Le thème de la violette chez quelques poètes néolatins de la Renaissance



Du fait d’une fausse étymologie, en latin (comme du reste en français : ce qui facilite grandement la traduction) la violette (viola) fait écho à tous les termes apparentés à la violence. La poésie néolatine de la Renaissance s’est emparée de cette équivoque pour décliner, de diverses manières, la relation du poète à la femme aimée par le truchement de la petite fleur. On trouvera ci-dessous un (court) florilège de quelques-unes de ces productions, tantôt élégiaques, tantôt épigrammatiques, classées selon la chronologie.


Angelo Poliziano (1454 – 1494)

Le poète s’épanche, en transfert affectif, sur un bouquet de violettes offert par son amie habituellement cruelle à son égard.

*

[…] Vous qui êtes ma vie, heureuses violettes,
Mes délices, refuge et souffle de mon âme,
J’aurai, de vous au moins, des baisers, violettes,
Vous flattant de la paume, encore ! – insatiable –,
Pour vous j’épuiserai l’eau vive de ces pleurs
Coulant sur ma poitrine et mon triste visage.
Buvez, buvez ces pleurs dont se paît mon feu lent :
C’est un cruel amour qui les trait de mes yeux.
Éternelles vivez, violettes : soleils
D’été ni froid mordant d’hiver ne vous consument !
Éternelles vivez, secours d’un pauvre amour,
Violettes, repos bienvenu de mon âme !
Toujours m’accompagnant, je vous choierai toujours
Tant que m’affligera, pauvret ! celle que j’aime,
Que les feux du désir consumeront mon cœur,
– Tant que plaintes et pleurs seront à mes côtés.

[…] O fortunatae violae, mea vita, meumque
Delitium, o animi portus et aura mei,
A vobis saltem, violae, grata oscula carpam,
Vos avida tangam terque quaterque manu,
Vos lacrimis satiabo meis quae moesta per ora
Perque sinum vivi fluminis instar eunt.
Combibite has lacrimas, quae lentae pabula flammae
Saevus amor nostris exprimit ex oculis.
Vivite perpetuum, violae, nec solibus aestus
Nec vos mordaci frigore carpat hiems.
Vivite perpetuum, miseri solamen amoris,
O violae, o nostri grata quies animi.
Vos eritis mecum semper, vos semper amabo,
Torquebor pulchra dum miser a domina,
Dumque cupidineae carpent mea pectora flammae,
Dum mecum stabunt et lacrimae et gemitus.

(Odae, VI, vers 29-46, in Omnia opera [1498])


Giovanni Antonio Taglietti (vers 1460 – vers 1528)

Dans le premier texte, le poète, comme ci-dessus Poliziano, s’épanche, en transfert affectif, sur un bouquet de violettes offert par son amie Violaine et signe de la « violence » de cette dernière. Le propos est différent dans le second poème : le bouquet offert par l’amante est ce qui demeure d’elle après sa mort et se mue en une sorte d’objet transitionnel incarnant la disparue.

_ 1 _

Violettes, beau don de l’alme Violaine,
Heureux tribut de mes offices, violettes !
Nourries par Flore errant dans les jardins de Chypre ?
Et par Vénus la belle à coups d’ongles cueillies ?
Mieux que récoltes d’Arabie vous embaumez,
Mais la main qui vous offre est par trop violente
– Oui, violente : elle me sait mourant d’amour,
Et ses présents sont à l’image de mes peines.
Car, si d’un filet d’or elle vous a liées,
Elle a noué mon cœur de ses cheveux dociles ;
Comme vous, malheureux, je suis pâle ; on vous dit
« Violettes » : ses yeux, tyrans !, me violentent.

