Gottfried Benn (1886-1956) : Chansons / Gesänge

Qui est Gottfried Benn ?

I

Ô que ne sommes-nous nos vieux, nos vieux ancêtres.
Dans un chaud marécage : une glaire en grumeau.
Alors vivre et mourir, féconder, faire naître,
Sortiraient en glissant de nos muettes eaux.

N’être que feuille d’algue ou dune qui cumule,
Ce que le vent modèle avec du poids dessous.
Aile de cormoran, tête de libellule,
Déjà seraient abus, trop grand tourment pour nous.

II

Méritent le mépris les amants, les moqueurs,
Et le doute et le spleen, et celui qui espère.
Nous sommes dieux d’infections et de douleurs,
Et nous pensons à Dieu, c’est là notre ordinaire.

La crique douce. Obscurs, les rêves des forêts.
L’étoile lourde, grosse fleur de neige en boule.
La panthère : ses bonds dans les arbres, discrets.
Tout est rive. Éternel est l’appel de la houle –


I

O daß wir unsere Ururahnen wären.
Ein Klümpchen Schleim in einem warmen Moor.
Leben und Tod, Befruchten und Gebären
glitte aus unseren stummen Säften vor.

Ein Algenblatt oder ein Dünenhügel,
vom Wind Geformtes und nach unten schwer.
Schon ein Libellenkopf, ein Möwenflügel
wäre zu weit und litte schon zu sehr.

II

Verächtlich sind die Liebenden, die Spötter,
alles Verzweifeln, Sehnsucht, und wer hofft.
Wir sind so schmerzliche durchseuchte Götter
und dennoch denken wir des Gottes oft.

Die weiche Bucht. Die dunklen Wälderträume.
Die Sterne, schneeballblütengroß und schwer.
Die Panther springen lautlos durch die Bäume.
Alles ist Ufer. Ewig ruft das Meer –

(in Fleisch. Gesammelte Lyrik, 1917)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.