L’oreille qui siffle (attribué à Pétrone ; ou à Sénèque ; ou à Virgile)

parler à l'oreille


« Toute la nuit l’oreille et me babille et siffle ;
Tu dis que c’est quelqu’un ‒ qui donc ? ‒ qui pense à moi ?
― Tu veux savoir qui c’est ? Si l’oreille te siffle,
Siffle toute la nuit : c’est Délie qui te parle. »
Aucun doute : Délie me parle ‒ un faible souffle
Me parvient, qui frémit, doux, d’un léger murmure.
C’est ainsi qu’à voix basse et dans un chuchotis,
Délie rompt le silence intime de la nuit,
Ainsi qu’en accolant du tendre de ses bras
Elle coule ses mots dans l’oreille attentive.
C’est elle : j’ai perçu l’écho de sa vraie voix,
Un son plus caressant tinte en ma fine oreille.
De grâce, continue, susurre tout du long !
Je déplore, en parlant, déjà que tu te taises.


‘Garrula quod totis resonat mihi noctibus auris,
Nescio quem dicis nunc meminisse mei?’
‘Hic quis sit, quaeris? resonant tibi noctibus aures:
Et resonant totis: Delia te loquitur.’
Non dubie loquitur me Delia : mollior aura
Venit et exili murmure dulce fremit.
Delia non aliter secreta silentia noctis
Submissa ac tenui rumpere uoce solet,
Non aliter teneris colium complexa lacertis
Auribus admotis condita uerba dare.
Agnoui: uerae uenit mihi uocis imago,
Blandior arguta tinnit in aure sonus.
Ne cessate, precor, longes gestare susurros!
Dum loquor haec, iam uos opticuisse queror.

(in Anthologia latina [Alexander Riese éd. 1869])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

Pétrone (27-66) : Contre le luxe de son époque

Le luxe à groin béant mine les murs de Mars,
Enclos dans ton palais, un paon s’y fait repaître
Qu’orne un plumage d’or tout babylonien,
Poule de Numidie, tu as ; tu as chapon ;
Et la cigogne itou, jolie migrante, y loge,
Fidèle aux siens, pattue, castagnettant du bec,
Oiseau qu’exclut l’hiver, honneur des temps cléments,
Et qui de nos jours niche en chaudron de débauche.

Perle chère à tes yeux, pendants d’Inde, pourquoi ?
Pour qu’ornée d’un sautoir marinier, ta bourgeoise
Se porte, insatiable, en un lit qui n’est sien ?
Pourquoi, coûteux cristal, le vert de l’émeraude ?
Pourquoi vouloir le feu des pierres de Carthage
Si la vertu ne brille entre les diamants ?
Est-il bien qu’une épouse en vêtement de brise
Se montre à chacun nue, dans un lin vaporeux ?


Luxuriae rictu Martis marcent moenia.
Tuo palato clausus pavo pascitur
plumato amictus aureo Babylonico,
gallina tibi Numidica, tibi gallus spado;
ciconia etiam, grata peregrina hospita
pietaticultrix gracilipes crotalistria,
avis exul hiemis, titulus tepidi temporis,
nequitiae nidum in caccabo fecit modo.
Quo margaritam caram tibi, bacam Indicam?
An ut matrona ornata phaleris pelagiis
tollat pedes indomita in strato extraneo?
Smaragdum ad quam rem viridem, pretiosum vitrum?
Quo Carchedonios optas ignes lapideos,
nisi ut scintillet probitas e carbunculis?
Aequum est induere nuptam ventum textile,
Palam prostare nudam in nebula linea?

(in Satyricon, 55, 6)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

Pétrone ailleurs sur ce blog :

 

Pétrone (27-66) : Il est un lieu où bée un gouffre très profond / Est locus excuso penitus demersus hiatu

Il est un lieu où bée un gouffre très profond
En plaine, entre Naples et la grande Pouzzoles,
Gorgé d’eau des enfers : un souffle en sort, furie
Qui dissémine une funeste aridité.
À l’automne le sol n’y verdit point, les prés
Dépouillés de gazon n’y nourrissent point d’herbe,
Ni ne bruissent de chants au printemps, point d’arbuste
Flexible qui babille à gazouillis discords :
Mais chaos et rochers barbés de ponce noire
S’égaient, massés autour, du funèbre cyprès.


Est locus excuso penitus demersus hiatu,
Parthenopen inter magnaeque Dicarchidos arva,
Cocyta perfusus aqua ; nam spiritus extra
Qui furit, effusus funesto spargitur aestu.
Non haec automno tellus viret, aut alit herbas
Cespite laetus ager ; non verno persona cantu,
Mollia discordi strepitu virgulta loquuntur :
Sed chaos, et nigro squalentia pumice saxa
Gaudent ferali circum tumultata cupressu.

(in De mutatione reipublicae romanae, vers 66 – 75)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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