_ 2 _

Ô vous, fleurs que j’adore, offertes au temps faste,
Tenues de blanche main, par une chaste enfant !
De vous j’ai pris grand soin : mais sans vous embrasser,
Mais sans vous arroser d’une eau venue du ciel,
Quand le destin cruel, en sa dure inclémence,
L’eut menée avant l’heure aux champs élyséens.
Que faire ? Abandonné, sans cœur, hélas, dans l’ombre,
C’est à vous, à vous seuls, chers témoins, que je parle.
Je vous porte à présent, fleurs nées sous une heureuse
Étoile ‒ extravaguez ! ‒ d’exquises subsistances :
Pleurs de mes yeux, soupirs de mon cœur ‒ chaque jour
Je vous prodigue l’air et l’arrosage, hélas !
Vous seul soulagement d’un amant malheureux,
Ah, vivez à jamais en place de la morte !

Formosum o violae, munus Violanthidis almae;
Servitii violae praemia grata mei.
Num vos Idaliis aluit vaga Chloris in hortis,
Unguibus et carpsit Cypria pulchra suis?
Panchaeas grato messes superatis odore:
Sed mihi vos nimium dat violenta manus.
Dat violenta manus, miseri quae conscia amantis,
Munera fert poenis aequiparanda meis.
Namque ut vos molli vinctas circumdedit auro.
Me quoque flexilibus nexuit illa comis.
Estis pallentes, infelix palleo: nomen
Est violae, dominae luminibus violor.

O mihi dilecti flores, quos tempore fausto
Tradiderat nivea casta puella manu,
Vos equidem colui : sed nec grata oscula junxi
Nec me rorantes dante bibistis aquas.
At postquam hanc saevi dira inclementia fati
Ante diem sedes misit ad Elysias.
Heu quid agam ? sine corde miser, sine luce relictus
Vobiscum saltem pignora grata loquar.
Et nunc o flores stellis felicibus orti,
(Este vagi) vobis grata alimenta fero.
Fundo oculis lacrymas, suspiria pectore, numquam
Aura, vel effusis deficit miser aquis.
Vos modo vos saltem miseri solamen amantis,
Aeternum extincta vivite pro domina.

(in Carmina illustrium poetarum italorum, tome IX [1722], pp. 235-6)


Nicolas Bourbon (1503 – 1550)

Que veux-tu donc, par cet envoi de violettes ?
Que je brûle pour toi d’un feu plus violent ?
Faut-il, hélas, hélas ! que tu sois violente
Pour me violenter avec tes violettes !

Cur violas mittis? Nempe ut violentius urar.
Heu, violor violis, ô violenta, tuis.

(in Nugae [1533])


Étienne Forcadel (1519 – 1578)

Ici, le jeu de l’épigramme repose sur la paronomase, en latin, entre suaviola / violas (baisers doux / violettes) qu’il s’agit bien sûr de rendre en français. Le texte original signifie : « Tu m’as donné, de tes lèvres, des baisers, de tes mains, des violettes. Le parfum des baisers est le même que celui des baisers ».

*

Tes présents : m’embrasser et des brassées de fleurs,
Embrassements, brassées, ont les mêmes senteurs.

Suaviola et violas labris manibusque dedisti
Suaviolis odor est qualis et est violis.

(In Stephani Forcatuli jureconsulti epigrammata [1554, p. 10])


Nathan Chytraeus (Nathan Kochnafe) (1543 – 1598)

Chez Nathan Chytraeus, la jeune fille s’appelle Violette : nomen omen ?

*

Je croyais ton beau nom tiré de « violette »
Violette, le jour où mes yeux t’ont perçue.
Mais devant ton esprit, la beauté de ton dire,
L’ardeur de ton regard, tes mains vénusiennes :
« Violette » ? ai-je dit, « Non, le feu violent
Qui m’ard ne peut venir de fleurs, de violettes.
Trop vive est ta vigueur, sans rapport à la mienne :
Violence tu es, point Violette : adieu ! »

Nobile de violis te nomen habere putabam,
Cognita quando oculis es, Violetta, meis.
Sed postquam ingenium sensi fandique leporem,
Ardentes oculos, Cyprigenasque manus
Cedite jam violae dixi: violentius uror,
Quam violae aut florum germina ferre queant.
Vis tibi major inest et nostris viribus impar
Sic violenta mihi, non Violetta, vale.

