Catulle (84-54 av. J.-C.) : Supplique aux dieux pour qu’ils l’aident à rompre (poème 76)

oeuf brisé


S’il est quelque plaisir à se remémorer
Ses bienfaits d’autrefois, quand on croit être bon,
S’être montré fidèle à ses serments sacrés,
N’avoir trompé personne en mal usant des dieux,
Tu auras bien des joies, Catulle, en ton grand âge,
Du fait de cet amour si mal récompensé !

Car tout ce que de bien l’on peut, quand on est homme,
Dire ou faire à autrui, tu l’as dit, tu l’as fait
‒ Ce tout qui, confié à une ingrate, est mort.
Pourquoi vouloir porter plus loin ta croix, pourquoi
Ne pas durcir ton cœur, n’en pas finir et mettre
‒ Comme veulent les dieux ‒, un terme à ton malheur ?

Difficile de rompre un long amour, d’un coup ?
‒ Difficile, il est vrai, mais il te faut le faire,
C’est là ton seul salut, c’est là qu’est ta victoire.
Fais-le, sans le pouvoir autant qu’en le pouvant.

Ô dieux, si le malheur vous touche, si jamais
Vous nous portez secours au moment de la mort,
Observez mon malheur, et, si ma vie fut pure,
Arrachez de mon corps ce fléau, cette peste,
Qui s’est insinuée, torpeur ! en mes entrailles,
Délogeant toute joie de ma fibre sensible.

Je ne demande plus qu’elle m’aime en retour,
Ni ‒ elle ne peut pas ‒ qu’elle soit vertueuse :
Mais la santé, guérir de ce mal qui me ronge.
‒ Ô dieux, guérissez-moi, du fait de ma bonté !


Siqua recordanti benefacta priora voluptas
est homini, cum se cogitat esse pium,
nec sanctam violasse fidem, nec foedere nullo
divum ad fallendos numine abusum homines,
multa parata manent in longa aetate, Catulle,
ex hoc ingrato gaudia amore tibi.
nam quaecumque homines bene cuiquam aut dicere possunt
aut facere, haec a te dictaque factaque sunt.
omnia quae ingratae perierunt credita menti.
quare iam te cur amplius excrucies?
quin tu animo offirmas atque istinc teque reducis,
et dis invitis desinis esse miser?
difficile est longum subito deponere amorem,
difficile est, verum hoc qua lubet efficias:
una salus haec est. hoc est tibi pervincendum,
hoc facias, sive id non pote sive pote.
o di, si vestrum est misereri, aut si quibus umquam
extrema iam ipsa in morte tulistis opem,
me miserum aspicite et, si vitam puriter egi,
eripite hanc pestem perniciemque mihi,
quae mihi subrepens imos ut torpor in artus
expulit ex omni pectore laetitias.
non iam illud quaero, contra ut me diligat illa,
aut, quod non potis est, esse pudica velit:
ipse valere opto et taetrum hunc deponere morbum.
o di, reddite mi hoc pro pietate mea.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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