Fabio Segni (1502- ?) : Deux épigrammes florales

Un jour au Bois-Jupin cortégeant les Dryades,
Cynthie la belle errait en chantant doucement.
Parmi d’autres, la fleur s’exhalait d’un troène,
Suave – un blanc de neige ! –, entre les violettes.
Un berger s’y trouvait qui la cueillit, disant :
« Elle a sa place aussi dans tes cheveux, Jeunesse ! »
Au contact de la main virginale, la fleur
Devint rouge, cédant sa couleur primitive.
Oh ! l’évidente cause : aussitôt sur la fleur
Est passé le vermeil du visage divin. 

*

Des jasmins consumaient un blanc minois de fille
– Le sommeil éternel pesait à ses yeux clairs.
Déjà le feu funèbre entrait dans le corps pâle,
La flamme sacrilège atrocement bruissait.

Vénus la Belle, assise en sa nue éthérée,
Observant ce forfait, fit entendre ces mots :
« On pourrait donc brûler, martyriser des membres
Divins ? Jasmins, ce monde en perdrait la mémoire ? »

À peine eut-elle dit : flammes et flamboiements
Quittèrent aussitôt, tous, le bûcher ardent.
– Lors, une fleur d’argent rompit le gazon noir,
Pour de sa marque triste ajouter au sépulcre.


Forte Jovis luco Dryadum comitante caterva
Pulchra vagabatur Cynthia dulce canens.
Flos varios inter flores violasque ligustri
Spirabat mollis, candidiorque nive.
Hunc carpsit pastor, qui forte adstabat, et (inquit)
“Hoc quoque digneris nectere virgo comas.”
Pollice virgineo contacto purpura florem
Infecit, fugit qui fuit ante color.
In promptu causa est: nam florem protinus illum
Divino tinxit sparsus ab ore rubor.

*

Candida tabuerant jasmines ora puellae,
Presserat aeternus lumina clara sopor.
Jam face funerea niveos invaserat artus,
Et dabat horribiles impia flamma sonos.

Aetherio tum forte sedens Venus aurea nimbo,
Dum spectat facinus, talibus orsa loqui :
“Divina heu poterunt tam dira incendia membra
Carpere? Jasmines, immemor orbis erit?”

Vix ea dicta dedit, flammae cum protinus omnes
Ardentemque ignes deseruere rogum.
Cespite prorupit tunc flos argenteus atro,
Tristi ne careant haec monumenta nota.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus nonus [1722] pp. 23, 17)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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Fabio Segni (1502- ?) : Trois épigrammes à Néère

Petit, nul triomphe à te décerner,
Ô porte-carquois* m’accablant de flèches,
Et de coups cruels perçant, ennemi !
____Mon cœur désarmé.

Bourrèle plutôt Néère l’impie,
Forte de l’éclat de ses faits de guerre :
Tu en tireras prestige et triomphe
____Non moins que trophées.

Plus agile elle est que fugace biche
Pour se dérober à la flamme ardente
Qui m’emplit sans bruit de langueur funeste
____– Ainsi qu’à ton arc.

* : Il s’agit de Cupidon, dieu de l’Amour, représenté traditionnellement sous les traits d’un enfant ailé, armé d’un carquois et de flèches.

*

La clémente Vénus courant bois et pacages,
Cherchant où son enfant – l’Amour – était caché,
Emplissait terre et ciel de plaintes affligées :
– L’on percevait les pleurs inondant son visage.

Désespérant, soudain le voyant abrité
Tout au fond de tes yeux, ô divine Néère !
De dire alors : « Adieu, Idalie et Cythère*,
Ici, fils, à jamais, nous allons habiter. »

* : Deux des lieux où Vénus et son fils étaient supposés vivre à l’ordinaire.

*

Cupidon par hasard – l’ailé ! – croisant Néère,
La prenant pour Vénus lui dit « Où vas-tu, mère ? »
L’enfant reconnaissant sa très charmante erreur
Tout ensemble afficha son trouble et sa rougeur.


Dignus es nullo puer, o triumpho,
Qui meum telis pharetratus urges
Ictibus saevis fodiens inique
____Pectus inerme ;

Fulgido armorum validam decore
Impiam cur non laceras Neaeram?
Hinc tibi clarum paries trophaeum,
____Exuviasque.

Nam meos cerva levior fugaci
Fervidos ignes, tacite medullas
Tabe qui dira penetrant, tuosque
____Diffugit arcus.

*

Dum nemora, et saltus omnes Venus alma peragrat
Quaerens parvus ubi delituisset Amor,
Replebat maestis terras, atque astra querelis:
Cernere erat lacrimis ora rigare Deam.

Spes ubi nulla fuit, latitantem protinus illum
Luminibus vidit, diva Neaera, tuis.
Tunc ait, Idalium valeat, valeantque Cythera,
O nate, hic sedes nostra perennis erit.

*

Aliger occurrit dum forte Cupido Neaerae,
Esse ratus Venerem, quo mea mater? ait.
Utque fuit puero gratissimus agnitus error,
Obstupuit deinceps, erubuitque simul.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus nonus [1722] pp. 13, 24, 25)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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