George Buchanan (1506-1582) : L’humanité est un théâtre


La description de Protée est empruntée à celle de Virgile dans les Géorgiques, livre IV, vers 437-440. Il ne s’agit pas d’un plagiat, mais d’un procédé courant dans l’Antiquité comme jusqu’au moins au XVIIe siècle (Virgile lui-même emprunte beaucoup à ses prédécesseurs, dont Ennius),  qui relève à mon sens du clin d’œil au lecteur, et s’apparente à notre moderne citation (on pourrait imaginer que le passage soit mis entre guillemets).

Les poètes anciens racontent qu’un certain
Protée avait le don de se changer en toute
Chose, rien ne pouvait le retenir, aucun
Attachement, tantôt coulant, fluide goutte,
Feu crépitant, lion féroce rugissant,
Arbre vert, ours affreux, sibilante vipère,
Se transformant en tout ‒ miraculeusement.
Je trouve pour ma part que dans cette matière
Il y a plus de vrai qu’aux dires sibyllins :
Les hommes que je vois me semblent des Protées
Au visage arborant des masques incertains,
Et sachant épouser des formes variées ;
Et leur sort, hautement sujet à calomnie,
Fait d’eux des éternels héros de tragédie.


Veteres poetae, fabulantur Protea
Quemdam fuisse, in omnes qui se verteret
Formas, nec ullis contineri vinculis
Posset, liquentes nunc in aquas dum fluit,
Nunc flamma stridet, nunc ferus rugit leo,
Viret arbor, horret ursus, anguis sibilat,
In cuncta rerum transiens miracula.
At ego profecto, fabulam istam comperi
Longe Sibyllae veriorem oraculis.
Nam quotquot homines video, tot me Proteos
Videre vultus credo qui sumant novos,
Seseque vertant in figuras quaslibet.
Subjecta quorum maxime calumniis
Fortuna semper Scenici est spectaculi.

(Prologue de Baptistes sive Calumnia [tragédie] in Georgi Buchanani […] elegiarum liber I […] [1579] p. 40)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) : Bestiaux

troupeaux-dans-une-prairie-pres-dune-riviere-balthazar-paul-ommeganck


Joue ton chant sacré, Pan, pour les moutons qui paissent,
broyant les chaumes d’or entre leurs lippes courbes.
Les mères, pis gonflés, de retour à la crèche,
feront fumer de lait bourru le vase à traire.
Mais pour toi coulera, d’un cou velu, du sang
quand on t’immolera le mâle du troupeau.


Et cette vache fend les labours, d’un soc courbe,
s’arc-boutant du jarret sur le coutre pointu,
puis, déposé le joug d’une longue besogne,
donne à téter au veau, seconde et lourde tâche.
Fermier, ne la bats pas : ce veau, mère épargnée,
deviendra une vache épaisse et apte au joug.


Méris juge ‒ à bon droit ‒ que doit être exilé
du soc le bœuf fourbu par les labours et l’âge :
engraissé, le tuera. Le bœuf, là, dételé
mugit en sa retraite, égayant son herbage.


Pascenti pecori sacrum Pan praecine carmen
curva per auratos labra terens calamos.
Quo distenta domum referentes ubera matres,
lacte suo faciant fervere vasa novo.
At tibi villoso fusus de gutture sanguis
ibit, victima cum vir gregis ipse cadet.


Et vacca haec curvo sulcos proscindit aratro,
adpungente femur cuspide dum premitur ;
et juga post longi rursum sublata laboris,
ubera dat vitulae, cura secunda gravis.
Ne nimium vexa : Matri si parcis arator,
post vitula haec crescet vacca torosa jugo.


Moeris aratorem sulco senioque caducum
jure bovem ferri vindicat exitio
mactandum memor. Emeritus bos liber aratri
herbida mugitu pascua nunc hilarat.

