Martial (40-104 ap. J.-C.) : Actif /vs/ passif

Qui est Martial ?

Tu emproses, l’huis clos, Amillus, de grands gars,
Et veux être surpris t’employant à cela,
Par crainte d’affranchis, d’esclaves de ton père,
De clients cancanant à langue de vipère.
Qui prouve à des témoins qu’il n’est point l’enculé,
C’est souvent, Amillus, que sans témoins il l’est.

NB : Pour comprendre pleinement cette épigramme, il faut avoir à l’esprit les représentations sociales des Romains en matière de sexualité : si l’homosexuel passif (cinaedus) est méprisé, son partenaire actif (paedicator) ne l’est pas.

Reclusis foribus grandes percidis, Amille,
    et te deprendi, cum facis ista, cupis,
ne quid liberti narrent seruique paterni
    et niger obliqua garrulitate cliens.
Non pedicari se qui testatur, Amille, 
    illud saepe facit quod sine teste facit.

(in Epigrammaton liber VII, 62)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Diarrhée, constipation ?

Qui est Martial ?

D’où vient que Vacerra consume sa journée
Dans les vécés publics ? ‒ C’est qu’ayant pour idée
De se faire inviter, le soir, à banqueter,
Il y vient caqueter, et non pas cacater¹.

¹ : Le troisième vers est une glose qu’il me semble indispensable d’introduire pour préciser le sens. Je prends sur moi de transformer un peu la chute (le latin dit : « Vacerra y vient pour dîner, pas pour y ch*er ») au profit de ce qui me semble essentiel : le jeu sur les sonorités (paronomase), que j’essaie de transposer, et la création verbale, les deux verbes employés par Martial (cenaturio et cacaturio) semblant de son invention (autant qu’est, de la mienne, le verbe cacater).

In omnibus Vacerra quod conclavibus
consumit horas et die toto sedet,
cenaturit Vacerra, non cacaturit.

(in Epigrammaton liber XI, 77)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Merle moqueur

Qui est Martial ?

____Fabianus, moqueur d’hernies,
Dont tout couillu craignait naguère les sorties
____Sur hydrocèle, gonflement,
Catulle, même à deux, n’en eût pu dire autant ‒
____Aux bains se mire, involontaire :
Le malheureux garçon, depuis lors, de se taire.


Derisor Fabianus herniarum,
Omnes quem modo colei timebant
Dicentem tumidas in hydrocelas,
Quantum nec duo dicerent Catulli,
In thermis subito Neronianis
Vidit se miser, et tacere coepit.

(in Epigrammaton liber XII, 83)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : L’édentée

Qui est Martial ?

Si j’ai bon souvenir, te restaient quatre dents :
Deux, Élie, en toussant, puis deux, te sont tombées.
Tu peux tousser, tousser, sans crainte, maintenant :
Tout autre accès de toux sera sans retombées¹.

¹ : Je tente, dans ce dernier vers, de reproduire les allitérations en [t] et en [s] du vers original ; et profite du hasard de la rime pour ajouter un jeu de mots (double sens de « retombées ») qui n’est pas chez Martial.

La même épigramme, traduite par Constant Dubos (1841) :


Si memini, fuerant tibi quattuor, Aelia, dentes:
____expulit una duos tussis et una duos.
Jam secura potes totis tussire diebus:
____nil istic quod agat tertia tussis habet.

(in Epigrammaton liber I, 19)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Embrasser les garçons rend barbu

Qui est Martial ?

Ta jeune barbe est souple, elle pousse si vague
Qu’une haleine, un soleil, qu’un vent léger l’élague.
Sous un même coton, le coing vert, voilé, luit
Quand un doigt virginal vient à frotter le fruit.
T’embrassé-je, Dindyme, en un surcroît de fièvre,
J’en ressors moustachu du duvet de tes lèvres.

