Prends soin des tendres marjolaines, Bathylla,
Arrose-les souvent, garde-les bien humides,
Arrange, de tes doigts, leurs sommités éparses
Et fais-les retomber pour en étendre l’ombre :
Amusement qui agrémente ta fenêtre,
Et rare apaisement d’un vieillard amoureux !
Te regardant donner tes soins à ton courtil,
Tailler les sommités, et comprimer les tiges
En faisceaux dans ta paume apte à toutes pratiques,
Il admire tes doigts, il contemple tes yeux,
Et de tout son pauvre être à tes seins adhérant,
Brûle en mourant de froid, meurt de froid en brûlant,
Malheureux d’un côté, et d’un autre – content.
Abeilles fortunées, qui voletant autour
De la potée prospère, et butinant les fleurs
Déposent leur pollen – autant que ton labeur –
À l’abri de leur ruche et en font un nectar !
Ô vous qui réclamez le fleurant miel d’Attique
Et de l’Hybla, dites adieu au miel d’Hymette
Et de l’Hybla, car c’est le miel de Bathylla
Qu’il vous faut réclamer plutôt. Pouah, l’Hybla, pouah
Montagnes de l’Attique et liqueur de Palerme :
Allez, et réclamez le miel de Bathylla.
NB1 : Dans l’Antiquité, les miels de l’Hymette (montagne de l’Attique, en Grèce) et de l’Hybla (montagne de Sicile) jouissaient de la meilleure réputation.
NB2 : Pontano joue ici visiblement sur les mots, et il n’est pas difficile de trouver un sens obscène à ce qui, de prime abord, paraît être un charmant tableautin domestique.
Et mollem cole amaracon, Bathylla,
Et multo madidam fove liquore,
Et sparsas digitis comas repone,
Atque illas patulam reflecte in umbram,
Lusum et delicias tuae fenestrae,
Et rarum cupidi senis levamen.
Dum te prospicit hortulos colentem,
Tondentemque comas, simulque ramos
In conum docili manu prementem,
Miratur digitos, stupetque ocellos,
Et totus miser haeret in papillis,
Frigensque aestuat, aestuansque friget,
Infelix simul et simul beatus.
Felices sed apes, nemus beatum
Quae circumvolitant leguntque flores,
Et rorem simul et tuos labores
In tectis relinunt, liquantque nectar.
O qui Mopsopii liquoris auram
Hyblae et quaeritis, et valere Hymetum
Hyblam et dicite, mel bathyllianum
Ipsi quaerite. Sordet Hybla, sordet
Vertex atticus, et liquor Panhormi:
Ite, et quaerite mel bathyllianum.
(in Hendecasyllabi seu Baiarum libri [1490-1500], I, 14)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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