Qui est Martial ?
Pour étrennes¹, Umber, tu m’as fait le présent
De tout ce que l’on t’a offert cette semaine¹ :
Deux lots de six carnets, un de sept cure-dents ;
Nappe, éponge, godet¹, sont venus à leur traîne,
Fèves (un demi-muid), olives (un panier),
Vin cuit de Tarragone (un cruchon noir de lie)²,
Canoniques pruneaux², petits fruits de figuier²,
Et pot pesant son poids de figues de Libye :
Tous ces présents ‒ valant, crois-je, à peine cent sous ‒
Livrés par un octet de Syriens immenses…
Qu’il eût été plus simple ‒ et moins tuant, du coup ‒,
De n’envoyer qu’un gars redorer mes finances³.
¹ : Mot à mot « à l’occasion des Saturnales », qui, au temps de Martial, duraient cinq jours (je traduis par « une semaine »). On trouve sur le site d’Arrête ton char un excellent résumé (dans des traductions parfois un peu surannées) des activités qui s’y pratiquaient, dont les échanges de cadeaux d’une valeur, parfois, très discutable. Umber est accusé par Martial de lui donner pour présents ce qu’à lui-même on a offert et dont il se défait.
² : Les vins d’Espagne étaient, dans l’Antiquité, déjà renommés, à l’exception de ceux de l’actuelle Catalogne, réputés épais et d’une couleur peu engageante. Les « canoniques pruneaux » sont littéralement « chenus » : il en va de pruneaux obtenus par dessiccation. Quant aux « petits fruits de figuier » (coctana ou cottona), il s’agit d’une variété petite de figues, produite en Syrie.
³ : Je prends ici, tout en conservant bien sûr le sens, quelque liberté avec le mot à mot de Martial, qui aurait préféré qu’un « gars » ( = un jeune esclave) lui apportât cinq livres (pondera) d’argent en cadeau…
Omnia misisti mihi Saturnalibus, Umber,
munera, contulerant quae tibi quinque dies:
bis senos triplices et dentiscalpia septem;
his comes accessit spongea, mappa, calix,
semodiusque fabae cum vimine Picenarum
et Laletanae nigra lagona sapae;
parvaque cum canis uenerunt coctana prunis
et Libycae fici pondere testa gravis.
Vix puto triginta nummorum tota fuisse
munera, quae grandes octo tulere Syri.
Quanto commodius nullo mihi ferre labore
argenti potuit pondera quinque puer!
(in Epigrammaton liber VII, 53)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.