Dans les choses les mots couvent à petit feu ; qu’y touche la paume aoûtée du poète : de la craquelure à peine perceptible à l’oeil ni à l’oreille, ménagée dans la coque par le geste tendrement briseur, sourd l’escarbille.
Et nulle part ne s’embrase mieux le chant qu’à la surface fendille du monde.
L’écorce, on aurait tort de croire qu’elle calfate l’arbre hermétiquement. Disons : elle tâche à l’endiguer, et ses débordements de parole végétale ; à colmater les brèches. Ce qui n’est pas si simple : il faut imaginer la puissance de la pression contenue, et comprendre que, s’arc-boutant comme elle peut, prenant appui sur rien, ou l’air nu, elle retient la poussée à seul force de ses doigts mal joints, et qui laissent filtrer des mots. Pas entiers, le plus souvent : des bribes, des onomatopées, moignons de syllabes, articulations juste ébauchées, mouvements brisés de lèvres, cassots de murmures, en quête d’ensemble. Il serait vain de prétendre aveugler ces bruissements : car que dirait alors l’oiseau ? Mieux vaut aider à leur passage et les recueillir entre ses paumes comme au tronc des pins la résine ; attendre, y instiller un peu de voix humaine.
Pour affiner l’accord.
Extrait de Brèches, ENCRES VIVES, 2005