Georg Heym (1887-1912) : La messe / Die Messe

Qui est Georg Heym ?

Doucement éclairé de trois cierges
Le corps est endormi. Et de grands moines vont
Tournant à son entour et posent quelquefois
Leurs doigts sur son visage.

Heureux les morts, qui s’en retournent au repos
Et qui étendent leurs mains blanches
Vers les anges, qui vont, ombreux et grandioses,
Par la haute maison dans des claquements d’ailes.

Seuls s’entendent parfois des pleurs à travers murs,
Dans le contentement roule un profond sanglot.
On croise doucement ses mains aux maigres doigts
En un signe de paix sur le buste velu.


Bei dreier Kerzen mildem Lichte
Die Leiche schläft. Und hohe Mönche gehen
Um sie herum, und legen ihre Finger
Manchmal über ihr Angesicht.

Froh sind die Toten, die zur Ruhe kehren
Und strecken ihre weißen Hände aus,
Den Engeln zu, die groß und schattig gehen
Mit Flügelschlagen durch das hohe Haus.

Nur manchmal schallt ein Weinen durch die Wände,
Ein tiefes Schluchzen wälzt sich in der Lust.
Man kreuzet ihre hageren Finger-Hände
Zum Frieden sanft auf die verhaarte Brust.

(in Umbra vitae [1912])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Georg Heym (1887-1912) : Gaieté / Fröhlichkeit

Qui est Georg Heym ?

Vacarme et sifflements sur les grands carrousels
Qu’on dirait d’éclatants soleils d’après-midi.
Et des gens par milliers regardent, ébaudis,
Des chameaux, des chevaux tourner à un train tel,

Avec des éléphants et des cygnes figés.
Levant déjà la patte, un esprit folichon
Grogne en son ventre noir comme fait un cochon,
Et tous les animaux se mettent à danser.

Tout à côté pourtant, dans la lumière pure,
S’activent les maçons, comme des poux petits,
Assemblés pleins d’ardeur autour de leurs bâtis,
Et avec leur truelle ils marquent la mesure.


Es rauscht und saust von großen Karussellen
Wie Sonnen flammend in den Nachmittagen.
Und tausend Leute sehen mit Behagen,
Wie sich Kamele drehn und Rosse schnelle,

Die starren Schwäne und die Elefanzen,
Und einer hebt vor Freude schon das Bein
Und grunzt im schwarzen Bauche wie ein Schwein,
Und alle Tiere fangen an zu tanzen.

Doch nebenan, im Himmelslicht, dem hellen,
Gehen die Maurer rund, wie Läuse klein,
Hoch ums Gerüst, ein feuriger Verein,
Und schlagen Takt mit ihren Mauerkellen.

(in Umbra vitae [1912])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Georg Heym (1887-1912) : La ville / Die Stadt

Qui est Georg Heym ?

Très vaste est cette nuit. Et l’éclat des nuées
Se dilacère avant le coucher de la lune.
Flanquant la nuit, mille fenêtres sont dressées,
Dont clignent, rouges et petites, les paupières.

Comme un réseau veineux les rues vont par la ville,
Y sont plongés, sortant, entrant, nombre de gens.
Et toujours le son mou d’une molle existence
Sort monotonement dans le silence mat.

Mettre au monde, mourir, routine tricotée,
Bredouillis de douleur et longs cris d’agonie,
Alternent à l’aveugle et passent sourdement.

Et éclat, feu, sont là, rouge torche, incendie,
Qui menacent au loin de leur main dégaînée
Et brillent au-dessus d’un mur de nuées noires.


Sehr weit ist diese Nacht. Und Wolkenschein
Zerreißet vor des Mondes Untergang.
Und tausend Fenster stehn die Nacht entlang
Und blinzeln mit den Lidern, rot und klein.

Wie Aderwerk gehn Straßen durch die Stadt,
Unzählig Menschen schwemmen aus und ein.
Und ewig stumpfer Ton von stumpfem Sein
Eintönig kommt heraus in Stille matt.

Gebären, Tod, gewirktes Einerlei,
Lallen der Wehen, langer Sterbeschrei,
Im blinden Wechsel geht es dumpf vorbei.

Und Schein und Feuer, Fackeln rot und Brand,
Die drohn im Weiten mit gezückter Hand
Und scheinen hoch von dunkler Wolkenwand.

(in Umbra vitae [1912])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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