Martial (40-104 ap. J.-C.) : Actif /vs/ passif

Qui est Martial ?

Tu emproses, l’huis clos, Amillus, de grands gars,
Et veux être surpris t’employant à cela,
Par crainte d’affranchis, d’esclaves de ton père,
De clients cancanant à langue de vipère.
Qui prouve à des témoins qu’il n’est point l’enculé,
C’est souvent, Amillus, que sans témoins il l’est.

NB : Pour comprendre pleinement cette épigramme, il faut avoir à l’esprit les représentations sociales des Romains en matière de sexualité : si l’homosexuel passif (cinaedus) est méprisé, son partenaire actif (paedicator) ne l’est pas.

Reclusis foribus grandes percidis, Amille,
    et te deprendi, cum facis ista, cupis,
ne quid liberti narrent seruique paterni
    et niger obliqua garrulitate cliens.
Non pedicari se qui testatur, Amille, 
    illud saepe facit quod sine teste facit.

(in Epigrammaton liber VII, 62)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Catulle (84-54 av. J.-C.) : Entre mecs (poème 50)

entre hommes


Licinius, hier, comme on avait le temps,
On s’est bien amusé, noircissant mes tablettes
‒ C’est ce qui convenait aux tendres que nous sommes.
Écrivant tour à tour des vers de mirliton,
On jouait sur tel mètre et tantôt sur tel autre,
En se faisant écho, plaisantant, chopinant.
Et puis je t’ai quitté, ravi de ta finesse
D’esprit, Lucinius, et de tes clowneries :
Je n’ai, pauvre de moi, pas eu goût de souper,
Ni n’ai pu fermer l’œil et dormir coitement,
Me brassant dans mon lit, çà, là, ensauvagé
De fureur, désireux de voir poindre le jour
Afin de te parler, d’être en ta compagnie.
Mais après ‒ quasi mort et recru de fatigue ‒
Avoir pu m’assoupir sur ma petite couche,
J’ai rédigé, mon beau, ce poème pour toi,
Qui te remontrera la peine que j’endure.
Maintenant, garde-toi d’être dur, garde-toi,
S’il te plaît, mon craquant, de snober mes requêtes,
Ou crains que Némésis n’en vienne à te punir :
Ne lui fais pas d’outrage, elle est vite en colère.


Hesterno, Licini, die otiosi
multum lusimus in meis tabellis,
ut convenerat esse delicatos:
scribens versiculos uterque nostrum
ludebat numero modo hoc modo illoc,
reddens mutua per iocum atque vinum.
atque illinc abii tuo lepore
incensus, Licini, facetiisque,
ut nec me miserum cibus iuvaret
nec somnus tegeret quiete ocellos,
sed toto indomitus furore lecto
versarer, cupiens videre lucem,
ut tecum loquerer, simulque ut essem.
at defessa labore membra postquam
semimortua lectulo iacebant,
hoc, iucunde, tibi poema feci,
ex quo perspiceres meum dolorem.
nunc audax cave sis, precesque nostras,
oramus, cave despuas, ocelle,
ne poenas Nemesis reposcat a te.
est vehemens dea: laedere hanc caveto.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.