicet :
Qui jacet hic, teneri miles amoris erat.

(in Opera poetica, oratoria ac politico-moralia, 1791-1792)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes de Girolamo Balbi sur ce blog :

Girolamo Balbi (1450-1535) : À une fille sans cœur

© Hendrik Kerstens

© Hendrik Kerstens


Tu n’as donc pas pitié, perfide, d’un mourant ?
Il n’est donc pas de dieu blessé pour t’émouvoir ?
Cruelle, et plus cruelle, oh oui ! que l’ourse dure,
Et plus dure que fer, et plus dure que pierre.
Tu surpasses silex, acier, fauve, en rudesse,
Et je te crois du marbre en ta dure poitrine.
Non, n’étaient pas humains les parents qui t’on faite,
Mais loup, lionne atroce en son dur trou de roche,
Tu es née dans les bois, nourrie de lait sauvage,
Le sein qu’on te donna était d’une tigresse.
Jamais, cruelle, émue, par de si grands tourments,
Calme ton méchant cœur en me faisant souffrir.
J’éprouve autant de maux qu’au ciel il brille d’astres,
Qu’il est en l’air d’oiseaux, qu’il est d’eaux dans le fleuve.
Si quelqu’un veut un jour fâcheusement connaître
Toutes douleurs et maux en tous genres : qu’il aime !


Ces mains, cheveux, ce cou, ces épaules laiteuses,
Ces yeux, étoile double en demeure éthérée !
Ô cette voix, ces mœurs pudiques distinguées !
Front, lèvres égalant les premières des roses !
Vous ma perte, voyez périr un pauvre amant.
Voyez-moi, je me meurs ; voyez-moi, je me meurs,
Je meurs ! Que mon corps soit linceulé par la fille,
Que le marbre engravé porte telle épitaphe :
« Ci-gît Jérôme, mort en ses tendres années,
Cause de son trépas fut Petra l’insensible. »


Comme attire l’aimant le fer dur, rigoureux,
Je suis, en précipice, attiré par tes yeux.


Nullane te pietas morientis, perfida, tangit ?
Nulla movent animum numina laesa tuum ?
Crudelis, duris multo crudelior ursis,
durior et ferro, durior et lapide.
Saevitia vincis silices, adamanta, ferasque ?
Ut reor, in duro pectore marmor habes.
Non, non humani te progenuere parentes,
sed lupus, aut dura rupe leaena ferox ;
et genita in silvis, nutritaque lacte ferino,
et tibi quae tribuit ubera, tigris erat.
Crudelis, tantos numquam miserata labores,
nunc satia nostris pectora saeva malis.
Tot mala nam patior, quot caelo sidera fulgent,
aethera quot volucres, quot vehit amnis aquas.
Si quis erit, cunctos misera qui mente dolores,
et genus omne mali noscere poscat, amet. 


O manus, o crines, o colla, o lactea cervix,
O oculi aethereae sidera bina domus!
O vox, o mores sine rusticitate pudici!
O frons, o primis aemula labra rosis;
Perditis heu miserum, periturum cernite amantem.
Cernite me morior: cernite me, morior
Heu morior! puella cingatur veste cadaver,
Et referant tales marmora scripta sonos;
Hic jacet extinctus teneris Hieronymus annis
Dura causa fuit aspera Petra necis. 


Attrahit ut ferri magnetica gemma rigorem :
Luminibus praeceps sic trahor ipse tuis.

(in Opera poetica, oratoria ac politico-moralia, 1791-1792)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes de Girolamo Balbi sur ce blog :

Jacopo Sannazaro (1458 [?] – 1530) : Tu es trop vieux pour aimer Cassandre / De Cassandra Marchesia

Cesse de décompter les talents de la Belle,
Cesse de remuer des flambeaux bien éteints :
Car à te rappeler cheveux, front, bras et mains,
Toi-même tu construis tes propres tombe et stèle.
Cassandre emplit tes yeux, Cassandre emplit ton cœur,
Cassandre a tous les droits, hélas, sur ton esprit !
– Le caressant Amour nous gangrène sans bruit.
C’est ainsi que l’on œuvre à – même – son malheur.


Desine formosae dotes numerare puellae ;
Desine jam exstinctas sollicitare faces.
Nam dum saepe comas, frontemque, humerosque, manusque
Commemoras ; proprios exstruis ipse rogos.
Dumque oculis Cassandra, animo Cassandra recursat ;
Cassandra heu mentis jus habet omne tuae ;
Blandus Amor tacitis subrepsit in ossa venenis.
Sic sibi vel fatum quilibet esse potest.

(in Epigrammaton liber II, Actii sinceri Sannazarii opera omnia latine scripta nuper edita [1535] p. 69)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres poèmes, sur ce blog, 
de Jacopo Sannazaro :

Giovanni Antonio Taglietti (Italie, XVIe siècle) : Envois de fleurs

Bouquet de violettes (Albrecht Dürer)


Violettes, beau don de l’alme Violaine,
Heureux tribut de mes offices, violettes !
Nourries par Flore errant dans les jardins de Chypre ?
Et par Vénus la belle à coups d’ongles cueillies ?

