Angelo Poliziano (1454-1494) : Le poète en automne

Voyageur contemplant une mer de nuages (Caspar David Friedrich, 1818)


Enregistrement du poème en latin (strophe asclépiade A) :

Gros de fruits abondants, déjà le bon automne
Prépare le retrait précipité des brises
‒ Voici venir les froids ‒, et retire du cœur
_____Des arbres les feuilles qui tombent.

Délivrés des travaux, c’est l’heure que te chantent,
Bacchus, les paysans, que leur intempérance
Au murmure plaintif de la flûte où l’on souffle,
_____Entraîne aux plaisirs de la danse.

Le retour de ce temps de l’année nous remet
Sous le joug, qu’il est doux de porter, de la Muse ;
Au cours des longues nuits, les astres nous engagent
_____À nous saisir du jour ailé.

Troupe docile, allons ! marchons à pas rapides
Par les hauts du Parnasse au double mamelon,
Où, libre de vieillesse et de tombeau, nous hèle
_____La gloire à partager des dieux.

Que je vous accompagne ou vous y guide – jeunes,
À votre gré ! – je viens ! Fatigue ni mollesse

Du pied ne mèneront qui cherche à pénétrer
_____Aux tréfonds de l’âpre vertu.


Jam cornu gravidus praecipitem parat
afflatus subitis frigoribus fugam
Autumnus pater, et deciduas sinu
____frondes excipit arborum.

Cantant emeritis, Bacche, laboribus
te nunc agricolae, sed male sobrios
ventosae querulo murmure tibiae
____saltatu subigunt frui.

Nos anni rediens orbita sub jugum
Musarum revocat, dulce ferentibus ;
porrectisque monent sidera noctibus
____carpamus volucrem diem.

I mecum, docilis turba, biverticis
Parnassi rapidis per juga passibus,
expers quo senii nos vocat et rogi
____consors gloria caelitum.

Nam me seu comitem seu, juvenes, ducem
malitis, venio : nec labor auferet
quaerentem tetricae difficili gradu
____virtutis penetralia.

(in Odae)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Hermann Hesse (1877-1962) : Feuille morte / Welkes Blatt

Feuilles mortes (Friedrich Olivier, 1817)

Feuilles mortes (Friedrich Olivier, 1817)


Toute fleur veut se faire fruit,
Et tout matin devenir soir,
Sur terre, tout est provisoire,
Tout se transforme, et tout s’enfuit.

De même veut le bel été
Scruter automne et marcescence.
Feuille, fais halte et patience,
Quand le vent veut loin t’emporter.

Joue à ton jeu, sans bastion,
Laisse advenir tranquillement,
Laisse te décrocher le vent
Et te conduire à la maison.


Jede Blüte will zur Frucht,
Jeder Morgen Abend werden,
Ewiges ist nicht auf Erden
Als der Wandel, als die Flucht.

Auch der schönste Sommer will
Einmal Herbst und Welke spüren.
Halte, Blatt, geduldig still,
Wenn der Wind dich will entführen.

Spiel dein Spiel und wehr dich nicht,
Laß es still geschehen.
Laß vom Winde, der dich bricht,
Dich nach Hause wehen.

(in Stufen, 1941)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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