NB : Je trouve sur le Net cette traduction récente (2012), qui me semble un peu fausse :
Si flou est ton duvet, si tendre, qu’une haleine,
Une brise impalpable, ou du soleil le trousse.
Il ressemble au coing mûr voilé d’un peu de laine,
Qui luit lorsqu’une enfant le pèle avec son pouce.
Quand j’appuie cinq baisers sur ta bouche avec fièvre,
Je deviens, Dindymus, barbu grâce à tes lèvres.
Tero, au sens de « frotter pour enlever, émonder, ébarber » (et non de « trousser ») : la jeune barbe de Dindyme n’est encore guère vaillante, un coup de vent suffit à la peler (comme on monde, par exemple, l’orge par friction). C’est ce qui amène la chute, que l’on comprend difficilement sinon. De même le « pouce virginal » (pollice virgineo) ne pèle-t-il pas le coing (rien n’est plus dur qu’une peau de coing, vert de surcroît [exactement : « allant à maturité »], et non pas « mûr) : il le frotte, enlevant la partie cotonneuse qui le recouvre. Ici encore, c’est cette comparaison, et cette isotopie thématique, qui annoncent les derniers vers.

Tam dubia est lanugo tibi, tam mollis, ut illam
__Halitus et soles et levis aura terat.
Celantur simili ventura Cydonea lana,
__Pollice virgineo quae spoliata nitent.
Fortius inpressi quotiens tibi basia quinque,
__Barbatus labris, Dindyme, fio tuis.

(in Epigrammaton liber X, 42)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Lydie a un gros cul

Qui est Martial ?

Lydie a la largeur d’un cul de rosse en fer,
Du rapide cerceau dont l’airain sonne clair,
Du cercle où, sans toucher, se coule l’acrobate¹,
Du vieux soulier trempé que la gadoue empâte,
Des rets serrés guettant l’ortolan migrateur,
De l’auvent que le vent refuse au spectateur²,
Du bracelet tombé d’une lope phtisique,
Du matelas crachant sa bourre leuconique³,
Des ancestrales braies d’un Breton miséreux,
À Ravenne, du sac du pélican hideux.
Je l’ai, dit-on, baisée en piscine marine :
Mettons que j’ai baisé, mais c’était la piscine.

¹ : Le texte latin n’est guère explicite. Il fait sans doute référence à un tour d’adresse où un acrobate passait au travers, sans y toucher, d’un cercle suspendu.
² : Il s’agit de la toile dont, dans les théâtres en plein air, on couvrait les spectateurs pour les protéger du soleil. En cas de vent (Martial cite précisément le Notus), on ne pouvait la déployer.
³ : Du pays des Leuques, correspondant peu ou prou à l’actuelle Moselle. Ce peuple gaulois était réputé pour ses peausseries et pour ses laines.

Lydia tam laxa est equitis quam culus aheni,
__quam celer arguto qui sonat aere trochus,
quam rota transmisso totiens inpacta petauro,
__quam vetus a crassa calceus udus aqua,
quam quae rara vagos expectant retia turdos,
__quam Pompeiano vela negata Noto,
quam quae de pthisico lapsa est armilla cinaedo,
__culcita Leuconico quam viduata suo,
quam veteres bracae Brittonis pauperis, et quam
__turpe Ravennatis guttur onocrotali.
Hanc in piscina dicor futuisse marina.
__Nescio; piscinam me futuisse puto.

(in Epigrammaton liber XI, 21)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Boire ou … ?

Qui est Martial ?

Tu ne cesses, Rufus, de couper d’eau ton vin,
Tout juste avales-tu, par quelque ami contraint,
De falerne¹ une larme ‒ et encore : trempée.
T’es-tu donc vu promettre une heureuse nuitée
Par Nævie, et veux-tu, restant sobre en loisir,
T’assurer de pouvoir la baiser sans faillir ?
‒ Soupirs, silence, plainte : elle s’est refusée !
Preuve que tu peux boire, et à pleine gorgée,
Et juguler de vin ton cruel déplaisir :
Pourquoi te ménager ? Tu n’as plus qu’à dormir !

¹ : Avec le cécube, un des meilleurs crûs de l’Antiquité romaine.

