Nicolò D’Arco (1479-1546) pasticheur burlesque de Catulle

Comme beaucoup de ses contemporains,
Nicolò D'Arco a lu Catulle.
Ses écrits en témoignent,
comme cette Fête de la saint-Martin,
dans laquelle il pastiche sur un ton burlesque 
un des poèmes les plus connus de son modèle.
  • Texte de D’Arco :

C’est la saint-Martin : adieu, les mordants
Tracas ! Mon garçon, apporte des cruches
En nombre, d’abord ; et puis de grands verres ;
Apporte un cuveau, que de vin d’ivresse
Nous humections tous, ivres, notre tête !
Sers-nous, par Bacchus ! du vin de garnache* :
De canons, pour moi : mille, puis deux cents ;
Un plein, pour Cotta, pichet de falerne.
Verse cent canons, puis cent à la suite ;
Cent autres encore, et deux cents, puis mille :
Ayant beaucoup bu, bu plus que beaucoup,
Plus que tout cela, nous irons dormir.
– Mais toi, mon garçon, rappelle-toi bien
De ne piper mot : car nous envierait
Quiconque saurait que nous avons bu
Combien de falerne ! et deux cents canons,
Mille fois deux cents ! canons de garnache* !

*: Il s’agit selon toute vraisemblance de vin de la région de Vernazza, en Ligurie. 
  • Texte de Catulle (dans ma traduction) :

Vivons, ma Lesbie, vivons et aimons :
Et quelque sourcil qu’un grave barbon
Fronce devant nous, battons-en nous l’œil !
Tout soleil renaît au nocturne deuil :
Mais quand ont péri nos lumières brèves
Il nous faut dormir la grand-nuit sans trêve.

Je veux de baisers des mille et des cents,
Puis encore mille et encore cent
Puis mille de suite et puis encor cent.
Alors ces baisers, ces mille et ces mille,
Brouillons-en le tout, perdons-en le fil :
Un méchant pourrait un sort nous jeter
S’il savait le tout de tous nos baisers.


  • Texte de D’Arco :

Martinalia sunt : valete, curae
mordaces ! Puer, huc cados frequentes
inger, dein cyathos capaciores ;
huc affer pateram, ebriosum ut omnes
tingamus caput ebrio Liaeo.
Fer Vernatiolum Thyonianum :
mero millia vasa, mi ducenta ;
cottae plena diota sit Falerno ;
da centum altera vasa, deinde centum ;
da centum altera : da ducenta, mille,
ut quum multa biberimus superque
potaverimus illa, dormiamus.
Tu verum interea, puer, memento
nulli dicere, ne invidere possit
quisquam quum sciat amphoras Falerni
et Vernatioli ducenta vasa
et potasse ducenties ducenta.

(in Nicolai Archii Comitis Numerorum libri IV [1762] p. 205)

  • Texte de Catulle :

Vivamus mea Lesbia, atque amemus,
rumoresque senum severiorum
omnes unius aestimemus assis!
soles occidere et redire possunt:
nobis cum semel occidit brevis lux,
nox est perpetua una dormienda.
da mi basia mille, deinde centum,
dein mille altera, dein secunda centum,
deinde usque altera mille, deinde centum.
dein, cum milia multa fecerimus,
conturbabimus illa, ne sciamus,
aut ne quis malus invidere possit,
cum tantum sciat esse basiorum.


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Nicolò D’Arco (1479-1546) : D’une langue à d’autres : traduire D’Arco-Pétrarque en français

Nicolò D'Arco a traduit plusieurs poèmes
de Pétrarque (1304-1374) en vers latins.
Je donne, de deux de ces traductions, 
mes propres traductions en vers français, 
jouant d'échos à travers siècles.

— 1 —

Dis-moi, je t’en prie, petit Cupidon,
Qui t’a procuré ce fauve métal
Pour faire à ma Belle une chevelure
Où chaque cheveu est un filet d’or ?
Qui donc t’a fourni de roses vermeilles,
De tendres gelées cueillies avec elles,
Pour faire deux joues de belle harmonie ?
Qui a récolté, dans la mer des Indes,
Perles et corail pour en façonner
Magistralement bouche vertueuse
Et mignonnes dents, sources de beautés
Et de propos doux mêlés d’amertume ?
Et ses yeux brillants, de quel soleil donc
Les as-tu tirés ? – ses yeux si cruels
(Supplice étonnant pour ceux-là qui l’aiment !),
Instillant la joie avec la douleur,
Ramenant la vie avec le trépas ?

— 2 —

Si ce n’est de l’amour, que sens-je donc ? Mais si
C’est de l’amour : qu’il est, mon amour, chose neuve !
Bonne ? – Mais perdre, hélas, si méchamment qui aime ?
Mauvaise ? – Mais mêler amertume et douceur ?
Si malgré moi je brûle, à quoi bon ces soupirs ?
Mais si c’est de moi-même, où puisé-je ces larmes ?
Une douce amertume habite un cœur d’amant,
Cela, pareillement, nous déplaît et nous plaît.


— 1 —

  • Sonnet originel de Pétrarque :

Onde tolse Amor l’oro, et di qual vena,
per far due trecce bionde? e ’n quali spine
colse le rose, e ’n qual piaggia le brine
tenere et fresche, et die’ lor polso et lena?

onde le perle, in ch’ei frange et affrena
dolci parole, honeste et pellegrine?
onde tante bellezze, et sí divine,
di quella fronte, piú che ’l ciel serena?

