Qui que tu sois : fais quelques pas, le soir, et sors
de la pièce où tu vis, et dont tu connais tout :
ta maison est l’ultime avant tous les lointains :
qui que tu sois.
Au moyen de tes yeux qui fatigués à peine
peuvent se libérer de l’usure du seuil,
tu vas dresser un arbre noir, très lentement,
et le planter devant le ciel : élancé, seul.
Et tu auras créé le monde. Il sera grand
comme un mot qui mûrit encore dans le taire.
Et lorsque ton vouloir en saisira le sens,
tes yeux câlinement le laisseront partir.
Wer du auch seist: am Abend tritt hinaus
aus deiner Stube, drin du alles weißt;
als letztes vor der Ferne liegt dein Haus:
wer du auch seist.
Mit deinen Augen, welche müde kaum
von der verbrauchten Schwelle sich befrein,
hebst du ganz langsam einen schwarzen Baum
und stellst ihn vor den Himmel: schlank, allein.
Und hast die Welt gemacht. Und sie ist groß
und wie ein Wort, das noch im Schweigen reift.
Und wie dein Wille ihren Sinn begreift,
lassen sie deine Augen zärtlich los…
(in Das Buch der Bilder, 1902)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.