Fabio Segni (1502- ?) : Trois épigrammes à Néère

Petit, nul triomphe à te décerner,
Ô porte-carquois* m’accablant de flèches,
Et de coups cruels perçant, ennemi !
____Mon cœur désarmé.

Bourrèle plutôt Néère l’impie,
Forte de l’éclat de ses faits de guerre :
Tu en tireras prestige et triomphe
____Non moins que trophées.

Plus agile elle est que fugace biche
Pour se dérober à la flamme ardente
Qui m’emplit sans bruit de langueur funeste
____– Ainsi qu’à ton arc.

* : Il s’agit de Cupidon, dieu de l’Amour, représenté traditionnellement sous les traits d’un enfant ailé, armé d’un carquois et de flèches.

*

La clémente Vénus courant bois et pacages,
Cherchant où son enfant – l’Amour – était caché,
Emplissait terre et ciel de plaintes affligées :
– L’on percevait les pleurs inondant son visage.

Désespérant, soudain le voyant abrité
Tout au fond de tes yeux, ô divine Néère !
De dire alors : « Adieu, Idalie et Cythère*,
Ici, fils, à jamais, nous allons habiter. »

* : Deux des lieux où Vénus et son fils étaient supposés vivre à l’ordinaire.

*

Cupidon par hasard – l’ailé ! – croisant Néère,
La prenant pour Vénus lui dit « Où vas-tu, mère ? »
L’enfant reconnaissant sa très charmante erreur
Tout ensemble afficha son trouble et sa rougeur.


Dignus es nullo puer, o triumpho,
Qui meum telis pharetratus urges
Ictibus saevis fodiens inique
____Pectus inerme ;

Fulgido armorum validam decore
Impiam cur non laceras Neaeram?
Hinc tibi clarum paries trophaeum,
____Exuviasque.

Nam meos cerva levior fugaci
Fervidos ignes, tacite medullas
Tabe qui dira penetrant, tuosque
____Diffugit arcus.

*

Dum nemora, et saltus omnes Venus alma peragrat
Quaerens parvus ubi delituisset Amor,
Replebat maestis terras, atque astra querelis:
Cernere erat lacrimis ora rigare Deam.

Spes ubi nulla fuit, latitantem protinus illum
Luminibus vidit, diva Neaera, tuis.
Tunc ait, Idalium valeat, valeantque Cythera,
O nate, hic sedes nostra perennis erit.

*

Aliger occurrit dum forte Cupido Neaerae,
Esse ratus Venerem, quo mea mater? ait.
Utque fuit puero gratissimus agnitus error,
Obstupuit deinceps, erubuitque simul.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus nonus [1722] pp. 13, 24, 25)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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