George Buchanan (1506-1582) : Profitez du printemps !

Le Printemps (Botticelli, 1477–1482)


[…] Tant que l’on peut danser, tant que le Mai fêtant
Le doux plaisant printemps, donne aux joies libre cours :
Cueillant rose et troène à la durée si brève,
Répute-les tous deux symboles de ta vie.
Tel l’horrible Borée privant le champ fertile
De ses beautés, semant la neige blanche en plaine,
Volant au bois sa feuille et au jardin ses fleurs,
Alanguissant le fleuve en le prenant de glace :
Tes cheveux, blanchissant, dépareront tes tempes ;
Les rides crisperont, arides, ton visage ;
Ta peau, lâche, pendra ; le tartre incrustera
Tes dents jaunies ; tes yeux se gagneront de rouge ;
Ta langue rabattra sa faconde de miel ;
L’hiver et ses froideurs menaceront ta vie.
Tant que les envieux destins le daignent : vieux,
Profitez du printemps, et vous, jeunes, du vôtre.


[…] Dum choreas, aetas, dum blandi gratia veris,
libera dum festus gaudia Majus habet,
carpe rosas, et, ni carpas, peritura ligustra,
et vitae credas haec simulacra tuae.
Horrifer ut Boreas agri genialis honorem
exuit, ut canas fundit in arva nives,
frondibus ut spoliat silvas, ut floribus hortos,
pigraque concretis flumina frenat aquis :
sic tibi deformes mutabunt tempora cani,
contrahet et vultus arida ruga tuos,
pendebit laxata cutis, rubigine dentes
squalebunt, oculos inficietque rubor ;
mellea deficiet facundae gratia linguae,
imminet en vitae frigida bruma tuae.
Dum nos ergo sinunt fata invidiosa, senecta
temporis utatur vere, juventa suo.

(in Georgii Buchani scoti Elegiarum liber I  [1579], pp. 7-8  [élégie 2, vers 131-146])


Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.  Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.


 

Sulpicia (1er siècle avant JC) : Elégies I et II

I

Enfin l’amour est là : le voiler de pudeur
Vaut mieux pour mon renom que de le montrer nu.
J’ai tant prié Vénus en mes vers qu’elle l’a
Mené jusqu’à mon sein, et l’y a déposé.
Elle a tenu parole : et celle, réputée
N’en avoir eu son soûl, racontera mes joies.
Je ne confierai rien à mes correspondants :
Nul avant mon amant ne doit pouvoir me lire :
Heureuse de ma faute, et lasse de devoir
Feindre pour mon renom : je veux que l’on me dise
Digne de lui, comme il était digne de moi.

II

Funeste anniversaire, à passer tristement
Dans cette ennuyeuse campagne, et sans Cérinthe.
Agréments de la ville ! Une maison des champs
Une rivière froide au fond de l’Arrentin
Est-ce là ce qu’il faut à une jeune fille ?
Sourcilleux Messalla, va dormir, mon cerbère
Toujours à méditer d’inopportuns voyages !
Tu me retiens ici, mais mon cœur, mes pensées
Sont ailleurs, dusses-tu m’empêcher d’être libre.

***

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.

***

I

Tandem venit amor, qualem texisse pudori
quam nudasse alicui sit mihi fama magis.
Exorata meis illum Cytherea Camenis
adtulit in nostrum deposuitque sinum.
Exsolvit promissa Venus: mea gaudia narret,
dicetur si quis non habuisse sua.
Non ego signatis quicquam mandare tabellis,
ne legat id nemo quam meus ante, velim,
sed peccasse juvat, vultus conponere famae
taedet: cum digno digna fuisse ferar.

II

Invisus natalis adest, qui rure molesto
et sine Cerintho tristis agendus erit.
Dulcius urbe quid est? an villa sit apta puellae
atque Arrentino frigidus amnis agro?
Iam nimium Messalla mei studiose, quiescas,
neu tempestivae saepe propinque viae!
Hic animum sensusque meos abducta relinquo,
arbitrio quamvis non sinis esse meo.

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