Rainer Maria Rilke (1875-1926) : Fleurs / Blumen


Fleurs, parentes enfin des mains qui vous disposent
(de virginales mains, jadis comme à présent)
au jardin, sur la table où elles vous déposent,
bord à bord, affaiblies et blessées doucement

dans l’attente de l’eau qui d’un commencement
de mort vous sauvera encore ‒, soulevées
une nouvelle fois par les pôles fluants
de doigts sensibles, plus jaloux qu’en vos pensées

de ne point altérer votre délicatesse,
quand dans l’eau de nouveau, fraîchissant sous l’apport,
vous épanchez un chaud, de même qu’à confesse,

de vierge ayant péché, trouble faute lassante,
pour vous avoir cueillies, comme dans un rapport
qui la lierait à vous, de nouveau, florissante.


Blumen, ihr schließlich den ordnenden Händen verwandte,
(Händen der Mädchen von einst und jetzt),
die auf dem Gartentisch oft von Kante zu Kante
lagen, ermattet und sanft verletzt,

wartend des Wassers, das sie noch einmal erhole
aus dem begonnenen Tod –, und nun
wieder erhobene zwischen die strömenden Pole
fühlender Finger, die wohlzutun

mehr noch vermögen, als ihr ahntet, ihr leichten,
wenn ihr euch wiederfandet im Krug,
langsam erkühlend und Warmes der Mädchen, wie Beichten,

von euch gebend, wie trübe ermüdende Sünden,
die das Gepflücktsein beging, als Bezug
wieder zu ihnen, die sich euch blühend verbünden.

(in Die Sonette an Orpheus [II, 7] 1923)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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