Mieux que récoltes d’Arabie vous embaumez,
Mais la main qui vous offre est par trop violente
– Oui, violente : elle me sait souffrant d’amour,
Et ses présents sont à l’image de mes peines.

Car, si d’un filet d’or elle vous a liées,
Elle a noué mon cœur de ses cheveux dociles ;
Comme vous, malheureux, je suis pâle ; on vous dit
« Violettes » : ses yeux, tyrans !, me violentent.


Ô vous, fleurs que j’adore, offertes au temps faste,
Tenues de blanche main, par une chaste enfant !
De vous j’ai pris grand soin : mais sans vous embrasser,
Mais sans vous arroser d’une eau venue du ciel,
Quand le destin cruel, en sa dure inclémence,
L’eut menée avant l’heure aux champs élyséens.

Que faire ? Abandonné, sans cœur, hélas, dans l’ombre,
C’est à vous, à vous seuls, chers témoins, que je parle.
Je vous porte à présent, fleurs nées sous une heureuse
Étoile ‒ extravaguez ! ‒ d’exquises subsistances :
Pleurs de mes yeux, soupirs de mon cœur ‒ chaque jour
Je vous prodigue l’air et l’arrosage, hélas !

Vous seul soulagement d’un amant malheureux,
Ah, vivez à jamais en place de la morte !


Formosum o violae, munus Violanthidis almae;
Servitii violae praemia grata mei.
Num vos Idaliis aluit vaga Chloris in hortis,
Unguibus et carpsit Cypria pulchra suis?
Panchaeas grato messes superatis odore:
Sed mihi vos nimium dat violenta manus.
Dat violenta manus, miseri quae conscia amantis,
Munera fert poenis aequiparanda meis.
Namque ut vos molli vinctas circumdedit auro.
Me quoque flexilibus nexuit illa comis.
Estis pallentes, infelix palleo: nomen
Est violae, dominae luminibus violor.


O mihi dilecti flores, quos tempore fausto
Tradiderat nivea casta puella manu,
Vos equidem colui : sed nec grata oscula junxi
Nec me rorantes dante bibistis aquas.
At postquam hanc saevi dira inclementia fati
Ante diem sedes misit ad Elysias.
Heu quid agam ? sine corde miser, sine luce relictus
Vobiscum saltem pignora grata loquar.
Et nunc o flores stellis felicibus orti,
(Este vagi) vobis grata alimenta fero.
Fundo oculis lacrymas, suspiria pectore, numquam
Aura, vel effusis deficit miser aquis.
Vos modo vos saltem miseri solamen amantis,
Aeternum extincta vivite pro domina.

(in Carmina illustrium poetarum italorum, tomus nonus [1722], pp. 235-6)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres épigrammes, sur ce blog, de la même époque 
et sur le thème de la violette :
Nicolas Bourbon (1503-1550) :
Angelo Poliziano (1454 – 1494) :
Giovanni Pontano (1429-1503) :

Sur le thème de la violette 
dans l'épigramme néolatine
Marcos Ruis Sánchez :

 

 

 

Giovanni Pontano (1429-1503) : Malheurs d’amants / De qualitate amantum

Malheur : aimer sans voir jamais ce qu’on désire,
Plus grand malheur : aimer, voir, mais ne pas toucher,
Et comble de malheur : aimer, voir et toucher
Sans toucher comme on veut, et de cela souffrir.
– C’est un homme averti, qui parle, et malheureux.
Qui n’éprouve, au rebours, que des facilités
Est pour sûr un amant de la race des dieux.


Miser, qui amat, videtque quod cupit nunquam ;
magis miser, qui amat videtque, nec tangit ;
miserrimus, qui amat videtque tangitque,
nec tangit, ut vult, nec sibi gerit morem.
Expertus hanc sententiam miser dico.
At cui tot insunt commoda ac facultates,
diis is est profecto amans adaequandus.

(in Parthenopaeus sive Amorum libri duo (1455-58] I, 13)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres textes de Pontano sur ce blog :

Giovanni Pontano (1429-1503) : Amour et colère / ad Cinnamam

Lorsque l’amour me pousse à médire de toi,
Je veux mourir si je n’en souffre, Cinnama :
J’en souffre, mais l’amour est tel, qui m’incinère,
Que je meurs si ne dis ce que veut la colère.

J’en suis vite puni : à peine ai-je parlé
Que tout à coup me vient une peine à pleurer,
Honteux d’avoir blessé de mots mon amie chère,
Et je sens, malheureux, fondre en pleurs ma colère.


Cum me cogit amor quicquam maledicere de te,
dispeream, si non, Cinnama, discrucior ;
discrucior, verum tanto succendor amore,
ut peream, si non, quae velit ira, loquor.

Poena tamen praesto est ; nam vix dum lingua locuta est,
cum mihi fit subito flebile cordolium,
paenitet et caram dictis laesisse puellam,
ac misero in lacrimas vertitur ira mihi.

