
Douce Ipsitille, invite-moi,
ma savoureuse au beau minois,
chez toi pour une méridienne.
Si tu acceptes que je vienne,
veille à ce que je puisse entrer
et garde-toi de t’éloigner :
reste à demeure et te dispose
à neuf saillies, cela sans pause.
Si c’est d’accord, dis-le sitôt :
là, ventre plein, je me repose
et je défonce… mon manteau.
Note sur cette traduction :
1. Cette traduction versifiée et rimée prend quelques licences par rapport à l’original. Celle en prose de Maurice Rat (éditions Garnier, 1931, pp. 49-51) est sans aucun doute plus fidèle (ne serait-elle pas aussi plus plate ?) : « Au nom de l’amour, ma douce Ipsithille, mes délices, charme de ma vie, invite-moi à venir chez toi l’après-midi. Y consens-tu ? Une grâce encore ! que ta porte ne soit pas fermée d’un verrou ; et ne va pas t’aviser de sortir : reste au logis, et prépare-toi à faire l’amour neuf fois de suite. Mais si tu dis oui, invite-moi aussitôt, car, étendu sur mon lit, après un bon dîner et couché sur le dos, je transperce et ma tunique et mon manteau. » Celle de Charles Héguin de Guerle, pudiquement édulcorée, prête quant à elle à sourire.
2. Il n’est pas certain qu’Ipsitille soit, comme le pensent certains commentateurs, une prude jeune fille dont Catulle se fût épris. Il s’agit plutôt semble-t-il d’une courtisane, d’une « beauté complaisante », selon l’expression de l’excellent François Noël, fréquentée à l’occasion par le poète, le vocabulaire très cru employé vers la fin du poème (fututiones, pertundo) n’étant guère de mise à l’adresse d’une amoureuse tendrement chérie…
Amabo, mea dulcis Ipsitilla,
meae deliciae, mei lepores,
jube ad te veniam meridiatum.
et si jusseris, illud adjuvato,
ne quis liminis obseret tabellam,
neu tibi lubeat foras abire,
sed domi maneas paresque nobis
novem continuas fututiones.
verum si quid ages, statim jubeto:
nam pransus jaceo et satur supinus
pertundo tunicamque palliumque.
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
Il est toujours intéressant de prêter attention aux mots déclencheurs dans un poème : Ipsitille = ipse et illa : avons-nous affaire, chez Catulle, à quelqu’un qui se masturbe avec plaisir au dessert ? La montée en puissance de ‘jaceo’, l’allitération de ‘satur supinus’ et le magique `pertundo’ jusqu’au ‘tunicamque palliumque’ final plaident en ce sens.
Frank Wolffram, Berlin
J’aimeJ’aime