Da quali angeli mosse, et di qual spera,
quel celeste cantar che mi disface
sí che m’avanza omai da disfar poco?

Di qual sol nacque l’alma luce altera
di que’ belli occhi ond’io ò guerra et pace,
che mi cuocono il cor in ghiaccio e ’n fuoco?

  • Traduction latine de D’Arco :

Amabo, mihi dic, puer Cupido,
quis flavum tibi praebuit metallum
ut nostrae faceres comam puellae
atque una aureolos suos capillos ?
Servavit tibi quis rosas rubentes
colligens teneras simul pruinas,
utrasque ut faceres genas decentes ?
Quis gemmas niveas coralliumque
Indo ex aequore legit, ut pudicum
os et denticulos manu magistra
formares, quibus exeunt lepores
una et dulcia verba mixta amaris ?
Quo sole hos nitidos suos ocellos
duxisti : heu nimium malos ocellos,
qui miris cruciant modis amantes
et dant laetitiam et simul dolorem
et vitam simul et necem reportant ?

(in Nicolai Archii Comitis Numerorum libri IV [1762] pp. 257-8)


— 2 —

  • Sonnet originel de Pétrarque :

S’amor non è, che dunque è quel ch’io sento?
Ma s’egli è amor, perdio, che cosa et quale?
Se bona, onde l’effecto aspro mortale?
Se ria, onde sí dolce ogni tormento?

5S’a mia voglia ardo, onde ’l pianto e lamento?
S’a mal mio grado, il lamentar che vale?
O viva morte, o dilectoso male,
come puoi tanto in me, s’io no ’l consento?

Et s’io ’l consento, a gran torto mi doglio.
10Fra sí contrari vènti in frale barca
mi trovo in alto mar senza governo,

sí lieve di saver, d’error sí carca
ch’i’ medesmo non so quel ch’io mi voglio,
et tremo a mezza state, ardendo il verno

  • Traduction latine de D’Arco :

Si non est amor hic, ergo quid sentio ? Sed si
est amor hic, quae res est nova noster amor ?
Si bona, me miserum cur sic male perdit amantem ?
Si mala, cur dulci miscet amara joco ?
Ardeo si invitus, nihil haec suspiria prosunt :
sed si sponte uror, unde mihi hae lacrimae ?
Dulcis amarities animis versatur amantum :
illud idem nobis displicet atque placet.

(in Nicolai Archii Comitis Numerorum libri IV [1762] pp. 258-9)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Nicolò D’Arco (1479-1546) : Trois épigrammes bachiques

Épigramme votive 1 :

Burmatus, vigneron, t’offre, Bacchus, ces grappes,
Et de ce vin nouveau qu’il verse en tes patères,
Et prie que le raisin foulé dans son pressoir
Lui embrouille la langue et lui rompe les jambes.

Épigramme votive 2 :

Ces raisins frais tranchés du sarment, Sylvius
Te les offre, Bacchus, en l’automne pampré,
Priant qu’à pleine cuve écume sa vendange
Et qu’à pleine futaille il lui coule du vin.
Embrochez, paysans, sur du coudre ce bouc
Et louangez Bacchus dans le respect du rite :
Que du divin nectar il emplisse nos caves,
Et que de ses bienfaits soient pleines toutes choses.

La vendange de baisers :

Pourquoi, garçons, vous plaisez-vous,
À enivrer les jolies filles ?
Que peut, de plaisir, volupté,
En retirer la fille tendre ?
Des baisers, trois coups de languette !
Par le cou se tenir l’un l’autre !
Caresser leurs tétinets beaux !
Imiter les pigeons de Chypre,
Plus lascifs que moineaux d’avril !
S’étreindre, s’échauffer l’un l’autre
– La forte étreinte pour modèle
Dont l’arbre est ceinturé de lierre !
Car c’est la loi des fêtes ivres
Que soit plus dense que tous pampres
Cette vendange de baisers.


Vinitor hos tibi Bumastus dat, Bacche, racemos
Et libans pateris dat nova musta tuis
Et rogat ut calcata suo vindemia praelo
Illius linguam vinciat atque pedes.

Has modo decerptas ex palmite Sylvius uvas
Pampineo autumno dat tibi, Bacche pater,
Et rogat ut pleno spumet vindemia lynthre
Atque illi musto dolia plena fluant.
Agricolae, hunc hircum verubus torrete colurnis
Et Baccho laudes dicite rite suas,
Impleat ut nostras divino nectare cellas
Et sint plena suis omnia muneribus.

Quid vos tinguere Bacchico liquore
Formosas, iuvenes, iuvat puellas?
Quae solatia deinde, quae voluptas
Aut hinc quid tenerae ferunt puellae?
Ite in basia lingulis trisulcis,
Per colla utraque mutuis lacertis;
Pertractate papillulas venustas;
Cyprias imitamini columbas
Vernis passeribus salatiores.
Amplexus date, mutuo fovete
Amplexumque hederam simul tenacem
Quae circumligat arbores referte:
Nam lex hoc madidi iubet Lyaei,
Ut sit densior omnibus racemis
Haec vindemia basiationum.

(in Nicolai Archii Comitis Numerorum libri IV [1762])


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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