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C’est là, devant ma porte, que je l’ai vue, elle, la première fois, au tout début de septembre.
D’abord incluse dans un groupe de jeunes indifférenciés, prise telle la reine des abeilles dans un essaim de gestes et de voix. Je les suivais de l’œil, fasciné par leur mouvement. Leur houle, longue et continuelle, vivante, fluait des artères voisines, s’abouchait sur la place avant de s’engouffrer dans la Grand-Rue.
Huit heures moins dix, marée d’équinoxe un matin de septembre.
Je tenais à la main mon appareil photo – l’appareil photo, chez le journaleux de province, est une sorte d’appendice qui prolonge immédiatement la paume. J’ai, à la diable, saisi quelques images. Ça m’avait donné, cette foule d’élèves, une idée d’illustration pour un article à faire, la rentrée des classes vue de la rue, le mouvement vers le lycée, le flot bigarré. Ça changerait des clichés statiques, immémorialement pris dans, devant les écoles.
La foule s’éloigna, le brouhaha décrut.
Ce fut de nouveau le silence.
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Extrait de Anaïs ou les Gravières, Éditions du Sonneur,2012, p.80.
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