
Le Réveil de Vénus (C.-J. Natoire, 1741)
Telle qu’en Dardanie Cythérée sur l’Ida
Se soumit au verdict du berger phrygien,
Pressant de Jupiter les filles et l’épouse,
Pâle belle Déesse ! au jugement d’un homme :
Telle ma Vie s’extrait de sa couche secrète,
Nul fard ne rehaussant sa native beauté.
Vois-tu briller, poli, son front lisse, vois-tu
De dans ses yeux l’Amour, cruel, darder ses flèches
‒ Qu’il lance au ciel, au sol d’Amathonte, le dieu,
Se jouant, pour sa joie, des hôtes qui l’hébergent ?
Que ses jeunes cheveux lui ombrent bien les tempes !
Que sur ses joues de rose il resplendit de grâce !
Feu des lèvres pareil au rouge du corail,
Nez d’ivoire émulant le blanc des primes neiges.
Doigts faits au tour ! Et cou léger ! Quelle beauté
Que son corps ! Et que d’art apporté à sa marche !
Point mortelle de port ! Que tout en elle est rare,
Fait même pour le lit de Jupiter le grand !
Tant que tu peux : retiens ton char lancé, Aurore,
Cache-toi de nouveau dans les flots d’Orient,
Ou embrume de gris ton visage, sinon
Sur terre va briller, plus claire que la tienne,
Une clarté ; sors-tu, gare à la belle honte,
Quand, vaincue, tu verras le minois de ma Belle !
Qualis Dardania quondam Citherea sub Ida
pastoris Phrygii venit in arbitrium ;
cum nuptam, natasque Jovis Dea livida formam
perpulit humano subdere judicio :
talis et arcano egreditur mea Vita cubili,
nativum nullis artibus aucta decus.
Cernis ut explicito niteat frons aequore ? Cernis
acer ut ex oculis spicula stringat Amor ?
His Deus ille, polo, terraque Amathuside missis,
ut propriis gaudens ludit in hospitiis.
Quam bene caesaries vernans sua tempora obumbrat !
Emicat e roseis gratia quanta genis !
Flammea puniceo non cedunt labra corallo :
et primis certat narium ebur nivibus.
Quam teretes digiti ! Quam levia colla ! Venustum
quam latus ! Artifici quae data forma pedi est !
Ut non mortalem se prodit ! Ut omnia rara,
omnia vel magni sunt thalamo apta Jovis !
Dum licet, admissos Tithonia flecte jugales :
teque iterum Eois abde sub aequoribus :
aut ferruginea vultum tege nube, refulget
clarior e terris lux modo luce tua
Ni facis ; egressam temere pudor obruet aureus :
victa meae postquam videris os Dominae.
(in Jani Lernutii Basia, Ocelli & alia Poemata [1614 ; première éd. 1579] p. 343)
Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.