Après un séjour en Allemagne, le poète regagne l’Italie
Adieu, rocheux Tyrol et Alpes tridentines,
Je ne veux plus jamais vous avoir sous les yeux !
Stérile Germanie, je te tourne le dos,
Te montre, dénudées, sol barbare, mes fesses !
Si d’aventure un jour je devais te revoir,
Qu’il soit alors, ce jour, le dernier de ma vie !
Que je meure aux confins de l’Italie : que là,
En Italie, de froids rochers terrent mes restes.
C’est en langue d’ici qu’on me dira l’absoute,
Que sera sur le roc gravée mon épitaphe.
– Que si pieusement l’on recueille mes os
Dans une urne ou les brûle en un feu de poirier :
De grâce, qu’on ait soin qu’omis, nul bout de moi,
Même infime, ne touche à la terre barbare.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
Linquo Tridentinas Alpes et Rhaetica saxa
Nunquam oculis posthac aspicienda meis.
Accipe Campani, sterilis Germania, terga,
Accipe nudatas, barbara terra, nates.
Ille dies iterum qui te mihi forte videndam
Offeret, extremus sit mihi et ille dies.
Finibus Italiae primis exstinguar et illic
Per Latium condant frigida saxa manes.
Dicentur Latia mihi verba novissima lingua
Et Latio qui sim carmine saxa notent.
At pia si qua manus collectis ossibus urnam
Erigat, accensa conjiciatve pira,
Hoc precor, hoc caveat, ne pars vel quantula nostri
Barbaricum tangat non bene lecta solum.
(In Carmina [1495])