Virgile : Invitation aux plaisirs


[…] Sois sage, allonge-toi, bois du frais dans du verre
Ou le cristal, si c’est ton goût, de coupes neuves.
Repose ta fatigue à l’ombre, allons ! de pampres,
Noue à ta tête lourde une coiffe de roses,
Et cueille, joli cœur, la bouche d’un tendron…

Ah, maudit soit qui fronce un sourcil d’un autre âge !
Quoi, des fleurs parfumées pour une cendre ingrate ?
Veux-tu donc qu’une tombe en porte les couronnes ?
Pose vins, dés. Maudit qui pense aux lendemains !
La mort nous prend l’oreille et dit : « Vivez, j’arrive ».


[…] Si sapis, aestivo recubans te prolue vitro,
Seu vis crystallo ferre novos calices.
Hic, age, pampinea fessus requiesce sub umbra,
Et gravidum roseo necte caput strophio,
Formosus tenerae decerpens ora puellae.

A ! pereat cui sunt prisca supercilia !
Quid cineri ingrato servas bene olentia serta?
Anne coronato vis lapide ista legi?
Pone merum et talos. Pereat qui crastina curat !
Mors aurem vellens : « Vivite » ait, « venio ».

(extrait [vers 29-38] de Copa, La fille d’auberge)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Cornelius Gallus (69-26 av. JC) : A Lydie / Ad Lydiam

Belle Lydie, gamine pâle,
Damant le pion à lait, à lys,
À rose blanche veinée rouge,
À l’ivoire d’Inde poli !
Montre, montre-moi ces cheveux
Blonds brillants comme de l’or pur,
Montre, montre ce cou d’albâtre
Sur l’albâtre de tes épaules,
Montre, montre, tes yeux stellaires
Sous tes noirs sourcils recourbés,
Montre, montre ces joues de rose
Infuses de pourpre de Tyr,
Pointe tes lèvres de corail,
Donne doux baisers de colombe !
Tu suces mon âme en folie,
Tes baisers pénètrent mon cœur.

– Quoi, me suçant, vivant, le sang ?
Couvre ces seins, ces doubles fruits
D’où sourd du lait dès qu’on les presse !


 Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


Lydia, bella puella, candida,
Quae bene superas lac et lilium,
Albamque simul rosam rubidam,
Aut expolitum ebur Indicum!
Pande, puella, pande capillulos,
Flavos, lucentes ut aurum nitidum.
Pande, puella, collum candidum,
Productum bene candidis humeris.
Pande, puella, stellatos oculos,
Flexaque super nigra cilia.
Pande, puella, genas roseas,
Perfusas rubro purpuræ Tyriæ.
Porrige labra, labra corallina;
Da columbatim mitia basia.
Sugis amentis partem animi:
Cor mihi penetrant hæc tua basia.
Quid mihi sugis vivum sanguinem?
Conde papillas, conde gemipomas,
Compresso lacte quæ modo pullulant.


Du même auteur sur ce blog :

Deux courtes (et charmantes) épigrammes amoureuses

 

Andreas Dactius / Andrea Dazzi (1475-1548) : Entre frimousse et conduite / De amicae vultu et moribus

J’aime et je hais, et je ne puis ne pas aimer
Ce que je hais, mais à l’inverse je ne puis
Tenir en haine ce que j’aime : c’est ainsi
Que mon amour se voit de haine mâtiné,
Que ma haine du fait de mon amour s’émousse,
Tandis que mon amour se voit souillé de haine.
Je te l’avoue : je hais ta conduite incertaine,
Mais à l’inverse, je t’adore – et ta frimousse.

Pour que ces apories cessent de me ronger,
De conduite ou frimousse il te faudrait changer.

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Odi et amo : et nequeo non illud amare, quod odi,
Rursus habere odio, non nequeo quod amo,
Sic odio miscetur amor, mulcetur amore
Sic odium, atque odio sic maculatur amor.
Te fateor, moresque tuos mutabilis odi;
Depereo rursus te faciemque tuam.
Magna titi, toties ne me contraria laedant,
Immutent mores numina, vel faciem.

(in Andreae Dactii patricii et academici florentini poemata [1549])

Anonyme (IIIe siècle après J. C.) : Prière à la terre / Precatio terrae (vers 1 à 18)

Terre, sainte divinité, de qui procède la nature,
De qui tout naît, qu’en même lieu tu fais renaître
– Car tu pourvois toi seule aux besoins des humains,
Divine maîtresse du ciel, de la mer et de toutes les choses –,
Grâce à qui la nature fait silence et gagne le sommeil,
Toi qui ravives la lumière et qui dissipes les ténèbres :
Tu voiles l’ombre des enfers et le chaos démesuré,
Tu retiens vents, pluies et tempêtes,
Et, à ton gré, disperses et mêles les flots,
Tu chasses le soleil, déchaînes les bourrasques,
Et accrois à plaisir le jour plein d’allégresse.
Par ton soutien constant, la vie trouve ses vivres,
Et quand notre âme se retire, en toi nous nous réfugions :
Car tout ce que donnes te revient.
Dûment t’appelons-nous Grande, ô toi, mère des dieux,
Toi qui, par ta piété vainquis les volontés divines,
Ô toi mère avérée des dieux et des humains,
Sans qui rien ne mûrit et sans qui rien ne naît […]

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Dea sancta Tellus, rerum naturae parens,
quae cuncta generas et regeneras indidem,
quod sola praestas gentibus vitalia,
caeli ac maris diva arbitra rerumque omnium,
per quam silet natura et somnos concipit,
itemque lucem reparas et noctem fugas :
tu Ditis umbras tegis et immensum chaos
ventosque et imbres tempestatesque attines
et, cum libet, dimittis et misces freta
fugasque soles et procellas concitas,
itemque, cum vis, hilarem promittis diem.
Tu alimenta vitae tribuis perpetua fide,
et, cum recesserit anima, in tete refugimus :
ita, quicquid tribuis, in te cuncta recidunt.
Merito vocaris Magna tu Mater deum,
pietate quia vicisti divom numina ;
tuque illa vera es gentium et divom parens.
Sine qua nil maturatur nec nasci potest […]

(Auteur inconnu ; sans doute première moitié du IIIe siècle après J.C.)

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