Hermann Hesse (1877-1962) : Feuille morte / Welkes Blatt

Feuilles mortes (Friedrich Olivier, 1817)

Feuilles mortes (Friedrich Olivier, 1817)


Toute fleur veut se faire fruit,
Et tout matin devenir soir,
Sur terre, tout est provisoire,
Tout se transforme, et tout s’enfuit.

De même veut le bel été
Scruter automne et marcescence.
Feuille, fais halte et patience,
Quand le vent veut loin t’emporter.

Joue à ton jeu, sans bastion,
Laisse advenir tranquillement,
Laisse te décrocher le vent
Et te conduire à la maison.


Jede Blüte will zur Frucht,
Jeder Morgen Abend werden,
Ewiges ist nicht auf Erden
Als der Wandel, als die Flucht.

Auch der schönste Sommer will
Einmal Herbst und Welke spüren.
Halte, Blatt, geduldig still,
Wenn der Wind dich will entführen.

Spiel dein Spiel und wehr dich nicht,
Laß es still geschehen.
Laß vom Winde, der dich bricht,
Dich nach Hause wehen.

(in Stufen, 1941)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Hermann Hesse (1877 – 1962) : Jours de pluie / Regentage

Le coup d’œil craintif à tous azimuts
Se heurte à des murs gris,
Et « soleil » n’est encore qu’un mot vide.
Détrempés et nus, les arbres ont froid,
Les femmes vont, paquetées de manteaux,
Et la pluie sans fin crépite et crépite.

Lorsque j’étais encore enfant, jadis,
Le ciel sans relâche était clair et bleu
Et tout nuage frangé d’or.
Maintenant que j’avance en âge,
Toute brillance est accomplie,
La pluie crépite, le monde a changé.


Der scheue Blick an allen Enden
Stößt sich an grauen Wänden,
Und « Sonne » ist nur noch ein leeres Wort.
Die Bäume stehn und frieren naß und nackt,
Die Frauen gehn in Mäntel eingepackt,
Und Regen rauscht unendlich fort und fort.

Einst als ich noch ein Knabe war,
Da stand der Himmel immer blau und klar
Und alle Wolken waren goldgerändert;
Nun seit ich älter bin,
Ist aller Glanz dahin,
Der Regen rauscht, die Welt hat sich verändert.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Hermann Hesse (1877-1962) : Amour / Liebe

Ma bouche de nouveau veut, allègre, trouver
Tes lèvres – tes baisers me comblent de bonheur –,
Je veux prendre en ma main tes doigts qui me sont chers
Et en amusement dans mes doigts les plier,
Emplir de ton regard mon regard assoiffé,
Couler profondément ma tête en tes cheveux,
User de membres vifs et toujours en éveil
Pour répondre fidèle au branle de tes membres,
Et consumé de feux toujours nouveaux d’amour
Je veux régénérer mille fois ta beauté,
Jusqu’à ce qu’apaisés, reconnaissants, tous deux
Nous vivions bienheureux dominant la douleur,
Et saluions, contents, comme des sœurs aimées,
Et le jour et la nuit, l’aujourd’hui et l’hier,
– Que nous évoluions au-delà de tout acte
Comme transfigurés et pleinement en paix.


Wieder will mein froher Mund begegnen
Deinen Lippen, die mich küssend segnen,
Deine lieben Finger will ich halten
Und in meine Finger spielend falten,
Meinen Blick an deinem dürstend füllen,
Tief mein Haupt in deine Haare hüllen,
Will mit immerwachen jungen Gliedern
Deiner Glieder Regung treu erwidern
Und aus immer neuen Liebesfeuern
Deine Schönheit tausendmal erneuern,
Bis wir ganz gestillt und dankbar beide
Selig wohnen über allem Leide
Bis wir Tag und Nacht und Heut und Gestern
Wunschlos grüßen als geliebte Schwestern,
Bis wir über allem Tun und Handeln
Als Verklärte ganz im Frieden wandeln.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes de Hermann Hesse sur ce blog :

Hermann Hesse (1877 – 1962) : À la mélancolie / An die Melancholie

Dans le vin, fréquentant des amis, je t’ai fuie
– Je concevais pour tes yeux sombres de l’horreur –,
Dans les bras de l’amour et les accents du luth
Moi ton fils infidèle, je t’ai oubliée.

