La fourmi :
Comme errait la fourmi sous l’ombrage d’un tremble,
L’insecte s’englua dans une goutte d’ambre :
Lui qui, de son vivant, fut l’objet de mépris,
Devint, après sa mort, un objet de grand prix.
L’excellent Clément Marot (1496-1544)
traduit la même épigramme comme suit,
selon le procédé, en vigueur à son époque, de la « paraphrase » :
L’abeille :
Claire et close au secret de résine de tremble,
L’abeille semble incluse en son propre nectar.
C’est le prix mérité de ses peines si grandes,
On croirait qu’elle-même a choisi son départ.
Variante non rimée mais plus proche du latin :
Claire et close au secret de cette goutte d’ambre,
L’abeille semble incluse en son propre nectar.
Sa récompense est à hauteur de sa besogne,
Et l’on croirait qu’elle a voulu mourir ainsi.
La vipère :
Comme elle serpentait sous un tremble languide,
Une vipère fut ‒ de l’ambre en dégouttait ‒
Surprise d’être prise en ce poisseux liquide
Qui durcissant soudain, l’enserrant, la figeait !
‒ Cléopâtre, fais fi de ta tombe princière :
Plus noble est le tombeau où gît cette vipère.
Dum Phaetontea formica vagatur in umbra,
__Implicuit tenuem, succina gutta feram.
Sic modo quae fuit vita contempta manente,
__Funeribus facta est, jam preciosa suis.
(in Epigrammaton liber VI, 15)
Et latet et lucet Phaethontide condita gutta,
__Ut videatur apis nectare clusa suo.
Dignum tantorum pretium tulit illa laborum:
__Credibile est ipsam sic voluisse mori.
(in Epigrammaton liber IV, 32)
Flentibus Heliadum ramis dum vipera repit,
__Fluxit in obstantem sucina gutta feram:
Quae dum miratur pingui se rore teneri,
__Concreto riguit vincta repente gelu.
Ne tibi regali placeas, Cleopatra, sepulcro,
__Vipera si tumulo nobiliore jacet.
(in Epigrammaton liber IV, 59)
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