Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) : Eux deux / Die Beiden

Qui est Hugo von Hofmannsthal ?

Elle portait le verre en main –
Bouche et menton comme lui pleins –
Si sûr et si léger son pas :
Le verre ne débordait pas.

À lui légère et forte main :
Il chevauchait une pouliche,
À qui il fit, comme on s’en fiche,
Stopper, pantelante, son train.

Mais, comme il devait de sa main
S’approprier le léger verre :
Ce fut pour eux par trop pesant.
Car tous les deux, ils tremblaient tant
Qu’à l’autre main nulle ne vint :
Et le vin noir roula par terre.


Sie trug den Becher in der Hand –
Ihr Kinn und Mund glich seinem Rand –,
So leicht und sicher war ihr Gang,
Kein Tropfen aus dem Becher sprang.

So leicht und fest war seine Hand:
Er ritt auf einem jungen Pferde,
Und mit nachlässiger Gebärde
Erzwang er, daß es zitternd stand.

Jedoch, wenn er aus ihrer Hand
Den leichten Becher nehmen sollte,
So war es beiden allzu schwer:
Denn beide bebten sie so sehr,
Daß keine Hand die andre fand
Und dunkler Wein am Boden rollte.

(in Die Gedichte [1924])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) : Tercets / Terzinen

Qui est Hugo von Hofmannsthal ?

Je le ressens encor, leur souffle sur mes joues :
Ces jours proches, comment ont-ils pu disparaître,
Disparaître à jamais, s’en aller tout entiers ?

C’est une chose à quoi nul ne songe vraiment,
Et qui fait trop horreur pour qu’on vienne à s’en plaindre :
Qu’il n’est rien qui ne glisse et ne coule et ne passe.

Et que mon propre Moi, sans rien qui l’en empêche,
Soit en glissant passé de la petite enfance
À moi, comme un chien laid, muet et étranger.

Et puis : que je vivais déjà voilà cent ans,
Et que dans leur linceul mes ancêtres me sont
Aussi apparentés que mes propres cheveux,

Me sont aussi liés que mes propres cheveux.


Les heures ! quand fixant sur la clarté du bleu
De la mer le regard nous comprenons la mort,
Si légers, solennels, sans éprouver d’horreur,

Des fillettes semblant, d’apparence très pâle,
Et qui ont de grands yeux, et qui ont toujours froid,
Qui sans mot dire, un soir, regardent devant elles,

Et savent que la vie à présent sort de leurs
Membres saouls de sommeil et s’écoule en silence
Dans l’arbre et l’herbe, et souriant, se parent, lasses,

Comme une sainte fait, laissant couler son sang.


Nous sommes de ce bois dont les rêves sont faits,
Eux qui ouvrent les yeux de la même façon
Que les petits enfants dessous des cerisiers

À la cime desquels la pleine lune entame
Sa course d’or pâli parmi la grande nuit.
Ce n’est pas autrement que nos rêves émergent,

Qu’ils vivent, qu’ils sont là comme un enfant qui rit
Et sans être moins grands – qu’ils volent haut ou bas –
Qu’une lune en éveil, pleine, au sommet d’un arbre.

Les tréfonds sont ouverts à leurs travaux de trame ;
Comme les mains d’esprits dans un espace clos
Ainsi sont-ils en nous et sont toujours en vie.

Et homme, chose, rêve : à trois forment un seul.



Noch spür ich ihren Atem auf den Wangen:
Wie kann das sein, daß diese nahen Tage
Fort sind, für immer fort, und ganz vergangen?

Dies ist ein Ding, das keiner voll aussinnt,
Und viel zu grauenvoll, als daß man klage:
Daß alles gleitet und vorüberrinnt.

Und daß mein eignes Ich, durch nichts gehemmt,
Herüberglitt aus einem kleinen Kind
Mir wie ein Hund unheimlich stumm und fremd.

Dann: daß ich auch vor hundert Jahren war
Und meine Ahnen, die im Totenhemd,
Mit mir verwandt sind wie mein eignes Haar,

So eins mit mir als wie mein eignes Haar.


Die Stunden! wo wir auf das helle Blauen
Des Meeres starren und den Tod verstehn,
So leicht und feierlich und ohne Grauen,

Wie kleine Mädchen, die sehr blaß aussehn,
Mit großen Augen, und die immer frieren,
An einem Abend stumm vor sich hinsehn

Und wissen, daß das Leben jetzt aus ihren
Schlaftrunknen Gliedern still hinüberfließt
In Bäum’ und Gras, und sich matt lächelnd zieren

Wie eine Heilige, die ihr Blut vergießt.


Wir sind aus solchem Zeug, wie das zu Träumen,
Und Träume schlagen so die Augen auf
Wie kleine Kinder unter Kirschenbäumen,

Aus deren Krone den blaßgoldnen Lauf
Der Vollmond anhebt durch die große Nacht.
… Nicht anders tauchen unsre Träume auf,

Sind da und leben wie ein Kind, das lacht,
Nicht minder groß im Auf- und Niederschweben
Als Vollmond, aus Baumkronen aufgewacht.

Das Innerste ist offen ihrem Weben;
Wie Geisterhände in versperrtem Raum
Sind sie in uns und haben immer Leben.

Und drei sind Eins: ein Mensch, ein Ding, ein Traum.

(in Die Gedichte: Ausgabe 1924 [1924])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) : Ton visage / Dein Antlitz

Qui est Hugo von Hofmannsthal ?

Tout entier ton visage était comble de rêves.
Je me tus, t’observant, tressaillant sans un mot.
Comme tout me revint ! D’avoir livré déjà
Autrefois tout mon être, au long de vieilles nuits,

À la lune, au vallon que j’avais trop aimé,
Où sur les coteaux nus, les arbres, çà et là,
Malingres se dressaient ‒ et dans leurs intervalles
Allaient, bas et petits, les nuages de brume ;

Le fleuve laissait bruire au milieu du silence
Toujours fraîches, toujours étrangères, les eaux
D’une blancheur d’argent ‒ comme tout me revint !

Comme tout me revint ! Car à toutes ces choses
Ainsi qu’à leur beauté ‒ qui ne fut point féconde ‒
J’avais entier livré mon être, en grand désir
Comme à présent de regarder ta chevelure
Ainsi que cet éclat transperçant tes paupières.


Dein Antlitz war mit Träumen ganz beladen.
Ich schwieg und sah dich an mit stummem Beben.
Wie stieg das auf! Daß ich mich einmal schon
In frühern Nächten völlig hingegeben

Dem Mond und dem zuviel geliebten Tal,
Wo auf den leeren Hängen auseinander
Die magern Bäume standen und dazwischen
Die niedern kleinen Nebelwolken gingen

Und durch die Stille hin die immer frischen
Und immer fremden silberweißen Wasser
Der Fluß hinrauschen ließ – wie stieg das auf!

Wie stieg das auf! Denn allen diesen Dingen
Und ihrer Schönheit – die unfruchtbar war –
Hingab ich mich in großer Sehnsucht ganz,
Wie jetzt für das Anschaun von deinem Haar
Und zwischen deinen Lidern diesen Glanz!


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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