Giovanni Pontano (1429-1503) : Malheurs d’amants / De qualitate amantum

Malheur : aimer sans voir jamais ce qu’on désire,
Plus grand malheur : aimer, voir, mais ne pas toucher,
Et comble de malheur : aimer, voir et toucher
Sans toucher comme on veut, et de cela souffrir.
– C’est un homme averti, qui parle, et malheureux.
Qui n’éprouve, au rebours, que des facilités
Est pour sûr un amant de la race des dieux.


Miser, qui amat, videtque quod cupit nunquam ;
magis miser, qui amat videtque, nec tangit ;
miserrimus, qui amat videtque tangitque,
nec tangit, ut vult, nec sibi gerit morem.
Expertus hanc sententiam miser dico.
At cui tot insunt commoda ac facultates,
diis is est profecto amans adaequandus.

(in Parthenopaeus sive Amorum libri duo (1455-58] I, 13)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


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Giovanni Pontano (1429-1503) : Amour et colère / ad Cinnamam

Lorsque l’amour me pousse à médire de toi,
Je veux mourir si je n’en souffre, Cinnama :
J’en souffre, mais l’amour est tel, qui m’incinère,
Que je meurs si ne dis ce que veut la colère.

J’en suis vite puni : à peine ai-je parlé
Que tout à coup me vient une peine à pleurer,
Honteux d’avoir blessé de mots mon amie chère,
Et je sens, malheureux, fondre en pleurs ma colère.


Cum me cogit amor quicquam maledicere de te,
dispeream, si non, Cinnama, discrucior ;
discrucior, verum tanto succendor amore,
ut peream, si non, quae velit ira, loquor.

Poena tamen praesto est ; nam vix dum lingua locuta est,
cum mihi fit subito flebile cordolium,
paenitet et caram dictis laesisse puellam,
ac misero in lacrimas vertitur ira mihi.

(in Parthenopaeus sive Amores [1457], I, 21)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


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Giovanni Pontano (1429-1503) : Les marjolaines de Bathylla/ ad Bathyllam de amaraco colenda

Prends soin des tendres marjolaines, Bathylla,
Arrose-les souvent, garde-les bien humides,
Arrange, de tes doigts, leurs sommités éparses
Et fais-les retomber pour en étendre l’ombre :
Amusement qui agrémente ta fenêtre,
Et rare apaisement d’un vieillard amoureux !
Te regardant donner tes soins à ton courtil,
Tailler les sommités, et comprimer les tiges
En faisceaux dans ta paume apte à toutes pratiques,
Il admire tes doigts, il contemple tes yeux,
Et de tout son pauvre être à tes seins adhérant,
Brûle en mourant de froid, meurt de froid en brûlant,
Malheureux d’un côté, et d’un autre – content.
Abeilles fortunées, qui voletant autour
De la potée prospère, et butinant les fleurs
Déposent leur pollen – autant que ton labeur –
À l’abri de leur ruche et en font un nectar !
Ô vous qui réclamez le fleurant miel d’Attique
Et de l’Hybla, dites adieu au miel d’Hymette
Et de l’Hybla, car c’est le miel de Bathylla
Qu’il vous faut réclamer plutôt. Pouah, l’Hybla, pouah
Montagnes de l’Attique et liqueur de Palerme :
Allez, et réclamez le miel de Bathylla.

NB1 : Dans l’Antiquité, les miels de l’Hymette (montagne de l’Attique, en Grèce) et de l’Hybla (montagne de Sicile) jouissaient de la meilleure réputation.

NB2 : Pontano joue ici visiblement sur les mots, et il n’est pas difficile de trouver un sens obscène à ce qui, de prime abord, paraît être un charmant tableautin domestique.


Et mollem cole amaracon, Bathylla,
Et multo madidam fove liquore,
Et sparsas digitis comas repone,
Atque illas patulam reflecte in umbram,
Lusum et delicias tuae fenestrae,
Et rarum cupidi senis levamen.
Dum te prospicit hortulos colentem,
Tondentemque comas, simulque ramos
In conum docili manu prementem,
Miratur digitos, stupetque ocellos,
Et totus miser haeret in papillis,
Frigensque aestuat, aestuansque friget,
Infelix simul et simul beatus.
Felices sed apes, nemus beatum
Quae circumvolitant leguntque flores,
Et rorem simul et tuos labores
In tectis relinunt, liquantque nectar.
O qui Mopsopii liquoris auram
Hyblae et quaeritis, et valere Hymetum
Hyblam et dicite, mel bathyllianum
Ipsi quaerite. Sordet Hybla, sordet
Vertex atticus, et liquor Panhormi:
Ite, et quaerite mel bathyllianum.

(in Hendecasyllabi seu Baiarum libri [1490-1500], I, 14)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


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Giovanni Pontano (1429-1503) : pour Hermione, afin qu’elle couvre sa poitrine / ad Hermionem ut papillas contegat

Que ce soit clair : couvre-moi ces seins blancs,
Cesse de faire enrager tes amants.
Moi, qu’une froide vieillesse engourdit,
Tu m’excites, m’enflammes, diablerie !
Que ce soit clair : couvre-moi ces seins blancs,
Cache ton buste en te le corsetant.
Arbore-t-on une gorge de lait,
Des seins, sans vêtement pour les voiler ?
Que veux-tu dire ? « Embrasse-moi les seins,
Bécote-moi ce buste bel et plein ! » ?
Que veux-tu dire ? « Touche, touche, presse ! » ?
Où as-tu vu que seins nus l’on paraisse,
Et que le buste nu l’on se promène ?
Ça veut dire : « Tu veux, tu veux ? j’amène »,
C’est appeler à l’amour tes amants.
Aussi : soit tu me caches ces seins blancs,
Et me corsètes décemment ce buste,
Soit, dessus, vieux ou pas, je leur fonds, juste
À la façon qu’agirait un jeune homme.
– Hermione, tes seins peuvent, en somme,
Faire œuvrer en jeune homme… un vieux croûton !


Praedico, tege candidas papillas
nec quaeras rabiem ciere amantum.
Me, quem frigida congelat senecta,
irritas male calfacisque: quare,
praedico, tege candidas papillas
et pectus strophio tegente vela.
Nam quid lacteolos sinus et ipsas
prae te fers sine linteo papillas?
An vis dicere: « Basia papillas
et pectus nitidum suaviare? »
Vis num dicere: « Tange, tange, tracta? »
Tene incedere nudulis papillis?
Nudo pectore tene deambulare?
Hoc est dicere: « Posce, posce, trado »,
hoc est ad venerem vocare amantes.
Quare, aut contege candidas papillas
et pectus strophio decente vesti,
aut, senex licet, involabo in illas,
ut possim juvenis tibi videri.
Tithonum, Hermione, tuae papillae
possunt ad juvenis vocare munus.

(in Hendecasyllabi seu Baiarum libri [1490-1500], I, 4)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


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