À son amie
Tu séduis, tu bannis ; tu suis, fuis, tendre et dure,
Me veux, ne me veux pas ; me tortures et m’aimes.
Promets – « n’as rien promis », espoir repris, donné.
Je préfère subir, Tantale, ton supplice :
Terrible est d’endurer la soif auprès d’eaux vives,
Mais plus de l’endurer plongé dans le nectar.
*
Sur une horloge, dans une église
Ainsi le temps furtif flue, trompant maintes gens,
Ainsi vient à sa fin tout ce qui est au monde.
Malheur ! – Le temps passé ne s’en retourne pas,
Malheur ! – La mort approche à pas silencieux.
*
Les rêves
Oh, que de joies me donnez-vous, songes spécieux !
– J’envie, Endymion, la roche où tu t’endors.
Si le sommeil n’est qu’effigie de froide mort,
La mort sur toutes joies l’emporte : vie, adieu !
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Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
In amicam
Allicis, expellis ; sequeris, fugis ; es pia, et es trux :
Me vis, me non vis ; me crucias, et amas.
Promittis, promissa negas, spem mi eripis, et das :
Jamjam ego vel sortem, Tantale, malo tuam.
Durum ferre sitim circum salientibus undis ;
Durius in medio nectare ferre sitim*
In horologium in aedes Mariae Novellae
Sic fluit occulte, sic multos decipit aetas,
Sic venit ad finem quidquid in orbe manet.
Heu, heu, praeteritum non est revocabile tempus !
Heu propius tacito mors venit ipsa pede !*
In somnos
O mihi quanta datis fallaces gaudia somni !
Invideo, Endymion, Latmia saxa tibi.
Jam si nil sopor est gelidae nisi mortis imago,
Omnia mors superat gaudia : Vita, vale !
(in Carmina illustrium poetarum italorum tome 7 [Florence, 1720])
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