Rainer Maria Rilke (1875-1926) : Dansez l’orange / Tanzt die Orange


Attendez…, le bon goût… Mais qui déjà s’enfuit.
… Juste un peu de musique, un bruit, une cadence ‒ :
Jeunes filles-chaleur, jeunes filles-silence,
dansez, dansez le goût qu’on éprouva du fruit !

Dansez, dansez l’orange ; oh, jamais oubliée
quand elle sombre en soi et qu’elle se défend,
parant à sa douceur. Vous l’avez possédée.
Elle s’est convertie, à vous, exquisement.

Dansez, dansez l’orange. Et que de vous s’élance
le plus chaud paysage où sa maturité
rayonne à l’air natal ! Dévoilez, euphorie !

parfums après parfums. Formez une alliance
avec l’écorce pure ‒ et sans sa volonté ‒,
avec aussi le suc dont l’heureuse est emplie.

NB : J’ai conservé l’alternance des rimes est conservée dans son irrégularité d’origine, soit a b b a / c d c d / e f g / e f g.


Wartet…, das schmeckt… Schon ists auf der Flucht.
….. Wenig Musik nur, ein Stampfen, ein Summen –:
Mädchen, ihr warmen, Mädchen, ihr stummen,
tanzt den Geschmack der erfahrenen Frucht!

Tanzt die Orange. Wer kann sie vergessen,
wie sie, ertrinkend in sich, sich wehrt
wider ihr Süßsein. Ihr habt sie besessen.
Sie hat sich köstlich zu euch bekehrt.

Tanzt die Orange. Die wärmere Landschaft,
werft sie aus euch, daß die reife erstrahle
in Lüften der Heimat! Erglühte, enthüllt

Düfte um Düfte. Schafft die Verwandtschaft
mit der reinen, sich weigernden Schale,
mit dem Saft, der die Glückliche füllt!

(in Die Sonette an Orpheus [I, 15] 1923)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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