Teofilo Folengo (1491-1544) : une platée de corbeaux

Bien reçu tes corbeaux dans leur double service
– Au gril, à l’étouffée –, plaisantin de Baldus,
Que, tenus bien au chaud dans une ample marmite,
M’a apportés ta vieille embéguinée de bonne.
Mais quand tout fut mangé, et bien propre le plat,
J’en suis resté baba : que d’os, que d’os, que d’os !
J’ai voulu les remettre en la gamelle vide
Qui n’a pu contenir de telles quantités.
Maintenant : que j’essaie de parler consistance :
La chair de mes talons est bien moins coriace ;
Pattes, têtes jetées, ainsi qu’ailes striées :
Le plat demeure plein de bien durs rogatons.
Juré : il m’a semblé mastiquer de l’acier,
J’ai, après ce repas, la mâchoire en compote.
Gros travail pour les dents, des nèfles pour le bide :
Si tu crois que je vais me confondre en mercis…

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Cornacchias partimque speto partimque guazetto
Suscepi coctas, Balde facete, tuas,
Quas bene copertas satis ampla scudella tenebat,
Cum tua portavit vecchia beghina mihi.
Sed postquam totas netto remanente cadino
Edimus, heu, qualis tanta per ossa stupor!
Rursus in exhaustum tornavimus illa piattum,
Verum tantorum non fuit ille capax.
Quarum gustigolum cogor narrare saporem:
Est caro calcagnis plus tenerina meis;
Tolle viam gambas, testas alasque striatas,
In vaso brognis conca piena manet.
Juro tibi, videor tantum rosegasse corammum,
Post illas mansit stracca ganassa dapes.
Dens habuit partem maiorem, panza minorem,
Gratia quapropter nulla redenda tibi est.

(in Epigrammata [1520])

Folengo, Teofilo, dit aussi Merlinus Coquus (1491-1544) : à sa houe

Je t’aime avec raison, ma houe : tu as la main
Sur toutes houes, prêtresse de nos gras jardins :
Car de tous les hoyaux à venir ou présents,
Ou qui furent hoyaux depuis la nuit des temps,
Personne mieux que toi n’as jamais désherbé :
De là, tant de moissons, et toute quantité
Prospère et fraîche de légumes et de fleurs !
Nos champs regorgent grâce à toi de la verdeur
Des bettes, grâce à toi la laitue digérée
Nous rend après repos la vigueur recouvrée ;
Et je ne dirai rien de la pousse des choux…
Je préfère mourir que de laisser partout
Les herbes égaler la hauteur des cyprès !

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Amo te merito, ligo, ligonum
Antistes, nitidi minister horti,
Nam quantum est, vel erit, vel ante constat
Tot jam saecla fuisse sarculorum,
Nemo te melius repurgat herbas,
Unde tot sata multiplexque vernat
Pubertas holerum decusque florum;
Tua namque opera nemus virentum
Betarum superat suosque late
Dat lactuca dapum quies lacertos;
Non est dicere quanta brassicarum
Sit vis: dispeream nisi praealtis
Se herbae subiciant pares cupressis.

(Epigrammata, in Opus macaronicum, 1520)

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