Au repos, Campano n’a donc pas droit ? Ma vie,
Je la passerai toute en vile servitude ?
Aux arbres, les zéphyrs font grâce, aux flots la bise,
Ni l’été, ni l’hiver ne sévissent toujours.
J’ai vu le ciel froncé de nuages noirâtres,
Et j’y ai vu courir le char blond du soleil.
Et si sous la charrue leur échine fléchit,
Fourbus par les labours, les bœufs vont aux alpages.
Le soldat remise arcs, chevaux et traits puissants,
L’armet ne pèse pas sans trêve à sa toison.
Flux et reflux pour tous : moi, maudit, sur toujours
La même roue je tourne – à l’essieu frénétique.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
Nullane Campano requies debetur? An omnis
Vita mihi turpi est dedita servitio?
Arboribus Zephyri parcunt et fluctibus Euri,
Aestas non semper, nec fera semper hyems.
Vidi ego caeruleis coelum squalescere nimbis,
Et vidi roseos currere Solis equos.
Et modo cervices flectunt ad aratra iuvenci,
Nunc iuga defuncti vomere summa petunt.
Miles equos, arcus et fortia tela remittit,
Nec galea impexas opprimit usque comas.
Cuncta vices habuere suas, ego semper eandem
Praecipiti infelix cardine verso rotam.
(In Carmina [1495])