Jean Second / Johannes Secundus (1511-1536) : Les Baisers, 4 / Basia, IV

Les baisers de Néère ont le goût du nectar,
Ils coulent dans le cœur comme rosée doucette
Avec un goût de thym, de cannelle, de nard
Et de miel butiné sur les monts de l’Hymette
Par l’abeille d’Attique ou parmi les rosiers,
Çà et là, protégé de cire virginale,
Et mis sous le couvert de corbeilles d’osier.

Qu’à pleine bouche elle m’en donne d’innombrables,
Je me transformerai d’un coup en immortel,
Et jouirai des repas des plus grands de nos dieux.
Mais épargne, Néère, épargne-moi un tel
Don, ou te fais déesse avec moi dans les cieux :
Sans toi ne veux paraître à la table des dieux,
Dussent – sauf Jupiter – les Très-Hauts m’obliger
À tenir le haut bout dans le rouge empyrée.

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Non dat basia, dat Neaera nectar,
dat rores animae suaveolentes,
dat nardumque, thymumque, cinnamumque,
et mel, quale iugis legunt Hymetti,
aut in Cecropiis apes rosetis,
atque hinc virgineis et inde ceris
saeptum vimineo tegunt quasillo.

Quae si multa mihi voranda dentur,
immortalis in iis repente fiam,
magnorumque epulis fruar deorum.
Sed tu munere parce, parce tali,
aut mecum dea fac, Neaera, fias:
non mensas sine te volo deorum:
non si me rutilis praeesse regnis,
excluso Iove, di deaeque cogant.

Jean Second / Johannes Secundus (1511-1536) : Les Baisers, VII / Basia, VII

Des cents et des cents de baisers,
Et par centaines de milliers,
Des baisers par milliers de mille,
Par milliers de milliers, autant
Qu’embrasse la mer de Sicile
De gouttes d’eau, qu’il est au ciel
D’étoiles : sur tes joues de pourpre,
Tes lèvres tendrement gonflées,
Sur tes yeux tendrement jaseurs,
Je poserai, toujours ardent,
Ô, Nééra, ô ma charmante !

Mais que tout entier je m’abouche
Comme conque à tes joues de rose
Comme conque à tes lèvres rouges,
À tes yeux tendrement jaseurs,
Je n’ai loisir de contempler
Tes lèvres, ni tes joues de rose,
Ni tes yeux tendrement jaseurs,
Ni tes sourires caressants :

Eux qui – tel Apollon purgeant
Le ciel de ses nuages sombres
Et, parmi l’azur apaisé,
Brillant sur ses pur-sang gemmés,
Étincelant dans l’orbe blond –
D’un mouvement doré repoussent
Les larmes de mes joues, de mon
Cœur les soucis et les soupirs.

Ah suis-je malheureux ! – mes yeux
Sont donc en guerre avec mes lèvres ?
Moi qui ne pourrais endurer
De rival, fût-ce Jupiter,
Leurs rivaux devenus, mes yeux
Ne peuvent supporter mes lèvres.

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Centum basia centies,
centum basia millies,
mille basia millies,
et tot milia millies,
quot guttae Siculo mari,
quot sunt sidera caelo,
istis purpureis genis,
istis turgidulis labris,
ocellisque loquaculis,
ferrem continuo impetu,
o formosa Neaera!

Sed dum totus inhaereo
conchatim roseis genis,
conchatim rutilis labris,
ocellisque loquaculis,
non datur tua cernere
labra, non roseas genas,
ocellosque loquaculos,
molles nec mihi risus;

qui, velut nigra discutit
caelo nubila Cynthius,
pacatumque per aethera
gemmatis in equis micat,
flavo lucidus orbe,
sic nutu eminus aureo
et meis lacrimas genis,
et curas animo meo,
et suspiria pellunt.

Heu, quae sunt oculis meis
nata proelia cum labris?
Ergo ego mihi vel Iovem
rivalem potero pati?
Rivales oculi mei
non ferunt mea labra.

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