Qui est Martial ?
Là où fuit l’aqueduc, non loin du Panthéon¹,
Où l’incessant égout rend glissant le pavage,
Sur sa gorge un enfant, sous le suintant ouvrage,
A reçu cet hiver la chute d’un glaçon :
Et, le pauvret tué par le destin bourreau,
Le trait, tendre, de fondre en la chaude blessure !²
Ô cruauté du Sort, qui n’a point de mesure !
La mort est donc partout, si même égorge l’eau !
¹ : Le latin dit « là où la porte pleut » : que, sur le plan métrique, l’on peut garder tel quel en français, mais qui n’est pas facile à comprendre, si on ne sait qu’au-dessus de cette porte (la porte Capène) passait un aqueduc mal étanche. Le Panthéon est quant à lui indiqué par une périphrase, « les colonnes de Vipsanus », du nom de son constructeur.
² : On notera le caractère tout baroque de l’expression (cf « Il en rougit, le traître« ) : personnifié, le trait (Martial emploie mucro = « poignard ») se fait « tendre » après avoir pénétré dans la gorge de l’enfant. Certains commentateurs donnent à tener le sens d' »amolli », mais c’est perdre la personnification et créer inutilement une redondance avec « fondre ».
Qua vicina pluit Vipsanis porta columnis
__et madet adsiduo lubricus imbre lapis,
in jugulum pueri, qui roscida tecta subibat,
__decidit hiberno praegravis unda gelu:
cumque peregisset miseri crudelia fata,
__tabuit in calido volnere mucro tener.
Quid non saeva sibi voluit Fortuna licere?
__Aut ubi non mors est, si jugulatis aquae?
(in Epigrammaton liber IV, 18)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.