Olga Martynova (née en 1962) : plus de vivants ou plus de morts ? / mehr lebende oder mehr tote?


1.

Lorsqu’il y aura autant de morts que de vivants,
viendra la fin des temps,
prophétisa Bucéphale
juste avant de pousser son dernier soupir,
et Alexandre eut idée d’une bataille
entre morts et vivants,
et continua
à accroître le nombre des morts.

2.

Plus de vivants, c’est ce qu’il y a,
Les morts en effet ne sont plus, –
disaient les Indiens au Macédonien.
Il était déçu.
Il avait une bataille
en tête entre vivants et morts.
Il ignorait seulement
de quel côté devoir combattre,
de toute manière en tant que dieu qu’importe,
pensait-il, qu’importe en tant que dieu.

Mais les morts sont les plus nombreux.
Surtout quand je
longe les rayonnages d’une bibliothèque.

Les brahmanes ne disaient sans doute cela
que pour au moins, les morts, les protéger de lui.

Car les morts sont les plus nombreux,
ils le savaient.
Les morts sont les plus nombreux, surtout quand je
longe les rayonnages d’une bibliothèque.

D’un autre côté : le mort Tchekhov est-il
plus mort que les petites gens
dont il a chanté les groseilles à maquereaux ?

Était-elle Eurydice avec son
sexe clos
Pareil à une fleur après soleil couché
plus morte que les ménades
agriffant les entrailles d’Orphée ?
Que les ménades
avec pourriture et vin dans les veines ?

Sont-ils Ovide, Virgile et Broch
plus morts que moi ?
C’est ce que je ne peux croire.


1.

Wenn es gleich viele Tote wie Lebende gibt,
kommt die Endzeit,
prophezeite Bucephalus,
kurz bevor er sein letztes Gewieher von sich gab,
und Alexander dachte an eine Schlacht
zwischen Toten und Lebenden,
und setzte fort,
die Zahl der Toten zu vermehren.

2.

Mehr Lebende gibt es,
Die Toten sind nämlich nicht mehr, –
sagten Inder dem Makedonier.
Er war enttäuscht.
Ihm schwebte eine Schlacht
zwischen Lebenden und Toten vor.
Er wusste nur nicht,
auf wessen Seite er streiten würde,
sowieso als Gott, dachte er, egal,
als Gott ist es egal.

Aber es gibt mehr Tote.
Besonders, wenn ich
Buchregale entlang denke.

Die Brahmanen sagten das vermutlich bloß,
um wenigstens die Toten vor ihm zu schützen.
Denn es gibt mehr Tote,
das wussten sie.
Es gibt mehr Tote, besonders, wenn ich
Buchregale entlang denke.

Andererseits: Ist der tote Tschechow
toter als die von ihm besungenen
Stachelbeermännchen?

War Eurydike mit ihrem
Wie eine Blume nach dem Sonnenuntergang
geschlossenen Geschlecht
toter als die Mänaden,
die Orpheus‘ Gekröse auskrallten?
Аls die Mänaden
mit Wein und Verwesung in den Adern?

Sind Ovid, Vergil und Broch
toter als ich?
Das kann ich nicht glauben.

(in Neue Rundschau n° 4 / 2019)

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


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