(in Poematum Nathanis Chytraei praeter sacra omnium libri septendecim [1579])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Angelo Poliziano (1454-1494) : Le poète en automne

Voyageur contemplant une mer de nuages (Caspar David Friedrich, 1818)


Enregistrement du poème en latin (strophe asclépiade A) :

Gros de fruits abondants, déjà le bon automne
Prépare le retrait précipité des brises
‒ Voici venir les froids ‒, et retire du cœur
_____Des arbres les feuilles qui tombent.

Délivrés des travaux, c’est l’heure que te chantent,
Bacchus, les paysans, que leur intempérance
Au murmure plaintif de la flûte où l’on souffle,
_____Entraîne aux plaisirs de la danse.

Le retour de ce temps de l’année nous remet
Sous le joug, qu’il est doux de porter, de la Muse ;
Au cours des longues nuits, les astres nous engagent
_____À nous saisir du jour ailé.

Troupe docile, allons ! marchons à pas rapides
Par les hauts du Parnasse au double mamelon,
Où, libre de vieillesse et de tombeau, nous hèle
_____La gloire à partager des dieux.

Que je vous accompagne ou vous y guide – jeunes,
À votre gré ! – je viens ! Fatigue ni mollesse

Du pied ne mèneront qui cherche à pénétrer
_____Aux tréfonds de l’âpre vertu.


Jam cornu gravidus praecipitem parat
afflatus subitis frigoribus fugam
Autumnus pater, et deciduas sinu
____frondes excipit arborum.

Cantant emeritis, Bacche, laboribus
te nunc agricolae, sed male sobrios
ventosae querulo murmure tibiae
____saltatu subigunt frui.

Nos anni rediens orbita sub jugum
Musarum revocat, dulce ferentibus ;
porrectisque monent sidera noctibus
____carpamus volucrem diem.

I mecum, docilis turba, biverticis
Parnassi rapidis per juga passibus,
expers quo senii nos vocat et rogi
____consors gloria caelitum.

Nam me seu comitem seu, juvenes, ducem
malitis, venio : nec labor auferet
quaerentem tetricae difficili gradu
____virtutis penetralia.

(in Odae)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Angelo Poliziano (1454-1494) : Lamento de la mort de Laurent de Médicis

Le Vieil Homme triste (Van Gogh, 1890)


La métrique de cette ode, composée à l’occasion de la mort de Laurent de Médicis (1449-1492), semble ne correspondre à aucune de celles répertoriées chez les poètes antiques : elle me paraît fondée moins, comme de coutume, sur l’alternance des syllabes longues et brèves que sur leur nombre (strophe de 3 octosyllabes suivis de 2 pentasyllabes) et des effets de sonorités. J’en ai tenu compte dans ma traduction, j’essaie de le rendre sensible dans mon enregistrement :
Le lamento a été mis en voix et orchestré par Heinrich Isaac (1450-1517) sous forme de motet

Qui changera ma tête en eau,
Qui me transformera les yeux
En une source de sanglots
__Que de nuit je pleure
__Que de jour je pleure ?*

Ainsi la tourterelle veuve,
Ainsi le cygne qui se meurt,
Ainsi se plaint le rossignol,
__Las, malheur, malheur,
__Ô douleur, douleur !

Le laurier** frappé par la foudre,
Ce laurier, oui, sitôt se couche,
Ce laurier fréquenté de toutes
__Les Muses qui dansent,
__Les Nymphes qui dansent.

Sous l’étendue de sa ramure
La lyre tendre de Phébus
Et la voix douce retentissent ;
__Et là : tout se tait,
__Et là : tout est sourd.

Qui changera ma tête en eau…

* Paraphrase de Jérémie, 9, dans le texte de la Vulgate
** Jeu de mots sur Laurus (laurier) et Laurentius (Laurent) ; selon certaines croyances, la foudre ne frappait jamais le laurier : la mort de Médicis relève en quelque sorte de l’exception.