(in Сarminum Jani Antonii Baifii liber I, 1577 [pp. 24, 22 et 12])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) : Cigales


Admonestation aux bergers

Pourquoi me chassez-vous de mon seul lieu de vie,
bergers, de l’arbre où perle une fraîche rosée,
moi la cigale à voix de flûte et chère aux nymphes,
dont au gros de l’été résonnent monts et bois ?

Voici la grive goinfre et les merles, voici
toutes sortes d’oiseaux saccageurs de campagnes.
Chassez qui nuit aux fruits, décimez-les. Mais moi
pourquoi me mesurer rosée et feuille tendre ?


Épitaphe d’une cigale

(C’est la cigale qui parle,
s’adressant à un passant imaginaire,
les tombeaux se trouvant, dans l’Antiquité,
disposés le long des routes)

Il peut bien, ô passant, ce tout petit sépulcre
avoir un sol tout plat sans se gonfler en tertre
ni s’élever bien haut ; quand tu verras ce bout
de pierre où gît un corps : ne désapprouve pas
Philénis, qui voulut que tel il fut dressé.
Car elle a, ce dit-elle, aimé de longue amour
‒ cela dura deux ans ‒ sa chère ailée, habile
au chant flûté, Cigale ! hôtesse, ci-devant,
des arbres épineux. À ma mort, elle eut soin
de me faire enterrer, quand j’eus cessé de vivre
et de chanter un chant plaisant à son oreille,
car il la disposait au bon sommeil nocturne.
M’honorant par la suite encore, me donnant,
en son affliction, sépulcre à ma mesure,
et gravant sur le marbre en mémoire d’amour :
C’est le don personnel de Philénis, sa mère,
à sa très douce enfant, Cigale à voix de flûte,
de son vivant, musique. À jamais tue, hélas !
Que son cri n’emplit-il le silence éternel !


Cur me Pastores praedam loca sola colentem
rore novo madidis traxtis ab arboribus ;
me gratam nymphis, arguta voce cicadam,
aestu cui medio monsque nemusque sonant ?
En turdusque vorax merulaeque. Ecce volantum
omne genus ruris quod male perdit opes.
Praedite quae fructus laedunt : has perdite. Nobis
quae frondis rorisque invidia est teneri ?


Licet viator hoc sepulcrum parvulum
solo sit aequum, nec tumente se aggere
attollat alte ; saxulum cum videris
hoc non inane, ne tamen culpaveris,
quae tale jussit erigi, Philaenida.
Nam cantionis stridulae sciam alitem
caram cicadam, spinicultricem prius,
amasse dicit ipsa longo tempore
binos per annos. Meque tandem mortuam
curasse poni, desii cum vivere
cantareque una carmen ipsi blandulum,
quod conciebat nocte molles somnulos.
Nec post reliquit cassam honore ; sed dolens,
amplo sepulcro sorte pro mea satis
donans, amoris marmor inscribit memor.
Altrix alumnae de suo suavissimae
donat Philaenis hoc Cicadae stridulae
argutulae dum vixit. At nunc, heu, silet :
quin sempiternis obstrepit silentiis.

(in Сarminum Jani Antonii Baifii liber I, 1577 [pp. 22 et 8])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Andreas Dactius / Andrea Dazzi (1475-1548) : Entre frimousse et conduite / De amicae vultu et moribus

J’aime et je hais, et je ne puis ne pas aimer
Ce que je hais, mais à l’inverse je ne puis
Tenir en haine ce que j’aime : c’est ainsi
Que mon amour se voit de haine mâtiné,
Que ma haine du fait de mon amour s’émousse,
Tandis que mon amour se voit souillé de haine.
Je te l’avoue : je hais ta conduite incertaine,
Mais à l’inverse, je t’adore – et ta frimousse.

Pour que ces apories cessent de me ronger,
De conduite ou frimousse il te faudrait changer.

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

Odi et amo : et nequeo non illud amare, quod odi,
Rursus habere odio, non nequeo quod amo,
Sic odio miscetur amor, mulcetur amore
Sic odium, atque odio sic maculatur amor.
Te fateor, moresque tuos mutabilis odi;
Depereo rursus te faciemque tuam.
Magna titi, toties ne me contraria laedant,
Immutent mores numina, vel faciem.

