
Bacchus (Jan Van Dalen, XVIIe s.)
C’est Bacchus qui est cause et soutien du poète,
C’est Bacchus qui remue le génie du poète ;
Et sur les neufs tendrons, c’est Bacchus qui l’emporte,
__Meilleur que Phébus, de plus grand pouvoir.
Quiconque aura humé trois coupes par trois fois
D’un falerne moelleux, sentira que s’enflamme
Son âme sous l’effet de la fureur divine
__Et qu’en jaillira quelque poésie.
Ainsi vécut gaiment, jadis, Anacréon,
Les tempes couronnées de pampres verdoyants,
Et Ennius ainsi, gorge avinée toujours,
__Donnait libre cours à ses poésies.
Ceux qui ont du plaisir à boire de l’eau fraîche,
Sont les auteurs de vers glacés, qui ne traversent
Pas les âges. Viens donc, rivalisons tous deux
__À coups, Nicolas, de cyathes pleins.
Tous deux nous écrirons, la gorge bien rincée,
Des vers qu’admireront nos lointains descendants ;
Quel doux supplice es-tu, Lyaeus, quel repos
__Certain pour un cœur que tout alourdit !
En notre impéritie, mais quelles coupes donc
Nous cherchons-nous d’une eau jacasse ? De quel mont
Rêvons-nous donc, bifide et doublement pointu ?
__À quelle Hippocrène aspirons-nous, fous ?
La voici l’Hippocrène, et seule sa liqueur
A le pouvoir de rendre enchanteur le poète.
Fais-moi donc cette grâce, et rends-moi la pareille :
__Car je te salue, levant un cyathe.
Bacchus poetas et facit et fovet ;
Bacchus poetarum ingenia excitat;
_Bacchus novem praestat puellis,
_Et melior potiorque Phoebo est.Ter terna quisquis pocula sumserit
Dulcis Falerni, sentiet hic sibi
_Calere divino furore
_Carmina ad ejicienda mentem.Sic laetus olim vixit Anacreon,
Cinctus virenti tempora pampino,
_Sic Ennius semper madenti
_Gutture carmina funditabat.Algentis at quos potus aquae juvat,
Frigent eorum carmina, nec ferunt
_Aetatem. Ades mecumque plenis
_His cyathis, Nicolae, certa.Miranda seris carmina posteris
Uterque loto gutture concinet;
_O dulce tormentum, o gravatis
_Certa quies animis, Lyaee!Quaenam, imperiti, pocula quaerimus
Vocalis undae? quod bifidi duplex
_Montis cacumen somniamus?
_Quam petimus, fatui, Hippocrenen?Haec Hippocrene est: unius hic liquor
Vates stupendos efficere evalet.
_En, par pari gratus repende,
_Hoc ego te cyatho saluto !
(in M. Antonii Mureti Opera, Volume 3 [1729], p. 225)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.