Tu allais cependant me suivant en silence
Tu étais dans le vin qu’éperdu je buvais,
Étais dans la torpeur de mes nuits amoureuses,
Étais dans les insultes que je te disais.

Tu calmes désormais mes membres épuisés,
Et tu as pris ma tête contre ta poitrine,
Puisque de mes périples je suis revenu :
Toutes mes fausses routes vers toi conduisaient.


Zum Wein, zu Freunden bin ich dir entflohn,
Da mir vor deinem dunklen Auge graute,
In Liebesarmen und beim Klang der Laute
Vergaß ich dich, dein ungetreuer Sohn.

Du aber gingest mir verschwiegen nach
Und warst im Wein, den ich verzweifelt zechte,
Warst in der Schwüle meiner Liebesnächte
Und warest noch im Hohn, den ich dir sprach.

Nun kühlst du die erschöpften Glieder mir
Und hast mein Haupt in deinen Schoß genommen,
Da ich von meinen Fahrten heimgekommen:
Denn all mein Irren war ein Weg zu dir.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes de Hermann Hesse sur ce blog :

Hermann Hesse (1877 – 1962) : L’Amant / Der Liebende

Ton ami maintenant veille en la nuit clémente,
Encore chaud de toi, encore empli de ton odeur,
De tes regards, de tes cheveux, de tes baisers
– Ô minuit, lune, étoile, et nébulosités bleues !
En toi, ma bien aimée, mon rêve monte
De profondeurs comme de mers, de monts, d’abîmes,
Gicle en déferlements, se disperse en écume,
Et n’est soleil, racine, bête,
Qu’afin de se tenir à tes côtés,
Tout près de toi, à tes côtés.
Saturne et lune tournent loin de mes regards,
Dans la seule fleur pâle je vois ton visage,
Et je ris calme, et je pleure ivre,
Bonheur, malheur, ont disparu
– Que toi, que toi et moi, plongés,
Dans le Tout profond, dans la mer profonde,
Où nous sommes perdus,
Où nous mourons et où nous renaissons.


Nun liegt dein Freund wach in der milden Nacht,
Noch warm von dir, noch voll von deinem Duft,
Von deinem Blick und Haar und Kuss – o Mitternacht,
O Mond und Stern und blaue Nebelluft!
In dich, Geliebte, steigt mein Traum
Tief wie in Meer, Gebirg und Kluft hinein,
Verspritzt in Brandung und verweht zu Schaum,
Ist Sonne, Wurzel, Tier,
Nur um bei dir,
Um nah bei dir zu sein.
Saturn kreist fern und Mond, ich seh sie nicht,
Seh nur in Blumenblässe dein Gesicht,
Und lache still und weine trunken,
Nicht Glück, nicht Leid ist mehr,
Nur du, nur ich und du, versunken
Ins tiefe All, ins tiefe Meer,
Darein sind wir verloren,
Drin sterben wir und werden neugeboren.

(Juillet 1921)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

D'autres poèmes de Hermann Hesse sur ce blog :

Hermann Hesse (1877 – 1962) : Nuit blanche / Wache Nacht

Glauque, la nuit de föhn scrute aux carreaux,
La lune dans le bois veut se coucher.
Quoi donc me force, angoissé, tourmenté,
À m’éveiller et regarder dehors ?

Je me suis endormi et j’ai rêvé ;
Qu’est-ce qui donc au milieu de la nuit
M’a appelé, m’angoissant comme si
J’avais manqué ce qui m’eût importé ?

Mieux me vaudrait, courant, fuir la maison,
Le jardin, le village et la contrée,
Quêter l’appel et le mot enchanté,
Aller plus loin – jusqu’à quitter le monde.


Bleich blickt die föhnige Nacht herein,
Der Mond im Wald will untergehn.
Was zwingt mich doch mit banger Pein
Zu wachen und hinauszusehn ?

Ich hab geschlafen und geträumt;
Was hat mir mitten in der Nacht
Gerufen und so bang gemacht,
Als hätt ich Wichtiges versäumt ?

Am liebsten liefe ich vom Haus,
Vom Garten, Dorf und Lande fort
Dem Rufe nach, dem Zauberwort,
Und weiter und zur Welt hinaus.

(1944)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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