(in Andreae Dactii patricii et academici florentini poemata [1549])

Folengo, Teofilo, dit aussi Merlinus Coquus (1491-1544) : à sa houe

Je t’aime avec raison, ma houe : tu as la main
Sur toutes houes, prêtresse de nos gras jardins :
Car de tous les hoyaux à venir ou présents,
Ou qui furent hoyaux depuis la nuit des temps,
Personne mieux que toi n’as jamais désherbé :
De là, tant de moissons, et toute quantité
Prospère et fraîche de légumes et de fleurs !
Nos champs regorgent grâce à toi de la verdeur
Des bettes, grâce à toi la laitue digérée
Nous rend après repos la vigueur recouvrée ;
Et je ne dirai rien de la pousse des choux…
Je préfère mourir que de laisser partout
Les herbes égaler la hauteur des cyprès !

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

Amo te merito, ligo, ligonum
Antistes, nitidi minister horti,
Nam quantum est, vel erit, vel ante constat
Tot jam saecla fuisse sarculorum,
Nemo te melius repurgat herbas,
Unde tot sata multiplexque vernat
Pubertas holerum decusque florum;
Tua namque opera nemus virentum
Betarum superat suosque late
Dat lactuca dapum quies lacertos;
Non est dicere quanta brassicarum
Sit vis: dispeream nisi praealtis
Se herbae subiciant pares cupressis.

(Epigrammata, in Opus macaronicum, 1520)

Caspar Barthius / Kaspar von Barth (1587 – 1658) : l’épine et la rose

Pourquoi te couronner d’épines,
Rose, dis-moi, toi si badine ?
L’épine est rude, elle est cruelle,
Quand tu es, toi, flexible et frêle.
– C’est que je ne veux point, badine,
Qu’en badinant, badin, tu mines
Ce qui sans un labeur posé
Ne saurait être réparé.
Si posément quelque caprice
Te mène à mon serein calice,
Il te faudra verser un peu
D’un sang qui te soit douloureux :
C’est là ce que l’épine ordonne
– Qui toute rose chaperonne.

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

Cur spina te coronat,
Rosa, dic mihi, jocosa ?
Spina aspera atque saeva,
Mollem atque delicatam ?
– Ne tu mihi jocosae
Ioco, iocosa, tollas
Quod serio labore
Reparari non possit.
Si serio serenos
Cupis meos odoreis,
Liba mihi cruoris
Pauxillum et doloris :
Hoc spina poscit omnis
Custos rosae severa.

(in Amphitheatrum gratiarum [1613] : deliciae [XII, I)])

Maximus Pacificus (vers 1406 – vers 1500) : Au sommeil / Ad somnum

Sommeil, redonne-moi de telles nuits d’amour,
Et des rêves pareils ou des rêves meilleurs.
Le rêve rend heureux, le rêve est un bonheur,
Et vain soit qui dira que les rêves sont vains.
Les miens sont bien réels, non, je n’ai pas rêvé,
Ne dites pas qu’est rien ce qui est sans effet.
Son visage était vrai, l’image point trompeuse,
Mille étreintes données, donnés mille baisers.
Je l’ai tenue sous moi, encor, encor, la fille
Qui s’est à moi donnée, comblant tous mes désirs.
Pourquoi sinon le lit serait-il encor chaud ?
Ma place était ici, elle occupait cette autre.
Tous deux sur la couchette, et y dormant tous deux :
L’empreinte de deux corps y est bien perceptible,
Et ces marques de pied, ce ne sont pas les miennes,
Mais d’un pied fait au tour, plus petit que le mien.
Sa tête était ici ; là, ses mains, droite et gauche.
Et ici l’arrondi de ses genoux tendus.
La goutte d’un récent commerce a teint les draps,
Le matelas, qui était sec, en est taché.
Pourquoi cette fatigue et ces reins… éreintés,
Pourquoi cette langueur dans tous mes autres membres ? […]