Quis dabit capiti meo
aquam, quis oculis meis
fontem lacrimarum dabit,
__ut nocte fleam ?
__Ut luce fleam ?

Sic turtur viduus solet,
sic cycnus moriens solet,
sic luscinia conqueri.
__Heu miser, miser !
__O dolor, dolor !

Laurus impetu fulminis
illa illa jacet subito,
Laurus omnium celebris
__Musarum choris,
__Nympharum choris.

Sub cujus patula coma
et Phoebi lyra blandius
et vox dulcius insonat ;
__nunc muta omnia,
__nunc surda omnia.

Quis dabit capiti meo…

(in Epigrammata)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Angelo Poliziano (1454-1494) : La cougar

Les Vieilles (Goya, 1808)


Les 8 premiers vers du texte latin (le mètre est le sénaire iambique) :


Iambes, vite, vite, arrachez-moi ‒ mordez ! ‒,
Cette vieillarde en proie aux furies du désir !
Empriapée, la chienne ! en chaleur, et cracra,
Catarrheuse et flétrie, et puante et rancie,
Cadavérique, au front rugueux, chenue du crâne,
Dégarnie du cheveu, décillée des paupières
Et glabre du sourcil, croulante de la lippe,
Rubiconde de l’œil, larmoyante des joues,
Édentée (mis à part deux chicots lui restant,
Noirs, crasseux), à l’oreille exsangue de tout sang
Et flasque, à la narine exsudant la pituite,
Au rire à postillons, à l’haleine putride,
Aux mammes distendues, avachies de vieillesse,
Arentelées, choyant, sans rien à l’intérieur,
Ulcéreuse du con, vermoulue de l’anus,
À la fesse chétive, aride et squelettique,
Et sèche de la jambe, et sèche des deux bras,
Aux genoux bien saillants, pareil pour les chevilles,
Aux talons gravement alourdis d’engelures :
Rien de plus méprisable et de plus dégoûtant,
Et de plus monstrueux, de plus pestilentiel !
Boulangers, bistrotiers, larbins et débardeurs,
Camelots et bouchers, maîtres des hautes œuvres,
Maquignons, marmitons, tous, ils l’ont culbutée,
Jadis, comme une grue, une pure cocotte.
Personne ne veut plus la voir ni lui parler,
Dégoût de tout le monde, objet de moquerie
Que la vieille éperdue de récentes chaleurs !
Mais qui ose, impudique ‒ oui, qui ose, impudique,
La cochonne effrontée, la plus morte que vieille,
Chaque fois qu’en chaleur (ses chaleurs, c’est toujours) ‒
Vouloir que je la touche et pour elle aie la gaule,
Comme un verrat, un âne, ou même comme un chien.
Du balai, du balai, la vieille, va au diable,
Du balai, l’assassine obscène ! que tu sois
Vraie vieille, épouvantail ou spectre de charnier !
À tout prendre, morbleu ! j’aimerais mieux baiser
Une truie, une ânesse, une chienne ! ‒ que toi.


