J’écoute un enregistrement de Bach
Se faire l’écho des rythmes d’un loch.
À travers brune et libellules qui se mêlent
Se pose une musique sur mes prunelles
Jusqu’à me faire entendre la vie des bruyères,
Les pierres enfouies, les ombreux conifères,
Et ce que j’entends, c’est ce que je vois,
La divinité d’un soir estival.
Je ne suis plus ce soir administré
Mais je sens ma vie comme transportée
Par-delà le royaume où je suis à demeure
Vers des extrémités qui me sont personnelles,
Tandis qu’à mon poignet, mon pouls surexcité
Énumère le sang de qui m’est étranger.
Les arbres embrumés, mouvants, clament le sens
De la vue dégagée de toute intelligence ;
L’intellect de l’eau me fait l’exposé
D’une physique et riche vérité.
Je ne nourris rien avec les étoiles,
Ni les minéraux, tandis que j’étale
Un éparpillement de lavis tremblotants
Aussi légers que cendre contre vent.
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
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I listen as recorded Bach
Restates the rhythms of a loch.
Through blends of dusk and dragonflies
A music settles on my eyes
Until I hear the living moors,
Sunk stones and shadowed conifers,
And what I hear is what I see,
A summer night’s divinity.
And I am not administered
Tonight, but feel my life transferred
Beyond the realm of where I am
Into a personal extreme,
As on my wrist, my eager pulse
Counts out the blood of someone else.
Mist-moving trees proclaim a sense
Of sight without intelligence;
The intellects of water teach
A truth that’s physical and rich.
I nourish nothing with the stars,
With minerals, as I disperse,
A scattering of quavered wash
As light against the wind as ash.
(in New Selected Poems 1964-2000 [Faber, 2003])