Mark Strand (1934-2014) : La fin / The end

Qui est Mark Strand ?


Il n’est guère d’homme qui sache ce qu’il chantera, venue la fin,
Regardant, le navire s’éloignant, la jetée ni comment cela sera
Quand il sera tenu par la mer rugissante, immobile, là-bas, venue la fin,
Ni ce qu’il espèrera face à la certitude du retour impossible.

Quand est passé le temps de la taille des rosiers ou des caresses au chat,
Quand le couchant incendiant la pelouse, la pleine lune qui la givre,
Ont cessé de paraître, il n’est guère d’homme qui sache ce qu’à leur place il va trouver.
Quand le poids du passé ne prend appui sur rien, que le ciel

N’est plus qu’une lumière que l’on se remémore, que les histoires de cirrus
Et cumulus touchent à leur terme et que tous les oiseaux sont suspendus en vol,
Il n’est guère d’homme qui sache ce qui l’attend ni ce qu’il chantera
Quand le navire où il sera glissera parmi l’obscurité, là-bas, venue la fin.


Not every man knows what he shall sing at the end,
Watching the pier as the ship sails away, or what it will seem like
When he’s held by the sea’s roar, motionless, there at the end,
Or what he shall hope for once it is clear that he’ll never go back.

When the time has passed to prune the rose or caress the cat,
When the sunset torching the lawn and the full moon icing it down
No longer appear, not every man knows what he’ll discover instead.
When the weight of the past leans against nothing, and the sky

Is no more than remembered light, and the stories of cirrus
And cumulus come to a close, and all the birds are suspended in flight,
Not every man knows what is waiting for him, or what he shall sing
When the ship he is on slips into darkness, there at the end.

(in The Continuous Life: Poems [Alfred A. Knopf, 1990])

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Henriette Hardenberg (1894-1993) : Jeune fille morte / Totes Mädchen

Qui est Henriette Hardenberg ?

Le mince est tout ce que je peux sentir,
Et minces sont tes mots qui heurtent mes contours.
Qu’était beau mon visage,
Désormais je m’élève au travers d’air limpide
Dans un rêve sans fin.

Allonge-moi, oui, sur mon lit,
L’herbe fraîche me porte légère,
Et les fleurs sont chaudes.
Chambre de jeune fille avec tant de parfums
Où encore le pas de mon ami appelle
Dont j’ai pris congé.


Ich kann nur dünn fühlen,
Und dünn stoßen deine Worte an meinen Rand.
Wie schön war mein Gesicht,
Nun steige ich durch helle Luft
In endlosen Traum.

Ja, lege du mich auf mein Bett,
Das frische Gras trägt mich leicht,
Und die Blumen sind warm.
Mädchenzimmer mit dem vielen Duft,
In dem noch Schritt meines Freundes ruft,
Von dem ich Abschied nahm.

(in Neigungen, 1988)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Georg Heym (1887-1912) : La messe / Die Messe

Qui est Georg Heym ?

Doucement éclairé de trois cierges
Le corps est endormi. Et de grands moines vont
Tournant à son entour et posent quelquefois
Leurs doigts sur son visage.

Heureux les morts, qui s’en retournent au repos
Et qui étendent leurs mains blanches
Vers les anges, qui vont, ombreux et grandioses,
Par la haute maison dans des claquements d’ailes.

Seuls s’entendent parfois des pleurs à travers murs,
Dans le contentement roule un profond sanglot.
On croise doucement ses mains aux maigres doigts
En un signe de paix sur le buste velu.


Bei dreier Kerzen mildem Lichte
Die Leiche schläft. Und hohe Mönche gehen
Um sie herum, und legen ihre Finger
Manchmal über ihr Angesicht.

Froh sind die Toten, die zur Ruhe kehren
Und strecken ihre weißen Hände aus,
Den Engeln zu, die groß und schattig gehen
Mit Flügelschlagen durch das hohe Haus.

Nur manchmal schallt ein Weinen durch die Wände,
Ein tiefes Schluchzen wälzt sich in der Lust.
Man kreuzet ihre hageren Finger-Hände
Zum Frieden sanft auf die verhaarte Brust.

(in Umbra vitae [1912])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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