(in Parthenopaeus sive Amores [1457], I, 21)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres textes de Pontano sur ce blog :

Giovanni Pontano (1429-1503) : Les marjolaines de Bathylla/ ad Bathyllam de amaraco colenda

Prends soin des tendres marjolaines, Bathylla,
Arrose-les souvent, garde-les bien humides,
Arrange, de tes doigts, leurs sommités éparses
Et fais-les retomber pour en étendre l’ombre :
Amusement qui agrémente ta fenêtre,
Et rare apaisement d’un vieillard amoureux !
Te regardant donner tes soins à ton courtil,
Tailler les sommités, et comprimer les tiges
En faisceaux dans ta paume apte à toutes pratiques,
Il admire tes doigts, il contemple tes yeux,
Et de tout son pauvre être à tes seins adhérant,
Brûle en mourant de froid, meurt de froid en brûlant,
Malheureux d’un côté, et d’un autre – content.
Abeilles fortunées, qui voletant autour
De la potée prospère, et butinant les fleurs
Déposent leur pollen – autant que ton labeur –
À l’abri de leur ruche et en font un nectar !
Ô vous qui réclamez le fleurant miel d’Attique
Et de l’Hybla, dites adieu au miel d’Hymette
Et de l’Hybla, car c’est le miel de Bathylla
Qu’il vous faut réclamer plutôt. Pouah, l’Hybla, pouah
Montagnes de l’Attique et liqueur de Palerme :
Allez, et réclamez le miel de Bathylla.

NB1 : Dans l’Antiquité, les miels de l’Hymette (montagne de l’Attique, en Grèce) et de l’Hybla (montagne de Sicile) jouissaient de la meilleure réputation.

NB2 : Pontano joue ici visiblement sur les mots, et il n’est pas difficile de trouver un sens obscène à ce qui, de prime abord, paraît être un charmant tableautin domestique.


Et mollem cole amaracon, Bathylla,
Et multo madidam fove liquore,
Et sparsas digitis comas repone,
Atque illas patulam reflecte in umbram,
Lusum et delicias tuae fenestrae,
Et rarum cupidi senis levamen.
Dum te prospicit hortulos colentem,
Tondentemque comas, simulque ramos
In conum docili manu prementem,
Miratur digitos, stupetque ocellos,
Et totus miser haeret in papillis,
Frigensque aestuat, aestuansque friget,
Infelix simul et simul beatus.
Felices sed apes, nemus beatum
Quae circumvolitant leguntque flores,
Et rorem simul et tuos labores
In tectis relinunt, liquantque nectar.
O qui Mopsopii liquoris auram
Hyblae et quaeritis, et valere Hymetum
Hyblam et dicite, mel bathyllianum
Ipsi quaerite. Sordet Hybla, sordet
Vertex atticus, et liquor Panhormi:
Ite, et quaerite mel bathyllianum.

(in Hendecasyllabi seu Baiarum libri [1490-1500], I, 14)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres textes de Pontano sur ce blog :

Giovanni Pontano (1429-1503) : pour Hermione, afin qu’elle couvre sa poitrine / ad Hermionem ut papillas contegat

Que ce soit clair : couvre-moi ces seins blancs,
Cesse de faire enrager tes amants.
Moi, qu’une froide vieillesse engourdit,
Tu m’excites, m’enflammes, diablerie !
Que ce soit clair : couvre-moi ces seins blancs,
Cache ton buste en te le corsetant.
Arbore-t-on une gorge de lait,
Des seins, sans vêtement pour les voiler ?
Que veux-tu dire ? « Embrasse-moi les seins,
Bécote-moi ce buste bel et plein ! » ?
Que veux-tu dire ? « Touche, touche, presse ! » ?
Où as-tu vu que seins nus l’on paraisse,
Et que le buste nu l’on se promène ?
Ça veut dire : « Tu veux, tu veux ? j’amène »,
C’est appeler à l’amour tes amants.
Aussi : soit tu me caches ces seins blancs,
Et me corsètes décemment ce buste,
Soit, dessus, vieux ou pas, je leur fonds, juste
À la façon qu’agirait un jeune homme.
– Hermione, tes seins peuvent, en somme,
Faire œuvrer en jeune homme… un vieux croûton !


Praedico, tege candidas papillas
nec quaeras rabiem ciere amantum.
Me, quem frigida congelat senecta,
irritas male calfacisque: quare,
praedico, tege candidas papillas
et pectus strophio tegente vela.
Nam quid lacteolos sinus et ipsas
prae te fers sine linteo papillas?
An vis dicere: « Basia papillas
et pectus nitidum suaviare? »
Vis num dicere: « Tange, tange, tracta? »
Tene incedere nudulis papillis?
Nudo pectore tene deambulare?
Hoc est dicere: « Posce, posce, trado »,
hoc est ad venerem vocare amantes.
Quare, aut contege candidas papillas
et pectus strophio decente vesti,
aut, senex licet, involabo in illas,
ut possim juvenis tibi videri.
Tithonum, Hermione, tuae papillae
possunt ad juvenis vocare munus.

(in Hendecasyllabi seu Baiarum libri [1490-1500], I, 4)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


D'autres textes de Pontano sur ce blog :