Giovanni Battista Giraldi (1504-1574) : Les feux de l’amour

cupidon-poussin

Cupidon (Nicolas Poussin)


Supplique à Cupidon

Tu dardes tant de traits, de feux, jeune effronté,
Que terre, pôles, mer, tout brûle, est dévasté.
‒ Ces flèches et ces feux, qui donc te les fournit,
Dont tu dardes mon cœur de jour comme de nuit ?

Endurant tant de feux, tant de flèches, je crois
Que, cruel Cupidon, tu ne rages qu’en moi.
Modère ton ardeur : accrue, sans me toucher,
Ton ire visera… ma cendre et mon bûcher.


Double peine amoureuse

Tes yeux, chère Lesbie, m’embrasent à ce point
Que je brûle sans trêve, hélas, sous leur ardeur !
Mais, tourment de mon cœur, cette tienne rigueur
Fait qu’en pleurs incessants se liquéfie mon sein.
Je me consume en flamme, et fonds en eau pour toi :
Tu me fais donc périr, à toi seule, deux fois.


Combustion amoureuse

Tu me tues de tels traits, me brûles de tels feux,
Quand par ton nom, Lesbie, à peine te connais-je :
Quelles flèches, quels feux, Lesbie, endurerai-je
Si tu tournes vers moi l’astre clair de tes yeux ?
– Je ne serai qu’un feu, qu’un brasier, devenu
De l’homme que j’étais, poussière et vent ténu.


Cum tot tela, Puer, jactes, totque, improbe, flammas,
Igne fretum ut flagres, terra polusque tuo,
Spicula quis tibi tot, quis tot tibi suggerit ignes,
Quot corde in nostro nocte dieque jacis ?

Ipse faces cum tot patiar, tot spicula, credo,
In me unum quod nunc saeve Cupido furis.
Parcius ure, precor. Nam si produxeris iras,
Non me, sed cineres, et mea busta petes.


Sic me blanda tui succendunt, Lesbia, ocelli,
Ut miser ardenti concremer usque face.
Tot rursus rigor iste tuus sub pectore luctus,
Cit mihi, ut assiduas cor fluat in lacrimas.
Sic flamma per te exuror, sic solvor in undas,
Sic geminae sola es tu mihi causa necis.


Si tot me jaculis figis, totque ignibus uris,
Nomine vix solo Lesbia nota mihi :
Quos ignes patiar, quae spicula, Lesbia, si in me
Convertas oculos, sidera clara, tuos,
Ignis ero totus, totus comburar, eroque
Qui modo vir fueram, pulvis et aura levis.

(in Cynthii Ioannis Baptistae Gyraldi Ferrariensis Poematia, 1544, p. 161)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :