Alexandre Neckam (1157-1217) : Poire et vin

chardin poire noix verre de vin

Poires, noix et verre de vin (Chardin, 1768)


Deux façons – Queneau peut-être n’est pas si loin, ou Ponge – d’approcher stylistiquement la poire, l’approche du contenu demeurant celle de la médecine médiévale.

Poire poétique :

Le vin fait de la poire un fruit de grand plaisir
Qui consommée sans vin d’ordinaire est malsaine.
Car la chaleur du vin tempère sa froideur,
Cette même froideur qui épaissit l’humeur.
— Oui, mais sa dureté qui la rend indigeste ?
— La subtile action de Bacchus l’amollit.
Fruits mous : à jeun ; fruits durs : à la fin du repas,
Pour qu’ils puissent peser sur les mets ingérés.


Poire encyclopédique :

On déplore souvent que la poire soit malsaine si elle n’est cuite au vin. C’est que la poire est dure de chair, difficile à digérer, et froide de nature. Aussi, si, après avoir mangé des poires, on boit de l’eau froide, leur froideur s’en voit-elle accrue, laquelle embarrasse la digestion : de là viennent les humeurs crues, épaisses, sources de maintes maladies. Il faut les consommer avec du vin, pour que la chaleur du vin tempère leur froideur. À noter : tout fruit mou, tel que cerise, mûre, raisin, même la pomme et les fruits de son espèce, doivent être consommés à jeun, non en fin de repas. Du fait de leur nature aisément putrescibles, ils se gâtent rapidement et se transforment en fèces. La poire et le coing, quant à eux, qui, pris en fin de repas, amollissent sous leur presse, étant lourds, la nourriture ingérée, pris en début de repas constipent.


At pira laetitiae potus gratissima reddit,
Quae, si non dentur vina, nocere solent.
Nempe calor vini moderatur frigiditate
Illorum, per quam grossior humor adest.
Rursum durities digestivae nocet, at quid ?
Bacchi subtilis actio solvit eam.
Jejuno fructus molles, post prandia duri
Dentur, tunc etenim pondere sumpta premunt.

(in De laudibus divinae sapientiae)


Solet quaeri quare nociva sint pira, nisi vino conficiantur. Pira quidem sunt durae substantiae, et digestioni repugnantia, et frigidae complexionis. Si itaque post esum pirorum aqua frigida sumatur, augmentabitur eorum frigiditas, quae repugnat virtuti digestivae, unde crudi et grossi generantur humores, ex quibus multae nascuntur aegritudines. Ideo accipi debent cum vino, ut caliditate vini temperetur eorum frigiditas. Et notandum quia omne fructus molles, ut cerasa, mora, uvae, et etiam poma, et hujusmodi, jejuno stomacho debent exhiberi, et non post cibum. Facile enim propter habilitatem suam putrefiunt, et cito corumpuntur, et in fumum resolvuntur. Pira vero et coctana, quae post cibum sumpta laxant ponderositate sua, ante cibum constipant.

(in De naturis rerum)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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