Catulle (84-54 av. J.-C.) : Devant Lesbie (poème 51)

Sappho lisant 3 (Grèce, vers 450 av. J.-C.)

Ce poème, un des plus connus de Catulle, latinise, sur les plans du sens et du rythme, une ode de Sappho (Catulle adapte au latin la strophe sapphique – cet enregistrement tente d’en restituer le rythme :

comme le fera aussi Horace quelques décennies plus tard). Il en existe, en français, un grand nombre de traductions, fondées sur différents principes : j’essaie dans la mienne, sans suivre le schéma rythmique du latin (11 11 11 5), auquel je préfère le plus classique 8 8 8 6, d’instaurer une harmonie fondée, sans rimer pour autant, sur le retour régulier de sonorités.
Signalons que la dernière strophe pose, on le sait depuis longtemps, un problème de continuité avec celles qui précèdent (il se peut qu’elle appartienne à un autre ensemble, aujourd’hui perdu), et qu’entre cette dernière strophe et l’avant dernière, s’en intercalait une autre, que nous n’avons plus, que divers auteurs se sont, avec plus ou moins de talent, ingéniés à reconstituer (cf. Fr. Noël, Traduction complète des poésies de Catulle, tome II, Paris, 1805, p. 257 et sq.)

Il est pour moi l’égal des dieux,
Il est, si j’ose, plus qu’un dieu,

Celui qui peut, t’envisageant,
__Te regarder, t’entendre

Doucement rire ‒ quand, pauvret,
Moi je défaille : car à peine
Lesbie, te vois-je, rien de voix
__Ne me demeure en bouche,

Ma langue est lourde, un feu subtil
En moi s’écoule, mes oreilles
Bourdonnent leur bourdon, mes yeux
__Se couvrent de nuit double.

Le bon temps, gare à lui, Catulle !
Par bon temps, tu bondis, exultes :
Le bon temps perdit rois, jadis,
__Et villes florissantes.


Ille mi par esse deo videtur,
ille, si fas est, superare divos,
qui sedens adversus identidem te
____spectat et audit

dulce ridentem, misero quod omnis
eripit sensus mihi: nam simul te,
Lesbia, aspexi, nihil est super mi
____vocis in ore

lingua sed torpet, tenuis sub artus
flamma demanat, sonitu suopte
tintinant aures gemina teguntur
____lumina nocte.

otium, Catulle, tibi molestum est:
otio exsultas nimiumque gestis:
otium et reges prius et beatas
____perdidit urbes.


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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