Des cents et des cents de baisers,
Et par centaines de milliers,
Des baisers par milliers de mille,
Par milliers de milliers, autant
Qu’embrasse la mer de Sicile
De gouttes d’eau, qu’il est au ciel
D’étoiles : sur tes joues de pourpre,
Tes lèvres tendrement gonflées,
Sur tes yeux tendrement jaseurs,
Je poserai, toujours ardent,
Ô, Nééra, ô ma charmante !
Mais que tout entier je m’abouche
Comme conque à tes joues de rose
Comme conque à tes lèvres rouges,
À tes yeux tendrement jaseurs,
Je n’ai loisir de contempler
Tes lèvres, ni tes joues de rose,
Ni tes yeux tendrement jaseurs,
Ni tes sourires caressants :
Eux qui – tel Apollon purgeant
Le ciel de ses nuages sombres
Et, parmi l’azur apaisé,
Brillant sur ses pur-sang gemmés,
Étincelant dans l’orbe blond –
D’un mouvement doré repoussent
Les larmes de mes joues, de mon
Cœur les soucis et les soupirs.
Ah suis-je malheureux ! – mes yeux
Sont donc en guerre avec mes lèvres ?
Moi qui ne pourrais endurer
De rival, fût-ce Jupiter,
Leurs rivaux devenus, mes yeux
Ne peuvent supporter mes lèvres.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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Centum basia centies,
centum basia millies,
mille basia millies,
et tot milia millies,
quot guttae Siculo mari,
quot sunt sidera caelo,
istis purpureis genis,
istis turgidulis labris,
ocellisque loquaculis,
ferrem continuo impetu,
o formosa Neaera!Sed dum totus inhaereo
conchatim roseis genis,
conchatim rutilis labris,
ocellisque loquaculis,
non datur tua cernere
labra, non roseas genas,
ocellosque loquaculos,
molles nec mihi risus;qui, velut nigra discutit
caelo nubila Cynthius,
pacatumque per aethera
gemmatis in equis micat,
flavo lucidus orbe,
sic nutu eminus aureo
et meis lacrimas genis,
et curas animo meo,
et suspiria pellunt.Heu, quae sunt oculis meis
nata proelia cum labris?
Ergo ego mihi vel Iovem
rivalem potero pati?
Rivales oculi mei
non ferunt mea labra.