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


Somne, precor, repetas nostrum sic saepe cubile
Somnia sic iterum vel meliora refer.
Somnia felicem facere, et somnia laetum,
Vanaque qui dicit somnia, vanus erit.
Vera quidem mea sunt, nec me deceperat error,
Quod caret effectu, dixeris esse nihil.
Vera fuit facies, nec falsa fefellit imago,
Mille dedi amplexus, basia mille dedi.
Saepe ego compressi, rursusque iterumque puellam,
Et mihi quo volui se dedit illa modo.
Unde tepet lectus ? Calet hac quod parte cubile ?
Hic jacui, alterius pars fuit illa tori.
Lectulus hic ambos tenuit, requievimus ambo,
Pressa sub amborum corpore signa manent.
Quae video, non sunt nostrae vestigia plantae,
Est pede caelatus pes minor iste meo.
Hic caput adposuit ; dexta haec manus, illa sinistra,
Hic utroque fuit nixa recurva genu.
Linteaque officii variavit gutta recentis,
Sordida siccato culcita facta loco est.
Quid jaceo fessus ? Latus hoc quid debile rupit ?
Membraque qui lentus caeteta langor habet ? […]

(in Elegiae jocosae et festivae [1489])

Maximus Pacificus (vers 1406 – vers 1500), Il ne faut pas attendre / Non differendum (vers 15 – 28)

Aucun jour ne revient, qui va d’un pas rapide,
Le jour emporte, impétueux, l’heure agréable.
Cela qui fut n’est plus ; ce qui est, passera ;
L’avenir est peu sûr : savoure ce qui est.
Le champ fécond n’a pas toujours de lourds épis,
Ni la vigne toujours de pondéreuses grappes.
Occasions perdues, vous êtes ma douleur,
Atermoiements, lenteur, vous êtes mes supplices.
Je n’ai, ballot, pas su profiter de ma vie,
Quand filles et garçons à moi s’offraient d’eux-mêmes.
Baisers tendus que je n’ai su cueillir, refusant,
Insensé, de saisir les fruits de mes dessertes !
J’en souffre ; s’il n’est pas trop tard, réparerons ce
Gâchis, jouissons de nos délaissements anciens.

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

Non redit ulla dies, pedibus volat illa citatis,
Et celeri facilis labitur hora die.
Quod fuit, hoc non est ; quod adest, non erit unquam ;
Quodque erit, ambiguum est, utere quidquid adest.
Non gravidas semper laetus fert campus aristas,
Nec pingues uvas vinea semper habet.
Multa miser potui, quae non fecisse dolori est,
Torqueor in lenta me tenuisse mora.
Tempora non novi stultus mea ; sponte favebat
Quisque puer votis, quaeque puella meis.
Oscula non sumpsi totiens porrecta, negabam
De mensis vecors sumere poma meis.
Paenitet, et si non serum est reparabimus omne
Tempus, et amissum quod fuit ante, fruar.

(in Elegiae jocosae et festivae [1489])

Jean Second / Johannes Secundus (1511-1536) : Les Baisers, 4 / Basia, IV

Les baisers de Néère ont le goût du nectar,
Ils coulent dans le cœur comme rosée doucette
Avec un goût de thym, de cannelle, de nard
Et de miel butiné sur les monts de l’Hymette
Par l’abeille d’Attique ou parmi les rosiers,
Çà et là, protégé de cire virginale,
Et mis sous le couvert de corbeilles d’osier.

Qu’à pleine bouche elle m’en donne d’innombrables,
Je me transformerai d’un coup en immortel,
Et jouirai des repas des plus grands de nos dieux.
Mais épargne, Néère, épargne-moi un tel
Don, ou te fais déesse avec moi dans les cieux :
Sans toi ne veux paraître à la table des dieux,
Dussent – sauf Jupiter – les Très-Hauts m’obliger
À tenir le haut bout dans le rouge empyrée.

