Publio Fulvio (Italie, XVIIe siècle) : La Bataille de Lépante


[…] Les tambours, bruits d’enfer, de donner le signal,
De sonner l’airain rauque et criard des trompettes.
L’espoir, qui s’est dressé, frappe de cris les astres,
L’éther tonne au fracas des boulets qui explosent.
La rame grince, arrache une onde qui écume ;
Les rapides bateaux courent sur l’eau marine,
Se ruant sans tarder sur le fer : ils s’approchent
Et la fureur de Mars mêle les deux armées.
L’airain fait briller l’onde et l’air est enfumé :
Les rivages renvoient le vacarme en écho.
Déjà, mollit son arc, et son carquois se vide :
Glaives, flèches et plomb sont la mort du barbare,
Tombent, tombent, les chefs ennemis, les phalanges ;
La main victorieuse a pris les rostres turcs. […]


[…] Tartareos imitata sonos dant tympana signum,
__Et rauco clangens increpat aere tuba.
Hic spes arrectae feriunt clamoribus astra,
__Displosisque globis aethra fragore tonat.
Spumant convulsae remis stridentibus undae;
__Concurrunt celeres per vada salsa rates.
In ferrum sine more ruunt, et cominus instant
__Martius et cuneos miscet utrosque furor.
Aere micant fluctus, fumo subtexitur aer:
__Ingentem referunt littora pulsa sonum.
Jam laxos arcus, pharetras jam sentit inanes
__Barbarus; et jaculis, glandibus, ense perit.
Hostiles cecidere duces, cecidere phalanges;
__Captaque victrici Turcica rostra manu. […]

(in Carmina illustrium poetarum italorum tome V [1720] pp. 147-8)


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

George Buchanan (1506-1582) : Profitez du printemps !

Le Printemps (Botticelli, 1477–1482)


[…] Tant que l’on peut danser, tant que le Mai fêtant
Le doux plaisant printemps, donne aux joies libre cours :
Cueillant rose et troène à la durée si brève,
Répute-les tous deux symboles de ta vie.
Tel l’horrible Borée privant le champ fertile
De ses beautés, semant la neige blanche en plaine,
Volant au bois sa feuille et au jardin ses fleurs,
Alanguissant le fleuve en le prenant de glace :
Tes cheveux, blanchissant, dépareront tes tempes ;
Les rides crisperont, arides, ton visage ;
Ta peau, lâche, pendra ; le tartre incrustera
Tes dents jaunies ; tes yeux se gagneront de rouge ;
Ta langue rabattra sa faconde de miel ;
L’hiver et ses froideurs menaceront ta vie.
Tant que les envieux destins le daignent : vieux,
Profitez du printemps, et vous, jeunes, du vôtre.


[…] Dum choreas, aetas, dum blandi gratia veris,
libera dum festus gaudia Majus habet,
carpe rosas, et, ni carpas, peritura ligustra,
et vitae credas haec simulacra tuae.
Horrifer ut Boreas agri genialis honorem
exuit, ut canas fundit in arva nives,
frondibus ut spoliat silvas, ut floribus hortos,
pigraque concretis flumina frenat aquis :
sic tibi deformes mutabunt tempora cani,
contrahet et vultus arida ruga tuos,
pendebit laxata cutis, rubigine dentes
squalebunt, oculos inficietque rubor ;
mellea deficiet facundae gratia linguae,
imminet en vitae frigida bruma tuae.
Dum nos ergo sinunt fata invidiosa, senecta
temporis utatur vere, juventa suo.

(in Georgii Buchani scoti Elegiarum liber I  [1579], pp. 7-8  [élégie 2, vers 131-146])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


 

Fabio Segni (1502- ?) : Deux épigrammes florales

Un jour au Bois-Jupin cortégeant les Dryades,
Cynthie la belle errait en chantant doucement.
Parmi d’autres, la fleur s’exhalait d’un troène,
Suave – un blanc de neige ! –, entre les violettes.
Un berger s’y trouvait qui la cueillit, disant :
« Elle a sa place aussi dans tes cheveux, Jeunesse ! »
Au contact de la main virginale, la fleur
Devint rouge, cédant sa couleur primitive.
Oh ! l’évidente cause : aussitôt sur la fleur
Est passé le vermeil du visage divin. 

*

Des jasmins consumaient un blanc minois de fille
– Le sommeil éternel pesait à ses yeux clairs.
Déjà le feu funèbre entrait dans le corps pâle,
La flamme sacrilège atrocement bruissait.

Vénus la Belle, assise en sa nue éthérée,
Observant ce forfait, fit entendre ces mots :
« On pourrait donc brûler, martyriser des membres
Divins ? Jasmins, ce monde en perdrait la mémoire ? »

À peine eut-elle dit : flammes et flamboiements
Quittèrent aussitôt, tous, le bûcher ardent.
– Lors, une fleur d’argent rompit le gazon noir,
Pour de sa marque triste ajouter au sépulcre.


Forte Jovis luco Dryadum comitante caterva
Pulchra vagabatur Cynthia dulce canens.
Flos varios inter flores violasque ligustri
Spirabat mollis, candidiorque nive.
Hunc carpsit pastor, qui forte adstabat, et (inquit)
“Hoc quoque digneris nectere virgo comas.”
Pollice virgineo contacto purpura florem
Infecit, fugit qui fuit ante color.
In promptu causa est: nam florem protinus illum
Divino tinxit sparsus ab ore rubor.

*

Candida tabuerant jasmines ora puellae,
Presserat aeternus lumina clara sopor.
Jam face funerea niveos invaserat artus,
Et dabat horribiles impia flamma sonos.

Aetherio tum forte sedens Venus aurea nimbo,
Dum spectat facinus, talibus orsa loqui :
“Divina heu poterunt tam dira incendia membra
Carpere? Jasmines, immemor orbis erit?”

Vix ea dicta dedit, flammae cum protinus omnes
Ardentemque ignes deseruere rogum.
Cespite prorupit tunc flos argenteus atro,
Tristi ne careant haec monumenta nota.

(in Carmina illustrium poetarum italorum tomus nonus [1722] pp. 23, 17)


Ces traductions originales, dues à Lionel-Édouard Martin, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de les diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

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