Huc huc, iambi ! arripite mi jam mordicus
anum hanc furenti percitam libidine,
tentiginosam, catulientem, spurcidam,
gravedinosam, vietam, olentem, rancidam,
cadaverosam, fronte rugosa, coma
cana atque rara, depilatis palpebris,
glabro supercilio, labellis defluentibus,
oculis rubentibus, genis lachrymantibus,
edentulamque (ni duo nigri et sordidi
dentes supersint), auriculis exanguibus
flaccisque, mucco naribus stillantibus,
rictu saliva undante, tetro anhelitu,
mammis senecta putridis praegrandibus
araneosis deciduis inanibus,
cunno ulceroso, verminante podice,
natibusque macris aridis et osseis,
utroque sicco crure utroque brachio,
talo genuque utroque procul extantibus,
calcaneoque pernionibus gravi ;
ut nil sit aspernabilius, nil tetrius
monstrosiusque aut nauseabundum magis :
quam pistor olim, caupo, calo, bajulus,
et institores, et lanius, et carnifex,
et muliones permolebant et coci,
ceu prostitutam et sellulariam meram ;
nunc nemo jam vult visere nemo colloqui,
fastidit unusquisque et habet ludibrio
anum subante perditam prurigine :
sed audet impudens tamen, audet impudens,
procax, proterva, nec jam anus sed mortua,
utcumque prurit (prurit autem jugiter),
se postulare ut comprimam, sibi ut arrigam,
quasi ipse verres quasi asinus sim vel canis.
Abi hinc, abi, anus, in maximam malam crucem,
abi scelesta, obscaena ; sive vera anus
seu terriculum es seu larva bustuaria.
Nam si optio mi detur, aedepol magis
scrofam futuam quam te vel asinam vel canem.

(in Epigrammata)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Angelo Poliziano (1454-1494) : à Laurent de Médicis

Lorenzo_de'_Medici-ritratto


Enregistrement du poème en latin (distiques élégiaques)

Le poète en exil se rappelle aux bons soins de Laurent de Médicis.

Si je pouvais ôter le lacs qui me collette,
Et libérer mes pieds des chaînes qui les lient !
Mon chant surpasserait celui de ces oiseaux
Que nourrit le Caytros aux plaines qu’il traverse.
Mais tel un jars parmi les cygnes de Phébus,
Je lance, à gorge rauque, une fruste clameur ;
Mais serais, Médicis, vite libre et chantant,
Dès lors que tu dirais : « Politien, viens-t’en ! »


O ego si possem laqueo subducere collum,
__et pedicis vinctos explicuisse pedes !
Haud equidem dubitem volucres superare canendo
__quas aluit campis unda Caystra suis.
At nunc, Phoebeos inter velut anser olores,
__agrestem rauco gutture fundo sonum.
Sed facile expediar, Medices, fiamque canorus,
__si modo tu dicas : Politiane, veni.

(in Epigrammata)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Angelo Poliziano (1454 – 1494) : Trois épigrammes

À son amie

Tu séduis, tu bannis ; tu suis, fuis, tendre et dure,
Me veux, ne me veux pas ; me tortures et m’aimes.
Promets – « n’as rien promis », espoir repris, donné.

Je préfère subir, Tantale, ton supplice :
Terrible est d’endurer la soif auprès d’eaux vives,
Mais plus de l’endurer plongé dans le nectar.

*

Sur une horloge, dans une église

Ainsi le temps furtif flue, trompant maintes gens,
Ainsi vient à sa fin tout ce qui est au monde.
Malheur ! – Le temps passé ne s’en retourne pas,
Malheur ! – La mort approche à pas silencieux.

*

Les rêves

Oh, que de joies me donnez-vous, songes spécieux !
– J’envie, Endymion, la roche où tu t’endors.
Si le sommeil n’est qu’effigie de froide mort,
La mort sur toutes joies l’emporte : vie, adieu !

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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

In amicam

Allicis, expellis ; sequeris, fugis ; es pia, et es trux :
Me vis, me non vis ; me crucias, et amas.
Promittis, promissa negas, spem mi eripis, et das :
Jamjam ego vel sortem, Tantale, malo tuam.
Durum ferre sitim circum salientibus undis ;
Durius in medio nectare ferre sitim

*

In horologium in aedes Mariae Novellae

Sic fluit occulte, sic multos decipit aetas,
Sic venit ad finem quidquid in orbe manet.
Heu, heu, praeteritum non est revocabile tempus !
Heu propius tacito mors venit ipsa pede !

*

In somnos

O mihi quanta datis fallaces gaudia somni !
Invideo, Endymion, Latmia saxa tibi.
Jam si nil sopor est gelidae nisi mortis imago,
Omnia mors superat gaudia : Vita, vale !

(in Carmina illustrium poetarum italorum tome 7  [Florence, 1720])

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