Maria Luise Weissmann (1899-1929) : La Ville étrangère / Die fremde Stadt

Nollendorfplatz (Ernst Ludwig Kirchner, 1912)


Le ciel est maçonné de beaucoup de ciment,
Tout proche. Et reluisant, repeint, badigeonné
De ce bleu qui rayonne aux colonnes Morris ;
Sourd et lourd, un désastre est là qui guette, aux angles,

Et les coins ‒ quel frisson de mort tout autour ! ‒ scrutent
Des écueils, ‒ je suis vague, et brusquement m’y brise,
M’y fracasse, et les flots en me roulant m’entraînent.
Ce sont, toute la nuit, des voitures qui sifflent,

J’ai, dans ce bruit, perdu le bonheur éternel.
Ô angéliques voix, mélodieuses harpes,
Flux d’oraisons, parfum de palmes, souffle d’ailes ! ‒

Je me heurte aux verrous infrangibles de portes,
Je fixe de mes yeux mille masques d’effrois,
Je suis tellement lasse et ne dois pas dormir.


Der Himmel ist aus viel Zement gemauert,
Sehr nah. Und grell mit Tünche übermalt
Von jenem Blau, das Litfaßsäule strahlt;
Aus Winkeln, dumpf und schwer, Verhängnis lauert,

Und Ecken starren, oh so todumschauert, –
Klippen, – ich Woge, jählings dran zerschellt,
Bis mich die Flut zerschmettert weiterwellt.
In diesem Autopfiff, der Nächte überdauert,

Ging mir die ewige Seligkeit verloren.
– Oh Engelstimmen, oh Gesang der Harfen,
Gebetshauch, Palmenduft, oh Flügelwehn! –

Ich stoße mich an fest verrammten Toren,
Ich starre rings in tausend Schreckenslarven,
Ich bin so müd, und darf nicht schlafen gehn.

(in Das frühe Fest, 1922)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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