Interponis aquam subinde, Rufe,
et si cogeris a sodale, raram
diluti bibis unciam Falerni.
Numquid pollicita est tibi beatam
noctem Naevia sobriasque mavis
certae nequitias fututionis?
Suspiras, retices, gemis: negavit.
Crebros ergo licet bibas trientes
et durum jugules mero dolorem.
Quid parcis tibi, Rufe? dormiendum est.

(in Epigrammaton liber I, 107)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Vivre dans le plaisir

Qui est Martial ?

Toi dont les compagnons se soucient tendrement,
Liber, digne de vivre un bonheur incessant,
Fais que sage, et briller d’amome¹ d’Assyrie
Tes cheveux couronnés d’une coiffe fleurie,
Obscurcis de vin vieux ton verre opalescent,
Réchauffe ton lit mol d’un amour caressant.
Qui vit ainsi, meurt-il dans la force de l’âge,
Vit au-delà des ans qu’il reçut en partage.².

¹ : Il s’agit d’une plante aromatique servant de base à un onguent dont les Romains s’enduisaient les cheveux lors de festivités privées.
² : Le mot à mot dit : « fait plus longue sa vie qu’elle ne la lui a été donnée [par les dieux] »

Liber, amicorum dulcissima cura tuorum,
__Liber, in aeterna vivere digne rosa,
si sapis, Assyrio semper tibi crinis amomo
__splendeat et cingant florea serta caput;
candida nigrescant vetulo crystalla Falerno
__et caleat blando mollis amore torus.
Qui sic vel medio finitus vixit in aevo,
__longior huic facta est quam data vita fuit.

(in Epigrammaton liber VIII, 77)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Une ivrognesse

Qui est Martial ?

Comme souvent Myrtale empeste la piquette,
Elle trompe son monde en bâfrant du laurier,
Mêle avec soin son vin, non d’eau, mais de feuillettes.
La verrais-tu venir le visage empourpré,
S’avançant, Paul, vers toi, couperose aux pommettes,
Tu croirais à raison qu’elle boit du laurier.


Fetere multo Myrtale solet vino,
sed fallat ut nos, folia devorat lauri
merumque cauta fronde, non aqua, miscet.
Hanc tu rubentem prominentibus venis
quotiens venire, Paule, videris contra,
dicas licebit « Myrtale bibit laurum. »

(in Epigrammaton liber V, 4)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Martial (40-104 ap. J.-C.) : Danger des stalactites de glace

Qui est Martial ?

Là où fuit l’aqueduc, non loin du Panthéon¹,
Où l’incessant égout rend glissant le pavage,
Sur sa gorge un enfant, sous le suintant ouvrage,
A reçu cet hiver la chute d’un glaçon :
Et, le pauvret tué par le destin bourreau,
Le trait, tendre, de fondre en la chaude blessure !²
Ô cruauté du Sort, qui n’a point de mesure !
La mort est donc partout, si même égorge l’eau !

¹ : Le latin dit « là où la porte pleut » : que, sur le plan métrique, l’on peut garder tel quel en français, mais qui n’est pas facile à comprendre, si on ne sait qu’au-dessus de cette porte (la porte Capène) passait un aqueduc mal étanche. Le Panthéon est quant à lui indiqué par une périphrase, « les colonnes de Vipsanus », du nom de son constructeur.
² : On notera le caractère tout baroque de l’expression (cf « Il en rougit, le traître« ) : personnifié, le trait (Martial emploie mucro = « poignard ») se fait « tendre » après avoir pénétré dans la gorge de l’enfant. Certains commentateurs donnent à tener le sens d' »amolli », mais c’est perdre la personnification et créer inutilement une redondance avec « fondre ».

Qua vicina pluit Vipsanis porta columnis
__et madet adsiduo lubricus imbre lapis,
in jugulum pueri, qui roscida tecta subibat,
__decidit hiberno praegravis unda gelu:
cumque peregisset miseri crudelia fata,
__tabuit in calido volnere mucro tener.
Quid non saeva sibi voluit Fortuna licere?
__Aut ubi non mors est, si jugulatis aquae?

(in Epigrammaton liber IV, 18)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

%d blogueurs aiment cette page :