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

Non dat basia, dat Neaera nectar,
dat rores animae suaveolentes,
dat nardumque, thymumque, cinnamumque,
et mel, quale iugis legunt Hymetti,
aut in Cecropiis apes rosetis,
atque hinc virgineis et inde ceris
saeptum vimineo tegunt quasillo.

Quae si multa mihi voranda dentur,
immortalis in iis repente fiam,
magnorumque epulis fruar deorum.
Sed tu munere parce, parce tali,
aut mecum dea fac, Neaera, fias:
non mensas sine te volo deorum:
non si me rutilis praeesse regnis,
excluso Iove, di deaeque cogant.

Andrea Navagero (en latin Andreas Naugerius) (1483 – 1529) : Epigrammes votives

Ces épigrammes votives sont directement
 inspirées de celles de l'Anthologie palatine,
 dont on trouve sur ce blog quelques traductions

Brises dorées, légèrement ailées, courant,
Murmurant – bruit plaisant – dans les hautes forêts,
Idmon, le laboureur, vous donne ces bouquets,
Vous offre à pleins paillons le crocus odorant.
Tempérez l’air, et entraînez les menues pailles
Quand il vanne à midi le fruit de ses semailles.


Ce cep, toujours fertile en grappes généreuses,
Qui jamais n’a déçu les attentes du maître,
Pour l’heure encor beaucoup fleuri : Bacchus, Damis
Le vigneron te le consacre de lui-même.
Ô dieu, fais-lui, tien devenu, tenir promesse,
Et que tout le vignoble ait du fruit comme lui.


Vivant pareil amour, moi Thysis qui cultive
Le bout de champ voisin, et avec son Thyrsis
Ma fidèle Napé, nous déposons ici
Pour toi, Vénus, ces amarantes immortelles
Entrelacées de lis en nattes consacrées :
Déesse, accorde notre amour à leur modèle,
Inaltérable au temps, et fleurissant toujours.
Qu’il soit pur et que brille en nos cœurs un éclat
Semblable au blanc des lis campé sur les feuillages.
Ainsi que ces deux fleurs nouées en tresse unique,
Qu’un fil unique noue de même nos deux âmes.


Les deux coupes qu’il porte, emplies de vin nouveau,
Acmon qui vigneronne un fertile coteau
Joyeusement les offre aux satyres gourmands
De vendange et à toi, de vendange parent,
Bacchus ! qui le premier t’en vins planter la vigne.
Conserve son vignoble indemne de rapine,
Et fais que ton raisin y croisse abondamment.


Aurae, quae levibus percurritis aera pennis,
et strepitis blando per nemora alta sono,
serta dat haec vobis, vobis haec rusticus Idmon
spargit odorato plena canistra croco.
Vos lenite aestum et paleas sejungite inanes,
dum medio fruges ventilat ille die.


Hanc vitem, multa quae semper fertilis uva
haud unquam domini fallere vota solet,
nunc etiam large florentem, consecrat ipse
vineti cultor Damis, Iacche, tibi.
Tu face, dive, tua haec spem non frustretur, et hujus
exemplo fructum vinea tota ferat.


Illi in amore pares, vicini cultor agelli
Thyrsis, cumque suo Thyrside fida Nape,
Ponimus hos tibi, Cypri, immortales amarantos
Liliaque in sacras serta parata comas:
Scilicet exemplo hoc, nullo delebilis aevo
Floreat aeternum fac, dea, noster amor.
Sit purus, talisque utriusque in pectore candor,
In foliis qualem lilia cana ferunt.
Utque duo hi flores serto nectuntur in uno,
Sic animos nectat una catena duos.


Quae duo fert collis fecundi vinitor Acmon
expressi primum cymbia plena meri,
haec avidis musti satyris mustique parenti
dat jucunde tibi vitis, Iacche, sator.
Illi illaesa suis linquant vineta rapinis,
tu tua fac largis auctibus uva fluat.

(in Lusus [II, IV, XIII, XV], in Carmina quinque illustrium poetarum [1548])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes d'Andrea
Navagero sur ce blog : 
%d blogueurs aiment cette page :