Angelo Poliziano (1454-1494) : La cougar

Les Vieilles (Goya, 1808)


Les 8 premiers vers du texte latin (le mètre est le sénaire iambique) :


Iambes, vite, vite, arrachez-moi ‒ mordez ! ‒,
Cette vieillarde en proie aux furies du désir !
Empriapée, la chienne ! en chaleur, et cracra,
Catarrheuse et flétrie, et puante et rancie,
Cadavérique, au front rugueux, chenue du crâne,
Dégarnie du cheveu, décillée des paupières
Et glabre du sourcil, croulante de la lippe,
Rubiconde de l’œil, larmoyante des joues,
Édentée (mis à part deux chicots lui restant,
Noirs, crasseux), à l’oreille exsangue de tout sang
Et flasque, à la narine exsudant la pituite,
Au rire à postillons, à l’haleine putride,
Aux mammes distendues, avachies de vieillesse,
Arentelées, choyant, sans rien à l’intérieur,
Ulcéreuse du con, vermoulue de l’anus,
À la fesse chétive, aride et squelettique,
Et sèche de la jambe, et sèche des deux bras,
Aux genoux bien saillants, pareil pour les chevilles,
Aux talons gravement alourdis d’engelures :
Rien de plus méprisable et de plus dégoûtant,
Et de plus monstrueux, de plus pestilentiel !
Boulangers, bistrotiers, larbins et débardeurs,
Camelots et bouchers, maîtres des hautes œuvres,
Maquignons, marmitons, tous, ils l’ont culbutée,
Jadis, comme une grue, une pure cocotte.
Personne ne veut plus la voir ni lui parler,
Dégoût de tout le monde, objet de moquerie
Que la vieille éperdue de récentes chaleurs !
Mais qui ose, impudique ‒ oui, qui ose, impudique,
La cochonne effrontée, la plus morte que vieille,
Chaque fois qu’en chaleur (ses chaleurs, c’est toujours) ‒
Vouloir que je la touche et pour elle aie la gaule,
Comme un verrat, un âne, ou même comme un chien.
Du balai, du balai, la vieille, va au diable,
Du balai, l’assassine obscène ! que tu sois
Vraie vieille, épouvantail ou spectre de charnier !
À tout prendre, morbleu ! j’aimerais mieux baiser
Une truie, une ânesse, une chienne ! ‒ que toi.


Huc huc, iambi ! arripite mi jam mordicus
anum hanc furenti percitam libidine,
tentiginosam, catulientem, spurcidam,
gravedinosam, vietam, olentem, rancidam,
cadaverosam, fronte rugosa, coma
cana atque rara, depilatis palpebris,
glabro supercilio, labellis defluentibus,
oculis rubentibus, genis lachrymantibus,
edentulamque (ni duo nigri et sordidi
dentes supersint), auriculis exanguibus
flaccisque, mucco naribus stillantibus,
rictu saliva undante, tetro anhelitu,
mammis senecta putridis praegrandibus
araneosis deciduis inanibus,
cunno ulceroso, verminante podice,
natibusque macris aridis et osseis,
utroque sicco crure utroque brachio,
talo genuque utroque procul extantibus,
calcaneoque pernionibus gravi ;
ut nil sit aspernabilius, nil tetrius
monstrosiusque aut nauseabundum magis :
quam pistor olim, caupo, calo, bajulus,
et institores, et lanius, et carnifex,
et muliones permolebant et coci,
ceu prostitutam et sellulariam meram ;
nunc nemo jam vult visere nemo colloqui,
fastidit unusquisque et habet ludibrio
anum subante perditam prurigine :
sed audet impudens tamen, audet impudens,
procax, proterva, nec jam anus sed mortua,
utcumque prurit (prurit autem jugiter),
se postulare ut comprimam, sibi ut arrigam,
quasi ipse verres quasi asinus sim vel canis.
Abi hinc, abi, anus, in maximam malam crucem,
abi scelesta, obscaena ; sive vera anus
seu terriculum es seu larva bustuaria.
Nam si optio mi detur, aedepol magis
scrofam futuam quam te vel asinam vel canem.

(in Epigrammata)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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