Properce (47 [?]-16 [?]av. J.-C.) : À son amie qui s’ivrogne

[…] Tu n’entends pas, laissant voler mes mots, – déjà,
Icare et ses bovins poussent les astres lents.
Blasée, tu bois : la nuit décline, sans te rompre.
Ta main lance les dés, n’est pas encore lasse.
– Ah, maudit soit, qui fit, le premier, du vin pur,
Et qui, de ce nectar, gâcha les bonnes eaux !
Toi qu’à raison tua le colon de Cécrops,
Icare, tu connais l’amer bouquet du pampre ;
Tu péris par le vin, Centaure Eurytion,
Toi, Polyphème aussi – par celui d’Ismara.
Le vin tue la beauté, le vin gâche la vie,
Le vin fait méconnaître à l’amie son amant.
– Mais non : les flots de vin ne t’ont en rien changée !
Bois, tu es belle – à toi, le vin ne fait pas tort –,
Quand, tombant, ta couronne en ta coupe s’incline,
Et que tu lis mes vers d’une voix caressante.
Que versé, le falerne à flots baigne ta table,
Qu’il écume, suave, en ton verre doré !
Mais nulle femme n’aime à être seule au lit :
L’amour vous fait chercher une certaine chose.
L’on brûle, aimant, d’un feu plus vif pour les absents :
L’homme assidu pâtit d’une longue habitude.


Non audis et verba sinis mea ludere, cum iam
flectant Icarii sidera tarda boves.
lenta bibis: mediae nequeunt te frangere noctes.
an nondum est talos mittere lassa manus?
a pereat, quicumque meracas repperit uvas
corrupitque bonas nectare primus aquas!
Icare, Cecropiis merito iugulate colonis,
pampineus nosti quam sit amarus odor!
tuque o Eurytion vino Centaure peristi,
nec non Ismario tu, Polypheme, mero.
vino forma perit, vino corrumpitur aetas,
vino saepe suum nescit amica virum.
me miserum, ut multo nihil es[t] mutata Lyaeo!
iam bibe: formosa es: nil tibi vina nocent,
cum tua praependent demissae in pocula sertae,
et mea deducta carmina voce legis.
largius effuso madeat tibi mensa Falerno,
spumet et aurato mollius in calice.
nulla tamen lecto recipit se sola libenter:
est quiddam, quod vos quaerere cogat Amor.
semper in absentis felicior aestus amantis:
elevat assiduos copia longa viros.

(in Élégies, livre II, 23b )


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

 

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